Le Voleur dOr (Золотой вор) - Страница 5

Изменить размер шрифта:

M me Drapier avait l’impression qu’on avait marché dans la galerie de l’appartement.

Sous les tapis épais, le plancher avait craqué, puis ç’avait été le bruit d’une porte qui s’ouvre et se referme lentement.

— Mon Dieu ! balbutia M me Drapier qui se signa, est-ce possible ? Il y a quelqu’un dans l’appartement !

Chose extraordinaire, à ce moment précis elle avait moins peur qu’elle se l’imaginait…

Il lui semblait qu’une chose nécessaire, indispensable, attendue quoique redoutée, se produisait enfin.

Il y avait si longtemps qu’elle avait cette émotion d’avoir peur, qu’elle en éprouvait presque une satisfaction !

Mais cette tranquillité d’esprit ne durait point.

Tout d’abord, après avoir entendu ces bruits, M me Drapier douta qu’ils se fussent produits.

— J’ai rêvé ! dit-elle.

Elle alluma sa lampe électrique, qui projeta une lumière étincelante dans la chambre à coucher.

M me Drapier vit l’heure à la petite pendule qui se trouvait sur une console voisine : il était cinq heures du matin.

Elle écouta encore, aucun bruit ne se faisait entendre.

— Certainement, j’ai rêvé ! se dit-elle.

Et après avoir songé à sonner, à crier au secours, elle décidait de n’en rien faire.

Le sommeil la gagnait, elle éprouvait une immense lassitude d’être réveillée si tôt, elle s’étendit dans son lit, appréciant la volupté des couvertures tièdes, lorsqu’elle sursauta encore.

Cette fois, il n’y avait pas de doute, elle avait entendu quelque chose de net, de précis et d’horrible.

Un bruit sourd, soudain, un bruit inimitable qui ne ressemblait aucunement au bruit singulier de l’appartement pendant la nuit, le bruit de quelque chose qui tombe sur le sol, le bruit d’un corps peut-être qui s’écroule…

Sérieusement alarmée, cette fois, pendant dix minutes M me Drapier demeura immobile, aux aguets.

Elle n’entendait plus rien ; c’était le silence absolu, mais elle était certaine qu’il s’était passé quelque chose, et instinctivement son doigt chercha le bouton de la sonnette.

Tout d’un coup M me Drapier esquissa une moue de dépit.

— Mon Dieu, fit-elle, j’oublie que je n’ai pas de femme de chambre dans l’appartement !

Berthe, sa domestique, était en effet malade, absente depuis quelques jours ; la cuisinière était au septième ainsi que le valet de chambre…

— Il faut que j’aille voir ! que je réveille mon mari ! que je sache ! songea M me Drapier.

Faisant effort sur elle-même, elle s’arracha de son lit, passa une robe de chambre, chaussa des mules et, retenant sa respiration, réprimant les battements de son cœur, elle entrebâilla doucement la porte de sa chambre.

Cette porte donnait sur le salon, un trou noir, le commutateur l’éclairant était éloigné… M me Drapier n’osa s’avancer dans l’obscurité.

Elle revint sur ses pas et sortit par l’autre porte, celle qui donnait sur la galerie.

Elle pouvait illuminer cette dernière avant de s’y engager, elle le fit.

Les plafonniers lumineux étincelèrent, M me Drapier jeta un coup d’œil inquiet dans le vaste couloir où rien ne semblait anormal.

Elle s’avança lentement, glissant sur les tapis épais, regardant autour d’elle, avec des yeux écarquillés.

Par moments, elle s’arrêtait, écoutait, elle n’entendait rien… puis reprenait sa marche.

Arrivée devant la porte de la chambre de son mari, elle appuya son oreille tout d’abord contre le panneau, dans l’espoir d’entendre quelques bruits à l’intérieur de la pièce.

Quelquefois son mari ronflait, mais cette fois-là le silence le plus absolu régnait.

D’une voix timide, étranglée par l’émotion, M me Drapier appela :

— Léon !…

Elle répéta deux fois, trois fois, haussant la voix :

— Léon, c’est moi ! Eugénie !

Mais son mari devait dormir bien profondément, car aucune réponse ne lui parvenait.

Certes, M me Drapier savait que son mari, qui n’était guère tendre pour elle, allait la recevoir fort mal et lui faire de sévères observations si elle le réveillait inutilement, néanmoins elle avait tellement d’émotion, elle était si certaine d’avoir entendu quelque chose, qu’elle résolut de passer outre et d’affronter la colère maritale.

Elle tourna le bouton de la porte, entra dans la chambre, alluma l’électricité, et demeura stupéfaite.

La pièce était vide, la couverture prête, mais le lit pas défait.

M me Drapier était si étonnée qu’elle ne trouva rien à penser au premier abord.

Comment ! son mari n’était pas là ?…

Il lui semblait pourtant qu’il ne devait pas sortir !

— J’ai mal compris sans doute, pensa la malheureuse femme ; il a dû me dire hier soir qu’il allait au cercle comme cela lui arrive quelquefois, mais il prétend qu’il est toujours rentré à minuit… Peut-être a-t-il été retenu, je crois qu’il y avait une soirée de gala…

Brusquement M me Drapier devint livide.

— Mais alors, pensa-t-elle, je suis seule dans l’appartement !

Elle n’osait plus faire un pas, avancer, ni reculer.

Elle écoutait encore, et désormais c’était le silence absolu. Même du dehors on ne percevait aucun bruit.

À un moment donné, cependant, le tintamarre d’une charrette de laitier qui passait dans la rue la rassura.

Elle eut l’impression que Paris s’éveillait, elle se sentit moins seule, moins isolée, elle reprenait un peu courage.

Certes, pour rien au monde elle ne serait allée dans les pièces obscures et encombrées de meubles voir s’il s’était passé quelque chose, à aucun prix elle ne se serait aventurée derrière les rideaux du salon ou sur le balcon…

Son mari était sorti… Elle voyait désormais que son manteau, que son chapeau n’étaient point là ; il n’était pas encore rentré… Qu’est-ce que cela signifiait ?

La fraîcheur de la nuit la fit frissonner, elle pensa :

— Je vais m’enrhumer.

Elle mit frileusement son peignoir sur sa gorge, puis rebroussa chemin.

En bonne ménagère qu’elle était, elle éteignit la lumière allumée dans la chambre de son mari, puis avec une raideur d’automate, sans tourner la tête, elle suivit la galerie jusqu’à sa chambre.

Instinctivement, elle s’enfermait alors à double tour dans celle-ci, constatait avec joie que vingt minutes s’étaient écoulées, lorsque, tout d’un coup, son cœur s’arrêta de battre, son sang se figea dans ses veines.

Cette fois, elle était bien sûre de ne pas se tromper ! Elle était parfaitement éveillée, car elle venait d’entendre, de la façon la plus nette, quelqu’un marcher dans la galerie !

Ce quelqu’un ne dissimulait point le bruit de ses pas, il avait presque couru, sans souci du bruit qu’il faisait.

M me Drapier écarta les bras, battit l’air de ses mains tremblantes, puis elle tomba à la renverse, au pied de son lit, perdant connaissance…

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, il faisait grand jour.

M me Drapier éprouvait un violent mal de tête, et, presque sans se rendre compte de ce qu’elle faisait, à demi assoupie, elle alla se jeter sur son lit, éprouvant de violentes courbatures aux jambes et aux reins.

Elle eut l’impression qu’elle s’endormait comme une masse, puis elle ouvrit les yeux, s’imaginant s’être reposée une nuit entière, alors qu’elle avait dormi cinq minutes seulement.

Au fur et à mesure qu’elle s’éveillait pour de bon, M me Drapier sentit revenir à son esprit le souvenir de ce qui s’était passé à cinq heures du matin.

Elle ne savait plus très bien ce qu’il y avait de faux et de vrai dans la promenade qu’elle était allée faire à travers l’appartement.

Était-ce exact qu’elle s’était levée, qu’elle était allée chercher son mari qui ne se trouvait pas dans sa chambre ?

Ou alors avait-elle simplement rêvé les pénibles moments d’un atroce cauchemar ?

Оригинальный текст книги читать онлайн бесплатно в онлайн-библиотеке Knigger.com