Le Voleur dOr (Золотой вор) - Страница 90

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Juve, sans proférer une parole, commença par se promener dans la pièce, les mains derrière le dos, considérant chaque angle du cabinet, chaque tenture, chaque meuble, avec minutie.

À un moment donné, s’étant arrêté devant un mur, auquel pendaient quelques tableaux, il heurta ce mur du doigt. Le mur rendit un son creux.

Juve se tourna vers M. Havard.

— Qu’y a-t-il de l’autre côté ?

— Un petit cabinet où je range de vieux vêtements.

Juve interrogeait toujours.

— Quel est le moyen le plus rapide pour passer de ce petit cabinet dans votre cabinet de travail ?

M. Havard se mit à sourire. Du doigt il montrait à son interlocuteur une petite porte basse dissimulée dans la boiserie et dont les contours épousaient la forme des moulures courant le long du mur.

— Ah parfait ! dit Juve.

Il ajoutait en souriant :

— Ces vieilles maisons comme la vôtre, monsieur le chef de la Sûreté, sont merveilleusement agencées, en vue d’une enquête policière !

« Contrairement à ce qui se passe dans les appartements modernes, il est impossible, lorsqu’on pénètre dans les vieux appartements, de deviner la disposition des pièces !

« C’est ainsi que je suis venu bien souvent chez vous, et que j’ignorais l’existence de ce petit cabinet !

M. Havard se mit à sourire.

— Je ne pouvais pas prévoir, Juve, qu’il aurait tant d’importance à vos yeux et je n’ai jamais songé à vous le faire visiter. Mais si vous m’en parlez aujourd’hui c’est que vous devez avoir à son sujet quelque idée de derrière la tête ?

— Effectivement, d’abord je voudrais m’assurer que quelqu’un caché dans ce cabinet peut, en prêtant l’oreille, entendre une conversation tenue ici.

— C’est facile à savoir, déclara M. Havard, passez dans ce cabinet, Juve, et je m’en vais proférer quelques paroles à haute voix de mon bureau…

Quelques secondes après, Juve sortait du petit local.

— De mieux en mieux ! dit-il.

Cependant, M. Havard considérait le policier d’un air un peu interloqué.

— M’expliquerez-vous maintenant pourquoi ce cabinet vous intéresse, et dans quel but vous faites ces expériences ?

— Je vous dirai cela tout à l’heure ! dit Juve, ce sera ma conclusion. Mais auparavant permettez que je vous fasse connaître le but de ma visite, que je vous explique pourquoi je vous ai demandé ce rendez-vous…

M. Havard interrompait :

— À mon tour, Juve, de vous demander pourquoi, il y a quarante-huit heures, vous m’avez fait retenir une voiture cellulaire en recommandant qu’elle vienne ce soir à neuf heures trente-cinq se ranger devant la porte de ma maison et qu’elle se tienne prête à partir pour la prison de la Santé sitôt qu’un prisonnier y aurait été amené ?

Juve souriait :

— Il me semble que c’est facile à comprendre, monsieur le chef de la Sûreté. J’ai pris mes précautions pour conduire quelqu’un en lieu sûr, j’ai agi avec prudence et perspicacité ! Voyons, je vous le demande, quand vous menez une femme au théâtre, ne vous précautionnez-vous pas d’une voiture de remise à l’avance pour la ramener ?

M. Havard éclatait de rire.

— Vous avez des comparaisons, Juve, vraiment inattendues ! Et peut-on savoir quel est le personnage qui doit jouer le rôle de la jolie femme, étant admis que le fourgon cellulaire représentera la voiture de remise ?

— Ceci, fit Juve, c’est encore mon secret ! Permettez-moi de ne point le dévoiler, vous le découvrirez vous-même… J’aime mieux cela. Mais à mon tour de vous poser une question. C’est bien ce soir, n’est-il pas vrai, monsieur Havard, que vous allez recevoir la visite de ce détective privé, M. Mix, dont la vive intelligence vous a séduit et dont les déclarations vous ont permis d’arrêter avant-hier ce malheureux Léon Drapier ?

— Léon Drapier, s’écriait le chef de la Sûreté, est un misérable qui nous a donné du fil à retordre, mais dont nous aurons raison quoiqu’il se renferme, depuis qu’il est bouclé, dans un mutisme absolu !

— Pardon ! fit Juve, là n’est pas la question ! Est-ce bien ce soir que doit venir ce Mix ?

— Vous le savez, Juve, fit M. Havard, je l’attends à huit heures, c’est-à-dire dans dix minutes.

— Bien, fit le policier, maintenant, monsieur Havard, permettez-moi de dégrader votre appartement !

— Ah çà, s’écria le chef de la Sûreté, qu’est-ce qui vous prend ?

Juve venait de sortir de sa poche une sorte de petit poinçon qu’il enfonçait dans la cloison séparant le cabinet de travail du petit cabinet noir qu’il était allé explorer. En l’espace de quelques instants, il avait fait un trou dans le mur, il souffla précautionneusement autour de l’orifice pour en faire disparaître les quelques brindilles de papier, de plâtre et de bois qui l’entouraient.

Puis, s’étant reculé pour juger de l’effet, il articula d’une voix joyeuse :

— Voilà du beau travail ! On n’y voit rien !

M. Havard était accoutumé aux excentricités du policier. Il grogna cependant, pour le principe :

— Vraiment, Juve, fit-il, vous allez m’attirer des histoires avec mon propriétaire, j’avais là un panneau de mur à peu près convenable et vous le détériorez !

Juve comprenait que le chef plaisantait et il rétorqua sur le même ton :

— Je paierai les dégâts, vous m’enverrez la facture !

Toutefois, redevenant sérieux, il articula :

— Dans cinq minutes, M. Mix va être ici. Faites-moi un plaisir, M. Havard, passez dans ce cabinet noir et demeurez-y jusqu’à ce que vous jugiez utile d’apparaître ! En collant votre oreille au mur vous entendrez ce qui se dira dans votre cabinet, en mettant l’œil au trou que je viens de faire dans la cloison vous verrez ce qui se passera dans cette pièce !

— Qu’entendrai-je donc et que se passera-t-il ? demandait alors M. Havard, de plus en plus intrigué.

— Voici, fit Juve. Je recevrai M. Mix à votre place. Nous causerons tous les deux, vous me verrez faire certaines choses qui vous étonneront d’abord et qui vous rassureront ensuite !

— Ma foi ! je ne vous comprends pas du tout ! fit Havard.

Mais Juve insistait d’un ton persuasif :

— Vous allez comprendre ! commença-t-il, lorsqu’il s’arrêta net.

Un coup de sonnette venait de retentir à la porte d’entrée ; les deux hommes se regardèrent.

— Eh bien ! fit Juve.

— Eh bien, articula Havard, c’est lui, mais qui donc ira ouvrir, si je dois me dissimuler ?

— Ne vous en inquiétez pas ! fit Juve, je me charge de tout !

La porte d’entrée s’ouvrait quelques secondes après.

L’antichambre était obscure et Juve, qui venait de remplir l’office de valet de chambre, aperçut, sur le palier, M. Mix.

— Entrez donc, monsieur ! fit-il.

Le détective privé s’avança.

Il ne voyait point Juve dans l’obscurité, il passa sans faire attention à l’homme qui venait de lui ouvrir la porte et qu’il prenait pour un domestique.

Sans enlever son pardessus, se contentant de tenir son chapeau à la main, Mix, machinalement se dirigea vers une pièce au fond de l’antichambre, qui lui apparaissait éclairée et dont la porte était entrebâillée.

Il était suivi de près par le personnage qui lui avait ouvert.

Tous deux entraient dans le cabinet de travail de M. Havard et dès lors M. Mix, s’étant retourné pour voir l’homme qui le suivait, s’arrêta interdit.

— Juve ! s’écria-t-il, Juve ! Monsieur Juve ! Ah ! par exemple, quelle bonne surprise !

Il semblait que M. Mix, en prononçant ces paroles, éprouvait une certaine gêne et Juve, qui observait tout, remarquait qu’instinctivement M. Mix avait porté la main à la poche de son veston à la manière de quelqu’un qui y cherche un objet familier.

— Oh ! oh ! pensa Juve, le gaillard est armé !

À l’exclamation de Mix, Juve, toutefois, répondait par une inclinaison de tête :

— Je suis heureux, monsieur, fit-il, de me trouver en votre présence !

— Tout le plaisir est pour moi ! fit aigrement Mix.

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