Le pendu de Londres (Лондонская виселица) - Страница 74

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Mais les bouchées de pain grillé qu’il s’efforçait d’avaler ne passaient pas. Joé Lamp était inquiet.

Que se passait-il ?

Pourquoi cette subite invasion des détectives chez lui ? pourquoi leur départ plus rapide encore ? Joé Lamp avait-il fait quelque gaffe ? Les détectives se lançaient-ils dans une folle aventure ?

— Ma foi, se dit brusquement Joé Lamp en interrompant son repas, je ne suis pas tranquille, et je veux en avoir le cœur net, je vais aller raconter ce qui vient d’arriver à M. le Coroner. De cette façon-là, s’il y a des bêtises de commises, chacun supportera les responsabilités de ses fautes…

***

Fantômas venait à peine de fermer les yeux, et Juve n’avait pas encore eu le temps de s’entretenir avec Michel, que des pas précipités se faisaient entendre dans le couloir silencieux de la maison de Waterloo.

Dans la pièce au milieu de laquelle gisait le cadavre de Fantômas, Shepard et William Hope pénétrèrent. Ils s’arrêtèrent sur le seuil, interdits.

Mais Shepard était allé à Juve, il avait reconnu son ancien subordonné :

— Policeman 416, s’écria-t-il, vous ici ? pourquoi ?… comment ?

Juve, sans répondre, désignait de la main la dépouille mortelle du sinistre bandit. Allait-il tout dire, allait-il révéler aux détectives, en commençant par l’identification de lady Beltham, en finissant par celle de celui que les policiers anglais prenaient simplement pour Tom Bob, et qui n’était autre que Fantômas ?

Certes, lady Beltham, depuis la veille qu’elle se savait, grâce à Juve, recherchée par la police, avait complètement modifié son aspect en recouvrant ses cheveux d’or d’une lourde perruque noire, mais rien ne serait plus facile à Juve que de la faire voir, telle qu’elle était…

Cependant que Juve hésitait, en proie à une terrible perplexité, se souvenant, malgré lui du surnaturel rendez-vous que Fantômas lui avait donné en prononçant sa dernière parole, le détective Shepard comprenait tout… ou du moins croyait tout comprendre… Il se précipitait vers Juve, lui étreignait affectueusement les mains, le remercia avec une sincère émotion.

— Ah ! policeman 416, s’écria-t-il, policeman… mon ami… ah ! vous saviez comme nous que Tom Bob dit Garrick était innocent. Afin de le sauver, je sais que vous vous êtes fait passer pour médecin, que vous avez acheté sa dépouille au bourreau. Merci policeman, ce que vous avez fait là est bien. Hélas, un concours affreux de circonstances nous empêcha de prouver à la justice humaine l’innocence de notre collègue, mais elle était démontrée pour nous, et le Devoir que Dieu nous dictait, c’était de le sauver…

— Le sauver, reprit William Hope, en jetant un coup d’œil inquiet sur le corps immobile, Tom Bob ne bouge plus. Est-ce que par hasard… est-ce que par malheur ?

Juve hocha la tête, lentement. Shepard comprit.

William Hope, déjà s’était agenouillé au pied du lit de fer et murmurait des prières. Shepard se découvrit.

— Il est mort, n’est-ce pas ? murmura-t-il, pauvre Tom Bob.

Michel, qui ne comprenait absolument rien aux événements extraordinaires qui, depuis qu’il était arrivé, se déroulaient sans interruption dans cette pièce tragique, alla machinalement à l’entrée de la chambre où il avait entendu du bruit.

Il se recula pour laisser passer deux hommes : Joé Lamp, fort intimidé, roulant entre ses doigts sa casquette, suivi de M. Tilping, le Coroner.

Que venaient-il faire là ?

Les détectives pâlirent.

— Monsieur le Coroner, quel motif me vaut donc l’honneur de votre visite ?

Le Coroner s’expliquait :

Il avait été attiré chez le Dr Silver Smith, acheteur du cadavre, sur les objurgations du bourreau, inquiet de la tournure des événements.

Juve avait répondu avec un calme imperturbable :

— Le docteur Silver Smith, c’est moi, monsieur le Coroner. Il ne se passe ici rien d’anormal. J’ai fait acquisition de ce cadavre, comme c’est mon droit, pour me livrer à des travaux anatomiques. C’est tout.

Le Coroner, interdit, reconnut qu’en effet les choses étaient les plus correctes du monde, et semblait fort gêné de son intervention.

Il avisa toutefois les deux détectives.

— Que font, demanda-t-il, chez vous, Docteur, ces deux messieurs, ces deux détectives, membres du Conseil des Cinq, qui semblent être, m’a dit le bourreau, si désireux de savoir ce qu’était devenu le cadavre du condamné Garrick, exécuté ce matin ? Leur présence ici me semble assez incorrecte. Comment la justifient-ils ?

— Monsieur le Coroner, déclara Shepard, vous n’ignorez pas que Garrick n’était autre que Tom Bob, notre collègue et notre chef au Conseil des Cinq. Lorsque nous avons appris que son cadavre était entre les mains d’un homme de science qui se proposait de le disséquer, nous avons éprouvé une émotion assez compréhensible. Nous sommes venus en hâte trouver monsieur le Docteur pour lui demander de consentir à se dessaisir de son acquisition, afin que nous puissions ensevelir notre défunt ami, sans faste ni luxe, mais dans un cimetière chrétien, et sans que son corps ait été dépecé.

Le Coroner approuvait Shepard au fur et à mesure, par de petits hochements de tête significatifs.

— L’inhumation du supplicié, déclara-t-il, a lieu légalement, en fait ou en effigie, dans l’intérieur de la prison ; c’est par faveur que le bourreau peut disposer de son corps, c’est par faveur également que les médecins peuvent l’acquérir. Mais j’éprouve comme vous cette répugnance au démembrement d’un cadavre humain, je ne puis qu’approuver votre démarche. Que vous a répondu le Docteur ?

Shepard se tourna vers Juve, celui-ci hochait la tête affirmativement.

— J’accepte de faire droit à votre requête, messieurs. Le cadavre de Tom Bob est à votre disposition, si vous désirez l’ensevelir selon les rites de la religion à laquelle il appartenait.

— Dieu soit loué, murmura le révérend William Hope…

Le Coroner, convaincu que la décision du médecin n’était due qu’au fait de son intervention, se retira pleinement satisfait de son rôle.

Déjà, Joé Lamp s’était éclipsé depuis quelques instants, à dater du moment où il avait acquis la certitude qu’il avait bien rempli son métier de bourreau et n’avait pas outrepassé ses fonctions.

À peine toutefois le magistrat était-il parti que Shepard se précipita vers le pseudo docteur, qu’il avait alors jusque là connu sous la désignation du policeman 416.

— Merci encore, merci, lui dit-il.

Mais, en même temps qu’il donnait libre cours à son émotion, Shepard ne pouvait dissimuler sa curiosité.

— Pardonnez-moi de vous interroger, fit-il, vous n’êtes d’ailleurs pas forcé de me répondre, mais enfin, tant que vous étiez dans la police anglaise, vous avez opéré des découvertes sensationnelles, vous avez effectué des arrestations remarquables. Sans nous connaître, sans être le confident des membres du Conseil des Cinq, vous avez deviné nos sentiments. Bien qu’ignorant Tom Bob, vous avez compris qu’il était innocent des crimes pour lesquels, sous le nom de Garrick, un juge ignorant, doublé d’un jury incapable, a cru devoir le condamner. Tout cela est remarquable et surprenant. Dites-moi, policeman 416, qui donc êtes-vous ?

Sur les lèvres minces de son interlocuteur qu’il interrogeait anxieusement, Shepard vit errer un sourire amer.

Les deux hommes se considérèrent un instant en silence, puis le pseudo docteur, l’ex-policeman 416, articula simplement :

— Je suis Juve, inspecteur de la Sûreté à Paris.

— Juve, s’écria Shepard… eh bien, je m’en doutais, Juve… bravo.

Shepard tendit sa large main, avec une spontanéité cordiale, à son célèbre collègue français.

… Cependant lady Beltham demeurait immobile dans un angle de la pièce, se tenant volontairement à contre-jour, haletante, anxieuse de l’issue que comporterait cette série d’événements, qui se succédaient avec une rapidité qu’elle jugeait effrayante, mais désespérante de lenteur.

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