Le Voleur dOr (Золотой вор) - Страница 85
Il y avait là les deux inspecteurs Léon et Michel, le chef de la Sûreté, et enfin M. Mix.
— Alors ? interrogea Havard triomphant en se tournant vers M. Mix, que concluez-vous de ces traces ?
— Que voulez-vous ! fit M. Mix d’un air qui paraissait accablé, je suis obligé de me rendre à l’évidence. Les traces que vous avez relevées, ces empreintes de pas concordent évidemment de la façon la plus exacte avec celles de M. Léon Drapier, le directeur de la Monnaie !
— N’est-ce pas ? s’écria Havard. Il apparaît donc bien certain que M. Léon Drapier est venu dans cette cave après six heures du soir, que c’est lui et lui seul qui a fait disparaître les louis d’or, et que c’est encore lui qui s’est sauvé sur les toits ou, pour mieux dire, dans la rue Guénégaud en y descendant par le tuyau de la gouttière, s’enfuyant devant nos poursuites !
— Je ne puis pas vous dire le contraire, articula M. Mix, cela paraît évident !
Havard ajoutait, toujours triomphant :
— J’ai une preuve de plus, que je me dois de vous faire connaître.
— Laquelle ?
— Hier soir, expliquait Havard, j’ai téléphoné à M. Léon Drapier de rester à son domicile et de m’y attendre. Lorsque je me suis présenté à ce domicile, Léon Drapier n’y était pas. Il s’est donc enfui, il est venu à la Monnaie ; peut-être, à l’heure actuelle, le misérable est-il en fuite ! Car, il n’y a pas de doute, c’est lui le voleur…
— Hélas ! murmura M. Mix, j’ai longtemps voulu croire le contraire ! Je m’étais mis à sa disposition pour le tirer d’affaire. Depuis, plus je connais sa manière d’être, sa façon de vivre, les détails de son existence, plus je suis obligé de me rendre à votre raisonnement. Évidemment, monsieur le chef de la Sûreté, vous aviez découvert le mystère. Le coupable, c’est Léon Drapier ! Le directeur de la Monnaie est un voleur ! Dieu veuille qu’il ne soit pas autre chose !
— Qu’entendez-vous par là ? interrogea Havard.
— Rien, monsieur, c’est une parole imprudente !
Le chef de la Sûreté insistait :
— Je veux connaître le fond de votre pensée, parlez, je vous l’ordonne !
— Eh bien, fit M. Mix, qui paraissait de plus en plus troublé, il y a des choses qui maintenant me reviennent à l’esprit. Votre découverte de la culpabilité de Léon Drapier éclaire pour moi d’un jour nouveau certaines affaires, certains crimes jusqu’à présent demeurés mystérieux.
— Ah ! s’écria M. Havard, vous songez à l’assassinat du valet de chambre Firmain…
Mix hocha la tête.
— J’y songe, en effet, monsieur.
Michel intervenait dans la conversation :
— Souvenez-vous, monsieur le chef de la Sûreté, dit-il, que cette nuit nous avons remarqué que les scellés apposés dans le cabinet de travail de M. Léon Drapier ont été arrachés, puis replacés, et que l’on a fait un faux cachet.
— Est-ce possible ? s’écria Mix, qui jouait merveilleusement la stupéfaction.
Havard, cependant, poursuivait :
— Du vol à l’assassinat, il n’y a qu’un pas. Il est prouvé, à mon avis, que Léon Drapier est le voleur de la Monnaie. Croyez-moi, nous ne tarderons pas à découvrir le meurtrier de Firmain !
Mix interrogea :
— Et cette malheureuse Paulette de Valmondois ?
Le chef de la Sûreté s’approchait de Mix :
— Assassinée, monsieur ! assassinée, elle aussi ! Et assassinée par son amant, j’en mettrais la main au feu désormais. Il la manqua une première fois, lorsqu’il tira sur elle le coup de revolver, il réussit à l’achever en lui envoyant, détail horrible, par son fils, ce bouquet de fleurs empoisonnées.
Havard se tournait vers ses inspecteurs :
— Messieurs, déclarait-il, nous n’avons pas une minute à perdre. Il s’agit de nous élancer au plus vite sur les traces de Léon Drapier. Qu’on téléphone à toutes les gares ! Que l’on prévienne les postes-frontières, les ports d’embarquement ! En tout cas, nous allons tenter une démarche qui vraisemblablement ne sera pas couronnée de succès, mais il ne faut rien négliger !
Havard se tournait vers Mix.
— Monsieur, fit-il, mes inspecteurs vont aller remplir les missions que je leur donne. Quant à moi, je me rends, sans perdre un seconde, au domicile de Léon Drapier. Voulez-vous m’y accompagner ?
— Ah ! monsieur ! fit le détective privé, c’est une cruelle épreuve que vous m’imposez là ! J’ai cru longtemps à l’innocence de ce misérable et si, par hasard, il se trouve chez lui, lorsqu’il me verra en votre compagnie, il s’imaginera que je l’ai trahi…
— Il s’imaginera tout ce qu’il voudra ! articula Havard. Lorsqu’il s’agit de démasquer un coupable, la trahison n’est pas une infamie, c’est un devoir social, c’est un honneur !
Puis Havard ajoutait, se penchant vers Mix :
— Vous connaissez la disposition de la maison mieux que moi, vous me rendrez service en m’accompagnant. Je vous disais tout à l’heure que j’étais à même d’apprécier votre habileté, je ferai reconnaître votre dévouement, et s’il vous plaît d’accepter une situation d’inspecteur au nombre de mes dévoués collaborateurs, votre nomination sera signée en même temps que l’ordre d’écrou de Léon Drapier !
Caroline venait d’ouvrir la porte ; elle reconnut le chef de la Sûreté.
— Votre maître est-il là ? demanda celui-ci.
— Oui, monsieur, fit la vieille cuisinière, même que monsieur est bien fatigué, bien malade. Si monsieur savait ce qui s’est passé ! Voilà madame qui a disparu, rapport à ce qu’elle a découvert que monsieur avait une maîtresse !… Je demande un peu à monsieur si madame devait agir de la sorte !… Surtout que la maîtresse de monsieur est décédée… Là où il n’y a plus personne, le diable y perd ses droits !…
Havard avait jeté un coup d’œil de triomphe à Mix, il pénétra dans la chambre de M me Drapier, où le malheureux directeur de la Monnaie était demeuré, abasourdi, atterré, depuis le départ subit et inattendu de sa femme.
Lorsqu’il vit entrer le chef de la Sûreté en compagnie de Mix, Léon Drapier se leva.
— Monsieur, déclara le chef de la Sûreté, je suis heureux de vous trouver enfin à votre domicile ! Je m’aperçois que j’arrive à temps et que, décidément, la justice aura le dernier mot ! Au nom de la loi, je vous mets en état d’arrestation, car vous êtes inculpé non seulement des vols commis à la Monnaie, mais encore du double assassinat du malheureux Firmain et de votre infortunée maîtresse, la fille Poucke, dite Paulette de Valmondois !
À ces paroles, Léon Drapier devint livide.
Il écarquilla les yeux, remua les lèvres, d’abord incapable d’articuler une seule parole, enfin il murmura d’une voix blanche :
— Vous avez perdu la tête ! Vous êtes fou !
— Je ne suis pas fou, déclara sévèrement M. Havard, je crois au contraire que j’ai raisonné selon les plus sûrs principes de la logique et de la vraisemblance, et c’est pour cela que je vous mets en état d’arrestation. L’enquête prouvera si je me trompe, l’instruction établira votre culpabilité.
— Mais je suis innocent ! hurla Léon Drapier.
M. Havard rétorquait ironiquement :
— Vous le prétendez !… Et je reconnais que vous avez fait preuve d’une habileté telle, dans l’exécution des différents forfaits que l’on vous reproche, que les policiers les plus subtils s’y sont trompés !
À ce moment, Léon Drapier jetait un regard inquiet et interrogateur sur son détective privé, sur Mix, qui assistait, sans mot dire, à la tragique discussion.
Havard suivit le regard de l’infortuné directeur de la Monnaie.
— Vous vous adressez à M. Mix, dit-il, vous cherchez en lui un appui, une sauvegarde, vous espérez trouver en sa personne un allié ? Vous faites erreur, monsieur Drapier ! M. Mix, détective privé, est un honnête homme que j’honore et que j’estime. Il fut dupe, comme bien d’autres, de votre prétendue innocence, mais, à la suite des découvertes que nous avons faites, des arguments convaincants que j’ai déployés devant lui, il s’est rendu compte qu’en vous défendant il faisait fausse route et il reconnaît comme moi que vous êtes coupable. Je tiens M. Mix pour un homme sincère et je sais qu’il ne me démentira pas !