Le Voleur dOr (Золотой вор) - Страница 4

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— Alors, interrogea-t-il à brûle-pourpoint, m’as-tu fait le plan de la tôle ?

Pour toute réponse Firmain sortait de sa poche un papier sur lequel figurait, dessinée à la hâte, mais avec exactitude, la répartition exacte d’un appartement, avec de gros traits bleus figurant les portes et les fenêtres.

À la lueur d’un bec de gaz, placé au-dessus d’eux sur le quai, les deux hommes examinèrent ce plan.

L’homme au visage dissimulé demanda à Firmain :

— Où c’est que pieute la patronne ?

— Dans la carrée au fond du couloir…

— Et le singe ?

— Dans la tôle à côté du bureau !

— T’as les clés ?

— Probable ! Ne suis-je pas le domestique ? Alors, par conséquent, j’ai la confiance !

L’homme au visage dissimulé hocha la tête. Pendant quelques instants il demeura silencieux, puis il proféra :

— Eh bien, mon vieux, dès lors, on n’a plus rien à se dire. Ah ! si ! tout de même… Donne-moi une de tes clés… celle de l’escalier principal… et tu garderas celle de l’escalier de service, c’est plus naturel !

— Mais, interrogea Firmain, en hésitant, pour quand c’est-y ? Pour ce soir ou plus tard ?

L’homme rétorqua :

— T’occupe pas, tiens-toi prêt… Le plus tôt sera le mieux !

Les deux hommes alors se séparaient et, tandis que Firmain revenait rue de l’Université, son interlocuteur, pour n’avoir point l’air de le suivre, regagnait le pont de la Concorde et regardait attentivement couler l’eau noire dans la nuit…

À peu près à la même heure, Léon Drapier téléphonait.

Sans doute avait-il obtenu la communication qu’il avait demandée avant le dîner et qui paraissait tant lui tenir à cœur, car il souriait désormais, faisait des grâces devant l’appareil.

Lorsqu’il eut raccroché le récepteur, son visage était rayonnant.

Puis, soudain, ses traits s’assombrirent :

— Ah ! sapristi ! fit-il, j’ai oublié de donner des instructions à ce nouveau domestique au sujet de… précisément…

M. Léon Drapier se promena de long en large dans son cabinet.

— C’est embêtant, songeait-il, je n’aime pas quand c’est ma femme qui engage un valet de chambre… Il est évident que celui-ci me paraît fort bien… beaucoup trop bien, peut-être… Qu’est-ce qui lui a pris, à Eugénie, d’engager ce garçon-là ?… J’ai essayé de lui faire peur en lui disant que cet homme avait un mauvais regard, elle qui est si peureuse à l’ordinaire n’a pas eu l’air de s’en émotionner.

Léon Drapier, qui venait d’ouvrir un tiroir, paraissait de plus en plus soucieux.

— Il n’y a pas à dire… quelqu’un a fouillé dans mon bureau. Ce désordre n’existait pas hier. Est-ce que, par hasard, Eugénie se douterait de quelque chose ? Non ! pourtant, c’est impossible ! Et cependant…

Léon Drapier se promenait encore, il avait l’air de plus en plus agacé.

— Ça c’est vu… ça c’est vu, ces choses-là… J’ai une femme qui est capable de faire un coup pareil… et puis pour se renseigner, savoir ce qu’elle veut savoir, elle n’hésiterait pas à aller jusqu’à introduire un espion chez moi… Oh ! si jamais cela était, par exemple !… Je me montrerais tel que je suis ! Et c’est extraordinaire… J’en ai le pressentiment. Ce Firmain n’a pas une tête de domestique… Mais là, pas le moins du monde… Si c’était un espion ? un agent de police ? un mouchard ?…

II

Un mensonge grave…

Eugénie Drapier s’était couchée, ce soir-là, un peu plus tard qu’à l’ordinaire.

Minuit avait sonné depuis vingt minutes environ lorsqu’elle se mettait au lit. Non seulement en bonne maîtres se de maison elle avait été surveiller les rangements effectués par son nouveau domestique, s’assurer que l’argenterie était au complet, mais encore Eugénie Drapier avait cru bon, une fois le personnel parti, de veiller plus minutieusement encore qu’à l’ordinaire à toutes les fermetures de la maison.

Elle avait vérifié les persiennes, les verrous de la cuisine, comme ceux de la porte d’entrée.

Sachant son mari dans son cabinet de travail et certaine qu’il ne viendrait pas se moquer d’elle, l’épouse du haut fonctionnaire n’avait pas dédaigné de s’agenouiller dans la salle à manger et dans le salon pour regarder sous les meubles afin de s’assurer qu’ils ne dissimulaient personne de caché !

Le balcon et les grands rideaux, que l’on tirait sur les fenêtres du salon, avaient été l’objet également d’une visite minutieuse et spéciale.

C’était là, en effet, dans l’esprit de M me Drapier, que se cacheraient assurément les cambrioleurs… si d’aventure ceux-ci s’avisaient de venir dévaliser l’appartement !

Cette visite derrière les rideaux, Eugénie Drapier la faisait régulièrement chaque soir, et ce n’était jamais sans une certaine appréhension qu’elle s’approchait de ces redoutables tentures qui, la nuit venue, lui faisaient l’effet de repaires de bandits, car elle les attendait en somme chaque soir, ces fameux cambrioleurs ; elle n’aurait pas été étonnée de découvrir un homme dissimulé dans l’embrasure de ses fenêtres ou caché sous un meuble ; elle pressentait dans son for intérieur qu’infailliblement cela se produirait un jour… de même qu’il y a des gens qui se considèrent comme certains de mourir écrasés, ou de périr en mer !

Ce soir-là, l’émotion de M me Drapier était plus grande qu’à l’ordinaire, car il y avait un nouveau venu dans la maison…

En réalité, bien qu’elle s’accusât souvent de pusillanimité, M me Drapier se convainquit que rien n’était dangereux comme d’introduire du jour au lendemain, sous prétexte qu’il était « domestique », un inconnu dans sa maison.

Et puis enfin, son mari n’avait-il pas remarqué, comme elle d’ailleurs, les yeux de cet homme, son regard intelligent, mystérieux, inquisiteur, regard qui n’était pas celui d’un valet de chambre ordinaire ?

L’appartement était grand, il paraissait immense ce soir-là à M me Drapier.

D’autant plus que sa chambre et son cabinet de toilette se trouvaient tout à l’opposé de la chambre de son mari, laquelle était voisine du cabinet de travail.

Il fallait, pour aller de chez M me Drapier à la chambre de M. Drapier, traverser le grand salon, le petit salon, le fumoir et la salle à manger, ou alors suivre cette interminable galerie sur laquelle s’ouvraient toutes ces pièces.

Revenue enfin dans son cabinet de toilette, après avoir depuis longtemps souhaité le bonsoir à son époux, M me Drapier, qui se sentait un peu fatiguée, se mit en devoir de se dévêtir.

Elle alluma toutes les ampoules électriques, fit beaucoup de lumière pour avoir moins peur ; puis, machinalement, par habitude, et parce qu’elle faisait cela depuis vingt ans, elle se mit, non sans ennui, à couvrir son visage, sa poitrine, ses mains et ses bras de pâtes et d’onguents destinés, lui assurait la marchande, à donner à sa peau l’éclat et le velouté d’une peau de vingt ans !

Hélas ! malgré tous les artifices, la peau de M me Drapier avait bien près de cinquante ans et tous les onguents étaient inutiles…

Ayant orné sa chevelure d’une quantité incommensurable de bigoudis, M me Drapier finit par aller se coucher.

Elle voulut lire un journal, elle n’y trouva que des histoires de crimes ; elle le rejeta dans la ruelle de son lit et, ayant mis sa lampe en veilleuse, chercha à s’endormir.

Elle y parvint aisément.

M me Drapier dormait d’un sommeil lourd et profond, lorsque brusquement elle sursauta dans son lit.

Sa gorge se serra, ses paupières battirent, elle sentit sur son front et ses mains courir les frissons précurseurs d’une transpiration déterminée par l’inquiétude.

Puis elle prêta l’oreille, doutant de ce qu’elle avait cru entendre alors que peut-être elle dormait encore.

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