Le pendu de Londres (Лондонская виселица) - Страница 9

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Le policeman, après avoir mûrement réfléchi, se décidait à répondre :

— Oui, monsieur, je ne serais pas éloigné de croire que le docteur Garrick a pu… a pu…

Et prêt à accuser nettement, le policeman, une fois encore hésita :

— A pu tuer sa femme ? répéta Shepard.

— Oui…

— Hum… hum…

— Vous savez que Garrick a une maîtresse ?

— Je l’ai entendu dire, monsieur…

— Vous savez où habite cette femme ?

— Non, je ne le sais pas…

— C’est bien. Je vous remercie.

Abandonnant à nouveau le policeman aux loisirs de sa faction, Shepard descendit, à grands pas Elsted Street… Il marcha cinq minutes, puis rejoignit au long du trottoir un fiacre d’apparence vétuste. À l’encontre de la généralité des voitures publiques, ce n’était point d’ailleurs un cab, mais un four-wheelers, c’est-à-dire une voiture à quatre roues, semblable aux fiacres parisiens.

D’un bref coup de sifflet, Shepard réveilla le cocher vêtu d’une redingote noire, au col irréprochable, mais coiffé d’une casquette de jockey.

L’homme ralluma sa pipe, leva les rênes, attendant les ordres :

— Conduisez-moi au poste des Messagers le plus proche…

— Bien, monsieur.

À peine remonté en voiture, le faux mendiant baissa les stores des portières, et le plus tranquillement du monde, enleva sa veste, quitta son pantalon, remplaçant ces vêtements par d’autres qu’il prenait dans une petite valise et qui le transformaient, lui tout à l’heure pauvre hère, en gentleman.

Shepard finissait tout juste de reprendre son aspect habituel, que le fiacre s’arrêta devant la porte d’une boutique de messagers…

C’était là l’un des bureaux où les habitants de Putney pouvaient le plus facilement trouver ces petits commissionnaires qui sont chargés, moyennant une rétribution modique, d’effectuer des démarches, de porter des lettres, de livrer des paquets…

Shepard traversa le bureau, et glissant deux mots à l’oreille d’un employé, se fit introduire dans le cabinet particulier du directeur de l’agence qui d’un léger signe de tête l’accueillit :

Le détective se présenta :

— Shepard, du Conseil des Cinq, de Scotland Yard…. C’est bien à M. Wooland Junior que j’ai l’honneur de parler ?

— À lui-même, monsieur.

— Vous avez parmi vos clients un certain docteur Garrick ?

— Oui, monsieur.

— Voulez-vous me dire l’adresse exacte de sa maîtresse, à laquelle il devait faire porter souvent, si je suis bien informé, des lettres et des paquets ?

M. Wooland fit oui de la tête.

— Le nom de cette personne ? demanda-t-il…

— Françoise Lemercier.

— Veuillez attendre…

M. Wooland quitta son cabinet, et revint quelques instants après, ayant vérifié ses livres :

— Miss Françoise Lemercier, dit-il, demeure 7, Jewin Street…

— Le quartier de la Banque ?

— Justement.

— Je vous remercie, monsieur…

***

— Madame Françoise Lemercier ?

Le détective Shepard, résolu à faire son devoir jusqu’au bout, s’était décidé en quittant le policeman de Putney, à aller rendre visite à la maîtresse du docteur Garrick…

À coup sûr, s’il pouvait joindre cette femme, il en tirerait des renseignements intéressants…

Et après avoir pris l’adresse de cette Françoise Lemercier au bureau des messagers, il s’était fait conduire près de la Banque.

Les maisons anglaises comportent rarement des concierges ainsi qu’il en existe à Paris. Toutefois, le plus souvent, les immeubles sont à la garde d’un quelconque employé, habitant souvent au troisième, au quatrième étage, dont la fonction consiste surtout à encaisser le loyer.

C’était à l’un de ces gardiens que Shepard s’adressa…

Il l’avait déniché après une courte enquête auprès des boutiquiers, dans une chambre du sixième étage… Mais le brave gardien semblait stupéfié…

— Vous demandez ?

— Je demande Françoise Lemercier… Une jeune femme qui a un petit enfant d’un an, un an et demi, appelé Daniel…

— Oh, je connais, je connais, dit-il…, mais vous arrivez trop tard, monsieur, cette jeune femme est partie hier…

— Partie ? où cela ?

— Je l’ignore… elle est partie sans crier gare, et à la suite d’une assez curieuse aventure…

Shepard, pour le coup, dressa l’oreille : on lui parlait d’une aventure, cela promettait d’être intéressant :

— À quoi faites-vous allusion ? demanda-t-il…

Et, comme le gardien ne semblait pas disposé à répondre, il insista, montrant sa carte :

— Parlez, mon ami, je suis de la police…

Le gardien, du coup, devint loquace…

— Eh bien, monsieur, expliqua-t-il, M meFrançoise Lemercier qui est, comme vous devez le savoir, une chanteuse, est partie subitement pour courir après son enfant qui, disait-elle, lui avait été volé…

— Le petit Daniel ?

— Oui, monsieur, le petit Daniel, un soir, en revenant de faire des commissions, elle ne l’a plus retrouvé.

— Dites-moi, elle avait un ami, cette jeune femme ? un monsieur qui devait venir la voir assez souvent ? s’est-il présenté ici depuis son départ ?

— Oui, oui, faisait-il, elle avait un ami… Il avait les clés de son appartement. Il est venu en effet depuis le départ. Il est monté à l’appartement, il en est redescendu quelques minutes après, l’air furieux…

— Et il n’est pas revenu depuis ?

— Non monsieur.

***

Une heure plus tard, Shepard remontait en voiture, non plus Jewin Street, mais bien Elsted Street, devant la maison du docteur Garrick, où il venait vainement de carillonner : miss Editha devait être sortie.

Et jetant l’adresse de Scotland Yard à son cocher, Shepard songea :

— Bigre, cela devient bizarre, grave, inquiétant même ! D’une part le bruit public accuse nettement Garrick d’avoir tué sa femme… d’autre part il est constant que M meGarrick a bel et bien disparu… et puis que veut dire le subit départ de cette Françoise Lemercier, l’histoire de l’enfant envolé, et tout cela qui coïncide avec l’absence du docteur Garrick que la femme de chambre n’a pas revu depuis cinq jours ?… sapristi de sapristi… L’affaire se présente de cette façon : un homme marié a une maîtresse et veut vivre avec elle. Cette maîtresse a un enfant, l’enfant disparaît, l’épouse légitime disparaît, les deux amants sont en fuite… hum… en tout cas je vais bien voir ce que dira le coroner.

5 – LE DÉPART DU « VICTORIA »

Ce matin-là, lundi 26 avril, à l’heure du flot, les lourdes portes de l’écluse du Princess Dock, à Liverpool, s’étaient lentement ouvertes, grinçant sur leurs gonds gigantesques.

L’écluse avait donné passage à un petit remorqueur qui portait à sa cheminée noire l’étoile blanche de l’ American White Star Company.

Vomissant des torrents de fumée sombre, le remorqueur, lancé à toute allure et dont l’hélice se vissait avec énergie dans les flots opaques, décrivit une large courbe en sortant du bassin.

Ce n’était qu’un grand navire qui sortait et ce spectacle était trop fréquent pour qu’on y prêtât attention.

Le navire qui sortait du Princess Dock n’appartenait pas à la catégorie des transatlantiques de luxe.

Réputé solide, sinon fin marcheur, le Victoriaassurait, depuis des années, le service Liverpool-Montréal.

Le Victoriamettait d’ordinaire de neuf à onze jours pour effectuer ce trajet. Il prenait non seulement des passagers à des conditions fort avantageuses, vu la lenteur relative du voyage, mais aussi – et c’était cela le plus productif pour la Compagnie, qui en était propriétaire – des marchandises dites « de service accéléré »…

Les passagers à destination de Montréal, massés tout autour du pont, observaient, en curieux, la manœuvre qui s’effectuait, lente, majestueuse, muette presque.

Coups de sifflets. Quelques mouchoirs agités sur le quai, quelques adieux lancés par des badauds juchés sur les piliers de l’écluse, au ras desquels passait l’énorme masse flottante.

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