Levadee de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар) - Страница 61

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— Où diable avez-vous vu que j’aie jamais crié ? interrompait Fandor. Fantômas, vous perdez le sens. Vous jouez les croquemitaines devant moi, c’est idiot. D’ailleurs, nous perdons du temps, il est maintenant 11 h. 7, et dans trois minutes, vous allez me tuer. Préparez-vous, vous serez en retard.

Les moqueries de Fandor n’avaient qu’un effet : elles amenèrent Fantômas à maîtriser sa colère. C’était d’un ton posé qu’il insista :

— Jérôme Fandor, réfléchissez bien. Ne vous trompez pas au sens de mes paroles. Je n’ai jamais renoncé à l’un de mes projets. Dites-moi où est Hélène, ou préparez-vous à mourir. Rien ne peut vous sauver. Nous sommes seuls. Je suis seul avec vous et par conséquent…

Fandor éclata de rire.

— Fantômas, dit-il, vous vous trompez, nous ne sommes pas seuls.

Du doigt, le journaliste désigna la glace de la cheminée qui faisait face à Fantômas. Son mouvement était si naturel, que le bandit leva la tête et Fantômas, alors, se prit à blêmir. Dans la glace, il aperçut l’image d’un homme, d’un homme qui était Juve, le policier Juve, qui, ramassé sur lui-même, prêt à s’élancer en avant, le menaçait d’un revolver braqué. Pour Fantômas, cette vision de Juve était une surprise si soudaine, si stupéfiante, qu’un instant, il demeura interdit. Voyait-il réellement ce qu’il pensait voir ? ou était-il victime d’une hallucination ? Instinctivement, Fantômas, ayant la glace en face de lui et y voyant Juve, se retournait brusquement, supposant que le policier se trouvait derrière lui. Derrière lui, il n’y avait que le mur, Juve n’était pas là. Alors, une angoisse suprême se peignit sur la face de l’insaisissable :

— Mon Dieu, murmurait-il d’une voix sifflante, mais je deviens fou.

Un fracas lui répondait. D’un coup de pied, Juve brisait la glace, la glace sans tain, la glace qui n’était qu’une vitre, derrière laquelle il épiait le bandit. Et Juve hurlait :

— Rendez-vous, Fantômas, rendez-vous ou vous êtes mort.

***

Comment Juve était-il parvenu dans le cabinet de Fantômas ? Comment se faisait-il qu’il surgissait si opportunément à l’instant où Fandor était en si grand danger ? Juve, depuis de longs jours épiait en réalité le formidable bandit. Il avait découvert sa retraite, 3 ter, rue Tardieu, la veille même. Immédiatement, Juve avait profité de cette découverte pour préparer une attaque qui, dans son esprit, devait être décisive. Juve, la veille, avait loué l’appartement contigu à celui qu’occupait Fantômas et avec une habileté merveilleuse, une audace extrême, il avait alors démoli le mur se trouvant derrière la glace de la cheminée du cabinet de Fantômas.

Parvenu en véritable perceur de murailles à la glace même, Juve n’avait pas eu grand-peine à gratter l’étamage de cette glace. Dès lors, et sans que cela se vît dans le cabinet de Fantômas, car, Juve, dans la pièce où il se trouvait lui-même, maintenait une rigoureuse obscurité, il pouvait à travers la vitre surveiller les agissements de l’Insaisissable. La nuit étant complète derrière cette glace truquée, la vitre, par un phénomène physique très simple, gardait ses qualités de miroir et Fantômas, ayant la lumière du jour ou la lumière électrique dans son cabinet, distinguait fort bien son image dans cette vitre. Il aurait suffi, il est vrai, d’un simple hasard pour que, se rapprochant tout contre cette glace truquée, le Roi du Crime découvrît la supercherie. Juve avait risqué sa chance. Logiquement, Fantômas n’avait aucune raison plausible pour coller son visage à la vitre placée sur la cheminée. Le policier avait été secondé merveilleusement par le hasard et son truc avait pleinement réussi. Juve avait donc vu Fandor pénétrer chez Fantômas et s’il n’avait point entendu les paroles échangées en revanche, à la mimique du journaliste, à la colère du bandit, il avait parfaitement deviné qu’il était urgent d’intervenir. À ce moment, Juve pressa sur un bouton électrique, rétablissait la lumière, dans la pièce où il se trouvait. Dès lors, la vitre à laquelle il s’appuyait, devenait transparente, on le voyait du cabinet de Fantômas, Fandor l’apercevait, Fantômas le considérait avec des yeux hagards et ne se doutant pas que la glace avait été truquée, le cherchait derrière lui.

Juve n’avait plus, d’un coup de pied, qu’à briser la vitre, qu’à s’élancer face au bandit, revolver au poing.

***

— Rendez-vous ou je vous tue.

Fantômas, d’abord, recula lentement, un mauvais regard dans les yeux.

— Juve, Juve, murmura-t-il.

Le policier répéta :

— Haut les mains où je tire.

Fantômas, brusquement, éclata de rire.

— Allons donc, cria-t-il, vous ne pouvez pas tirer. Regardez votre arme.

Son exclamation était si naturelle que Juve, une seconde, baissait les yeux, considérait, en effet, son revolver.

Cette simple distraction suffit à Fantômas. Au moment même, il bondit vers la porte du cabinet, il l’ouvrit, il la ferma derrière lui, il se jeta dans le vestibule.

— Hardi ! criait Juve.

Les deux hommes secouèrent la porte du cabinet de travail, elle était fermée, mais c’était là un piètre obstacle. À coups d’épaules, à coups de pieds, les battants furent enfoncés.

— Il a pris par l’escalier, criait Fandor se précipitant.

— Nous le rattraperons ! hurla Juve, s’élançant derrière son ami.

Ils étaient à ce moment dans les vestibule de l’appartement. Or, ils le longeaient en courant à toute vitesse, brusquement, ils étaient précipités sur le sol, ils roulèrent l’un sur l’autre, immobilisés, ligotés à moitié, incapables de se relever.

Du plafond, un filet aux mailles fines et lesté par des contrepoids, venait de tomber sur eux, évidemment précipité par Fantômas.

Juve et Fandor, empêtrés dans ce piège d’un nouveau genre, devaient perdre de longues minutes avant de pouvoir reconquérir la liberté de leurs mouvements, comme un braconnier prend des oiseaux dans son filet de panneautage, Fantômas avait pris Juve et Fandor.

27 – SOUS LE DIVAN

Il faisait nuit et par les rues désertes qui avoisinent le boulevard Raspail, dans sa partie la plus éloignée du faubourg Saint-Germain, deux hommes avançaient à grands pas.

C’étaient Juve et Fandor. Les deux amis qui s’étaient retrouvés dans des circonstances véritablement extraordinaires, semblaient ne plus vouloir se quitter désormais et jouer partie liée, pour mieux se mettre à la poursuite de leur redoutable adversaire et de ses sinistres complices. Ils avançaient rapidement, sans mot dire, préoccupés l’un et l’autre.

— Où allons-nous Juve ?

— Rue Froidevaux, derrière le cimetière Montparnasse.

— C’est gai, murmura le journaliste, vous avez toujours des trouvailles dès que l’occasion se présente pour nous de passer ensemble une bonne soirée. Si j’avais été consulté sur notre itinéraire, je vous avoue que j’aurais choisi, de préférence, les boulevards et la place de l’Opéra.

— Vas-y, grommela Juve, fais de l’esprit, Fandor, c’est de ton âge. Seulement, je ne vois guère Fantômas donnant ouvertement ses rendez-vous dans un café des boulevards, comme ceux auxquels tu penses.

— Nous allons à un rendez-vous de Fantômas ?

— Non, du moins pas ce soir. Mais nous allons simplement étudier le terrain sur où aura lieu demain la bataille entre le misérable bandit et nous-mêmes, le terrain, sur lequel, j’espère bien, il viendra se faire prendre, ce qui nous permettra en même temps de tirer d’affaire et d’arracher des griffes de ce misérable la malheureuse famille Granjeard.

— C’est le troisième acte d’un vaudeville, tout le monde se retrouve.

— Dis plutôt qu’il s’agit peut-être de l’épilogue d’un drame à épisodes.

— Je vois ce que c’est, fit Fandor, il va encore y avoir de la casse. Juve, comment savez-vous que Fantômas a rendez-vous avec les Granjeard ?

— Écoute, Fantômas a eu l’audace de se présenter sous mon nom chez les Granjeard. Il doit rencontrer ceux-ci au restaurant de L’Épervier. La famille affolée de Saint-Denis, a promis d’apporter à Fantômas une somme assez coquette, il ne s’agit de pas moins d’un million. Avec ce qu’il a déjà touché, cela fera deux millions. Puisque tu désires le savoir, Fandor, nous allons nous occuper de les reprendre, ces millions et c’est pour cela que nous nous rendons de ce pas à L’Épervier, où nous allons étudier le terrain. Fantômas porte toujours sur lui, j’en ai acquis la preuve il y a quelques jours, les deux paquets de cinq cent mille francs qu’il a escroqués à la famille Granjeard. Ce sera de bonne prise pour nous. Et maintenant, plus un mot, nous sommes arrivés.

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