Levadee de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар) - Страница 60

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Une seconde, un silence tragique plana entre les deux hommes. Tandis que Fantômas riait, énigmatique, ayant l’air fort amusé de la situation, Jérôme Fandor gardait un visage impassible. Ses réflexions cependant étaient tumultueuses. Les pensées se bousculaient dans son cerveau en foule désordonnée.

Ainsi il était tombé dans un piège, piège enfantin et puéril, ainsi, il avait cru venir chez Juve, et il était venu chez Fantômas ? Ainsi, c’était l’effroyable bandit qu’il avait devant lui, et l’effroyable bandit le tenait à sa merci ?

Jérôme Fandor, brusquement, se rappelait à la minute même, qu’ayant changé de vêtements, le matin, il avait précisément oublié de prendre son revolver. La fatalité était contre lui. Le destin voulait qu’il fût sans armes, au moment même où il aurait eu le plus grand besoin d’être armé jusqu’aux dents. Jérôme Fandor, en une minute, saisit tout ce qu’avait de tragique sa position présente. Et, avec une parfaite lucidité, il se dit à lui-même :

— Cette fois, je suis foutu, fichu sans rémission. Fantômas ne m’a pas fait venir pour m’offrir le thé, évidemment, ce doit être pour se débarrasser de moi.

Fantômas lui, pendant que Jérôme Fandor réfléchissait, riait toujours. Puis, brusquement, le bandit changea d’attitude.

Debout, derrière son bureau, considérant Fandor qui se tenait en face de lui, il lui adressa la parole :

— Je vous ai salué, Jérôme Fandor, et vous m’avez très courtoisement répondu. J’espère que notre entretien gardera des allures de conversation amicale. Y voyez-vous un inconvénient ?

Ce fut au tour de Jérôme Fandor de sourire : dans le ton de Fantômas, dans le soin que le bandit prenait à se conduire en homme du monde, il reconnaissait la manière habituelle de son formidable adversaire. Fantômas aimait, le plus souvent, couvrir ses plus atroces forfaits, d’apparences aimables. Il prenait des précautions oratoires pour dire les pires cruautés.

— Fantômas, répondit Jérôme Fandor, mon ton sera le vôtre. Vos paroles inspireront les miennes. Pourquoi m’avez-vous fait venir ?

— Pourquoi êtes-vous venu ?

— Je n’ai pas l’habitude, Fantômas de négliger les appels que l’on m’adresse et que je peux prendre pour des demandes de secours, votre lettre était équivoque. Je pouvais supposer qu’elle émanait de l’une de vos victimes ayant besoin de mon appui, je pouvais supposer aussi…

Fantômas, de la main, interrompit le jeune homme :

— Inutile de vous justifier, je n’ai nullement l’intention de vous blâmer. D’ailleurs, si je ne me trompe pas, vous êtes venu ici croyant venir chez Juve. Est-ce exact ?

Fandor s’inclina :

— C’est exact.

— Vous voyez, Fandor, que je ne me suis pas trompé à la tranquillité avec laquelle il y a deux minutes encore, quand vous étiez seul dans cette pièce, vous feuilletiez le journal.

— Vous m’observiez ?

— Je vous observais, en effet, vous n’êtes point surpris  j’imagine,  que  l’appartement  que  j’habite  soit quelque peu truqué. Vous comprenez qu’il y a des trous dans la muraille, et…

À son tour, Jérôme Fandor interrompait :

— Aucune importance. Que désirez-vous Fantômas ?

Le bandit semblait hésiter à répondre. Il fronça les sourcils, soupira, puis, brusquement mit la main à sa poche :

Fantômas avait vu l’involontaire tressaillement de son visiteur. Avec une intonation bonasse, il s’empressa de le rassurer :

— Tranquillisez-vous donc, commençait-il, je ne vous veux aucun mal.

En même temps il tirait de sa poche un étui d’argent qu’il présentait à Fandor.

— Une cigarette, voulez-vous ?

La situation était embarrassante. Pour qui connaissait Fantômas, il était téméraire d’accepter quoi que ce fût de sa part. Était-ce bien une cigarette ordinaire, en effet, qu’il tendait au journaliste ? Cette cigarette n’était-elle pas empoisonnée ? Ne cachait-elle aucun artifice terrible, épouvantable ?

Jérôme Fandor, considérant l’étui ouvert, fut sur le point de refuser l’offre du bandit. Mais, au même moment, avec sa gaminerie habituelle, Jérôme Fandor remarquait que les rouleaux de tabac que lui offrait son interlocuteur étaient du meilleur aspect, semblaient provenir d’une boîte de tabac de luxe.

— Après tout, pensa Fandor, je ne m’offre pas souvent des cigarettes de cette espèce, et du moment que c’est Fantômas qui régale, je ne vois pas pourquoi je ne goûterais pas à ce tabac blond.

— Vous êtes trop aimable, Fantômas, j’accepte avec plaisir.

Fantômas, au même moment, venait brusquement de retirer la main :

— Au fait, murmurait le bandit, vous pourriez croire que cette cigarette est empoisonnée, mais je vais vous rassurer.

Et, sans attendre les protestations de Fandor, qui finissait par trouver très amusant de faire ainsi des grâces et des politesses au Maître de l’Épouvante, Fantômas ouvrait un tiroir de son bureau, y prenait une boîte de cigarettes non encore entamée :

— Je les ai achetées hier soir, au bureau de tabac de la Civette, expliquait Fantômas, vous pouvez être assuré, la bande étant intacte que je ne les ai point truquées.

Jérôme Fandor éclatait de rire :

— Décidément, faisait-il, s’asseyant sur un fauteuil voisin, décidément, Fantômas, vous recevez d’une façon exquise. Tout de même, pour la troisième fois, je suis obligé de vous demander ce que vous me voulez ?

Fantômas, en face du jeune homme, venait lui aussi, de se choisir un fauteuil. Il frotta une allumette, la tendit à Fandor, la rejeta négligemment dans une coupe de cristal, puis, d’une voix changée, d’une voix qui, soudain, devenait âpre et impérieuse, il répondait :

— Ce que je veux de vous Fandor ? Un renseignement. Où est Hélène ?

De surprise, d’émotion, le journaliste s’était relevé.

— Vous voulez savoir où est votre fille ? Je ne puis vous le dire, Fantômas. D’abord, si je le savais, je vous le cacherais et ensuite, je ne le sais pas.

— Vous mentez, Fandor, vous savez où est Hélène.

Haussant les épaules, dédaigneux, Jérôme Fandor répliqua :

— Fantômas, si vous étiez un homme ordinaire, quelconque, je répondrais à vos paroles par une paire de gifles qui serait peut-être la première chose que vous n’auriez point volée. Mais trêve de plaisanteries, vous êtes un assassin, et je suis un honnête homme. Vous pensez faire bon marché de mon existence ? et je prétends quelque jour, le plus vite possible, vous remettre aux mains de Deibler. La situation est nette. Vous croyez que je sais où est Hélène ? Je ne le sais pas. Je l’ai vue récemment. Nous devions nous retrouver en un endroit convenu. Ce matin, j’ai reçu un télégramme m’apprenant qu’elle partait en voyage, ne me disant pas où elle se rendait. Voici tous les renseignements que je puis vous donner.

Déjà, Fantômas semblait changer d’attitude.

— Vous mentez, répéta-t-il. Cela va vous coûter cher, Fandor. Je vous donne cinq minutes pour réfléchir.

— C’est beaucoup trop, fit Fandor.

— Cinq minutes pour comprendre que votre situation ne vous permet pas de vous refuser à me renseigner, continua Fantômas. Je vous donne ma parole que, de deux choses l’une : ou vous allez me dire où est Hélène et vous sortirez d’ici sans qu’aucun malheur ne vous soit arrivé, ou vous vous obstinerez à garder le silence, et je vous tuerai impitoyablement.

Jérôme Fandor, qui était debout, se rasseyait en entendant ces mots. Il tira sa montre avec un flegme imperturbable, et déclara :

— Il est exactement 11 heures 5, Fantômas, à 11 h. 10, vous me tuerez.

Tel était le calme de Fandor, telle était la tranquillité avec laquelle il parlait, que Fantômas se méprenait à sa pensée :

— Jérôme Fandor, hurla presque le bandit, incapable de maîtriser plus longtemps sa colère, vous vous imaginez sans doute que je plaisante ? Vous croyez que je n’oserais point vous tuer ? Vous assassiner comme vous dites ? Ici, dans cette maison ? Vous comptez sur le secours de ma domestique, des voisins ? Ah çà, oubliez-vous donc que je suis de ceux qui ne laissent rien au hasard ? Allons, rendez-vous compte vous-même. Heurtez ces murs, vous verrez qu’ils sont matelassés, heurtez le plancher, vous verrez que je l’ai fait matelasser encore, et le plafond aussi est matelassé ; cette pièce où je vous ai attiré est silencieuse comme un sépulcre. Ma domestique est sortie, les voisins n’entendront point vos cris.

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