Le pendu de Londres (Лондонская виселица) - Страница 72

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On venait d’assujettir autour de son cou, le nœud coulant.

Deux aides, qui jusqu’alors l’avaient soutenu sous les bras s’écartaient. Le condamné était seul, face à l’éternité.

Il percevait vaguement le bruit chevrotant et monotone d’une voix qui lisait l’acte de condamnation à la fin duquel Garrick allait être précipité dans le gouffre ouvert sous ses pieds.

Fantômas n’écoutait plus. Il se contractait, tendait ses muscles, prêt à se recevoir si, comme l’avait laissé entendre William Hope, la corde était assez longue pour lui permettre d’arriver jusqu’au sol, en dessous de la trappe.

Il respira aussi largement, profondément, expérimentant comme à plaisir l’appareil grâce auquel, s’il n’avait pas la colonne vertébrale brisée dans la chute, il espérait échapper à la strangulation…

Fantômas, pendant les poignantes secondes qui s’écoulaient avec une rapidité inconcevable, se sentait si vivant, si robuste, si plein de santé qu’il jugeait soudain impossible l’éventualité de sa mort. D’ailleurs, n’avait-on pas tout prévu, tout combiné pour le sauver ?

Mais soudain, sa dernière vision, la vue de Juve énigmatique, grave et solennel, revenait à son esprit. Non, tout espoir était perdu. Juve était là, l’ayant roulé, Juve était venu pour le voir mourir.

Fantômas cessa de penser…

Soudain, le sol céda sous ses pas…

Le condamné fut précipité dans le vide, cependant qu’un grand cri échappait aux lèvres du shérif qui, à bout d’émotion, venait de tomber évanoui au moment précis où le corps du supplicié disparaissait dans la trappe.

29 – EST-IL MORT ?

Dans le salon du rez-de-chaussée d’une maison isolée, au milieu du quartier populeux de Waterloo, une jeune femme se tenait immobile, effrayée.

Elle hurla soudain, rompant par un cri terrible le silence absolu et impressionnant qui régnait autour d’elle :

— Qu’allez-vous faire ? qu’allons-nous voir ?

Devant elle, dans la pièce à peu près vide, sans meubles, et dans laquelle on s’était contenté de dresser en hâte un lit de fer, un lit de malade, se trouvait un homme. Celui-ci, accroupi sur le plancher, se livrait à une besogne effroyable.

Il était penché sur un cercueil et il dévissait les vis du couvercle.

La malheureuse femme que peut-être on condamnait à assister à quelque horrible spectacle, après s’être instinctivement approchée de la bière, reculait épouvantée.

— Qu’allons-nous voir ?

Son interlocuteur répondit :

— Lui, madame, lui seul.

Et comme la malheureuse insistait :

— Qu’allons-nous faire ?

— Nous allons tenter l’impossible.

C’était une bière humble et modeste, faite de six planches de sapin verni qui répandait autour d’elle une odeur prenante de créosote.

Une dernière pesée, et le couvercle s’abattit sur le plancher, rebondissant par trois fois, retentissant, avec une lugubre sonorité…

Cependant que la femme dissimulait son visage derrière ses mains, l’homme déployait en hâte le linceul blanc, d’où émergeait la face congestionnée d’un être qui ne donnait plus signe de vie…

Le mystérieux personnage s’empara de ce corps inerte et, révélant alors une vigueur peu commune, l’arracha d’une brusque étreinte hors de son cercueil, pour le déposer sur le lit voisin.

L’homme appela son aide :

— Venez, madame, venez, j’ai besoin de vous…

L’infortunée, qui venait d’être, malgré elle, témoin de cette affreuse scène, s’efforça d’approcher et, de ses yeux écarquillés par l’horreur, considéra la dépouille, dont le visage violacé faisait un étrange contraste avec la blancheur de l’oreiller sur lequel il reposait.

Rapidement d’ailleurs, sans plus s’occuper de sa compagne, l’homme procédait sur le cadavre à de mystérieuses pratiques, piquant la chair aux muscles avec une seringue de Pravaz, disposant sur la poitrine, largement découverte, des appareils bizarres.

L’homme enfin, se faisant aider de sa compagne, ouvrit la bouche du mort et, y introduisant ses doigts sans la moindre pudeur, en retira, après mille difficultés, un objet surprenant :

Une sorte de caoutchouc, creux à l’intérieur et long d’environ vingt-cinq centimètres.

L’homme cependant, plus préoccupé encore que l’instant précédent, effectua des tractions rythmées de la langue, s’efforça de créer une respiration artificielle.

De temps à autre, il appliquait son oreille sur le cœur de ce corps inerte, murmurant des mots inintelligibles…

Mais soudain, il poussa un cri de triomphe, cependant qu’une action de grâce s’échappait des lèvres de sa compagne…

Tous deux désormais, penchés sur le ressuscité, épièrent les signes les plus subtils de son retour à l’existence.

Peu à peu le visage se décongestionna. Les yeux, jusqu’alors révulsés reprenaient leur position normale, la sensibilité se manifestait à nouveau sur les épaules, de la poitrine à la paume des mains.

Les paupières, les lèvres, s’agitèrent insensiblement ; enfin, grâce aux efforts répétés, grâce à l’oxygène qu’on lui faisait absorber, l’être jusqu’alors inerte commençait à respirer de lui-même.

Actifs et silencieux, l’homme et la femme prirent sur la table voisine toute une série de médicaments, des cordiaux, qu’ils firent absorber au malade.

Et cela dura environ une heure.

Enfin, le ressuscité s’agita, ses lèvres qui, insensiblement, étaient devenues rouges, émirent des sons, inarticulés d’abord, qui se précisèrent ensuite. Puis ses yeux s’ouvrirent : successivement, ils se fixèrent sur l’homme et la femme, et comme si les êtres qu’il voyait déterminaient à la fois chez lui de l’épouvante et de la joie, il articula lentement ces deux noms :

— Juve… Lady Beltham…

À ces mots, Juve et lady Beltham, car c’étaient eux, en effet, associés dans cette délicate et périlleuse besogne, reculèrent, poussant un long soupir de satisfaction, cependant qu’ensemble ils répondaient :

— Fantômas.

Oui, ces trois êtres extraordinaires, ces trois adversaires formidables, se trouvaient désormais réunis seuls dans une maison isolée, dans la maison que, la veille, Juve, désespérant de pouvoir arracher Fantômas au supplice qui l’attendait, avait louée pour y recevoir son cadavre de supplicié, cadavre qu’il avait acheté avec l’espoir vague et fou de ramener à la vie celui que la justice humaine avait condamné à mort.

Les soins prodigués à Fantômas avaient été d’autant plus efficaces, que par suite de l’aveugle entêtement des détectives, qui croyaient à l’innocence de Tom Bob, le supplice de la pendaison ne s’était trouvé qu’à moitié consommé.

Garrick, précipité dans le vide, avait bénéficié d’une corde trop longue, qui lui permettait de toucher le sol avant d’avoir les reins rompus par la chute. Il avait en outre, au cours de la pendaison effectuée, imposée par la loi mais écourtée le plus possible, pu respirer quand même, grâce à l’appareil à s’enfoncer dans la gorge que lui avait remis le révérend William Hope.

Maintenant, Fantômas qui bénéficiait d’une vigoureuse constitution et qui venait d’échapper si miraculeusement à la mort, revenait complètement à la vie.

Il était guéri, remis de l’effroyable secousse qu’il avait éprouvée… La circulation reprenait, normale, dans son corps.

D’ici peu Fantômas serait sur pied, une fois de plus.

Mais Juve, déjà, le considérait d’un œil féroce, et croisant les bras, fixant de son regard perçant le visage du monstre, il exigeait sur un ton comminatoire :

— Fantômas, l’heure définitive a sonné. Il va falloir parler. J’ai tenu ma promesse, moi. Voici lady Beltham, Fantômas, dites où se trouve Fandor ?

Le sinistre bandit fit un effort pénible pour se soulever sur sa couche, il esquissa une hideuse grimace :

— Hélas, murmura-t-il d’un ton accablé, je ne sais pas… je ne sais pas…

Certes Fantômas prononçait ces paroles avec l’accent le plus sincère, mais il avait l’impression, en considérant son adversaire qu’il ne parviendrait pas à le convaincre.

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