Levadee de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар) - Страница 67

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— J’ai fait aussi ce calcul.

— Et vous avez trouvé combien, ma mère ?

— Sept cent dix mille francs. Nous payons aujourd’hui la majeure partie des approvisionnements de l’usine.

— En effet, ma mère.

— Je voulais vous demander, maman, dit Paul Granjeard, enfin, si vous avez tenu compte de la note que j’ai laissée il y a quatre jours sur votre bureau. Nous nous sommes si peu vus ces temps-ci. Sans témoins.

De pâle qu’elle était, M me Granjeard était devenue livide.

Lourdement, la sèche commerçante se laissait tomber sur un fauteuil ; elle ne répondait pas.

— Maman, continuait Paul Granjeard d’une voix qui maintenant tremblait, sans qu’il fît rien pour la rendre plus assurée, maman, vous me faites peur. Voyons, vous avez bien trouvé cette note, n’est-ce pas ? vous avez bien compris ce que je vous disais ? Je vous prévenais que pour faire face à l’échéance, il était nécessaire que vous réunissiez les fonds qui ont représenté votre part dans la succession de mon père. Je vous disais que moi-même je ne pouvais liquider assez rapidement ma propre part. Vous avez cet argent, maman ?

D’une voix sourde, accablée, M me Granjeard répondit :

— Non.

— Vous n’avez pas réuni les cinq cent mille francs dont vous disposez ? Ah Maman, pourquoi ? vous me faites peur. Ne savez-vous pas qu’alors, dans quelques minutes, quand on va nous présenter les traites qui viennent à échéance, nous n’y pourrons faire face. Ce sera la faillite, la ruine de l’usine. Maman, Maman, vous avez cet argent ?

M me Granjeard, d’une voix lassée, brisée, répondit encore :

— Je n’ai pas un sou, Paul.

— Mais comment allons-nous faire ?

— Tu paieras. Tu feras des billets. Tu as cinq cent mille francs aussi, Paul ?

— Maman, Maman, il faut que ce soit vous qui payiez, je n’ai pas un sou.

— Je ne dispose pas d’un centime, Paul.

— Mais ce n’est pas possible, Maman, ce n’est pas possible, vous avez votre part certainement, il faut que vous payiez. Vous ne disposez pas d’un centime ? Allons donc Vous voulez sans doute me contraindre à faire face à cette échéance, eh, si cela était possible, je ne demanderais pas mieux. Mais comprenez-moi bien, je ne mens pas. Je n’ai plus un sou. Je suis ruiné, absolument ruiné.

— Tu es ruiné, misérable ? Qu’as-tu fait ? Comment as-tu dilapidé cette fortune qui nous est nécessaire maintenant ? Allons, réponds.

Il y avait des éclairs dans le regard de la malheureuse femme, son ton était fait d’un épouvantable dédain, elle était prête à maudire.

— Ma mère, vous n’avez rien à me reprocher. Si je n’ai plus un sou, c’est que j’ai donné toute ma fortune à Juve pour qu’il sauve votre tête de l’échafaud.

— Tu as donné cinq cent mille francs à Juve ? Mais c’est fou. C’est horrible. Moi aussi j’ai donné cinq cent mille francs à ce policier.

— Ah, hurla-t-il dans un paroxysme de colère et de douleur, voilà donc où nous entraîne votre crime, ma mère ? Vous avez payé pour qu’on vous sauve de la justice, j’ai payé moi aussi et maintenant nous sommes ruinés.

— Tais-toi. Tu fais semblant de me croire coupable. Allons donc, je connais la vérité, c’est toi, Paul, qui a tué Didier, et si j’ai donné cinq cent mille francs à Juve, c’est pour t’empêcher de monter sur la guillotine.

Mère et fils, debout l’un devant l’autre, stupéfaits par les révélations qu’ils venaient de se faire, ne se croyant plus, s’accusant mutuellement, demeurèrent silencieux quelques instants :

— J’ai payé pour racheter ma mère, se disait Paul Granjeard.

— J’ai payé pour racheter mon fils, se disait M me Granjeard.

— Assassin, finit par murmurer M me Granjeard.

— Meurtrière, répondit Paul.

Peut-être allaient-ils encore s’accuser de l’horrible forfait lorsqu’à la porte du cabinet de travail, un coup discret fut heurté :

— Entrez.

La bonne Julie entra :

— Monsieur, c’est l’encaisseur de la Banque de France. Il dit comme ça que, à l’usine le caissier lui a répondu qu’il n’avait pas d’ordres, et lui a conseillé d’aller voir Monsieur. Faut-il le faire entrer ?

— Qu’il vienne.

— Ma mère, dit Paul, vous prétendez que c’est moi qui ait tué Didier, je suis certain que c’est vous qui avez ordonné cet assassinat. J’ai payé pour vous racheter du déshonneur.

— Tais-toi, Paul, j’ai payé pour te sauver.

— Ah laissons cela, laissons. Que ces souvenirs maudits ne soient plus jamais évoqués. Vous m’accusez. Je vous accuse. Nous ne saurons jamais la vérité. En tout cas, adieu. Vous êtes ruinée et je le suis. Mon frère Robert ne peut aucunement nous aider puisque, dans la succession de mon père, sa part a été représentée par les immeubles et les machines, et que l’usine ne peut désormais servir qu’à être mise aux enchères pour solder nos immenses créances. Ce garçon de recettes qui vient, qui nous apporte des traites, je vais donc le renvoyer. C’est la faillite ce soir. Ce sera la banqueroute demain. Ma mère, ne me répondez pas, voici mes dernières paroles. Quand cet homme sortira d’ici, je me brûlerai la cervelle. Je vous pardonne. Adieu.

M me Granjeard, pour toute réponse, bondit hors de son fauteuil, courut à son fils. Cette femme froide et sèche, qui n’avait jamais eu, jusqu’alors qu’un seul souci : l’argent, qu’une préoccupation : l’argent, qu’un désir : l’argent, ne trouva qu’un mot à répondre, qu’un mot à crier, et tout son amour maternel sanglotait dans ses paroles :

— Paul, Paul, Paul !

Hélas, au moment même, la porte du cabinet de travail s’ouvrit, un garçon de recettes, le bicorne sous le bras, entra :

— Bonsoir, messieurs dames, dit-il, je viens pour l’échéance. Six traites à vous présenter. Total, sept cent dix mille francs.

Paul Granjeard s’était levé. Il allait répondre, l’inévitable allait se produire.

Soudain, dans l’antichambre des pas résonnèrent. Deux hommes se précipitaient dans la pièce.

Le dernier entré interpella le premier.

— Monsieur Havard.

L’autre se retourna, demeura immobile, figé par une stupéfaction :

— Juve, vous ici. Ah, par exemple.

Mais Juve, car c’était bien Juve qui venait d’entrer dans la pièce derrière M. Havard, Juve avait déjà retrouvé son calme :

— Au fait, dit Juve, nous arrivons au moment où l’on parlait d’affaires. Ne retardons pas plus longtemps ce brave encaisseur. M. Paul Granjeard, je pense. Oui ? Eh bien voici les fonds que vous attendiez. Voici le million que Juve vous devait. Vous pouvez payer.

Juve jeta sur le bureau de Paul Granjeard une liasse de billets de banque.

***

Dix minutes plus tard, l’encaisseur réglé, payé jusqu’au dernier centime, quatre personnages demeuraient seuls dans le bureau de travail.

C’étaient M. Havard, Juve, Paul Granjeard et sa mère.

Un instant, les uns et les autres restèrent silencieux, comme étourdis.

Puis, en même temps, M me Granjeard et son fils demandèrent, d’une même voix :

— Mais enfin que signifie ?

Juve haussa les épaules, M. Havard répondit :

— Cela signifie, Madame, répliquait-il, que d’abord la justice sait maintenant de façon absolue que vous êtes innocents, vous et votre fils. Celui qui a tué Didier Granjeard, c’est Fantômas, l’épouvantable, le terrifiant criminel dont vous avez dû entendre parler.

Bientôt, mère et fils s’étreignirent.

— Pardon, maman, de vous avoir cru coupable, disait Paul Granjeard.

— Pardon, mon fils, de t’avoir soupçonné.

— Autre chose, poursuivait M. Havard, si c’est Fantômas qui a tué votre fils, je ne vous cacherai pas que c’est aussi un peu Juve. Ou plutôt, – car il ne faut pas laisser flotter le moindre équivoque là-dessus – le Juve que vous avez connu, un Juve qui, en réalité était Fantômas, qui vous a fait chanter, comme me l’a appris Robert Granjeard, en prenant la personnalité du vrai, du grand, du célèbre policier Juve. Et j’ajouterai, Madame, que c’est à Juve, au vrai Juve et à son ami Fandor, que vous devez de pouvoir aujourd’hui, non seulement être absolument indemnes de toute accusation, mais encore faire face à votre échéance.

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