Le pendu de Londres (Лондонская виселица) - Страница 71

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— Parfois, dit le shérif, dont la pensée chavirait… On n’en meurt pas toujours…

Fantômas le considérait d’un regard étonné :

— Croyez-vous, monsieur le shérif, fit-il avec une nuance de scepticisme… les exemples alors en ce cas sont bien rares… On raconte qu’autrefois des pendus se sont ranimés, je sais bien qu’on tente chaque fois, – pour être sûr de ne pas les enterrer vivants, – certaines formalités médicales…

Du ton d’un professeur qui fait un cours, l’extraordinaire condamné continuait… Désormais, c’était à William Hope qu’il semblait s’adresser, parlant à mi-voix, par mots brefs, saccadés, comme s’il espérait que le shérif n’entendrait pas ou tout au moins comprendrait mal.

— Il faut, disait-il, dans ces cas-là, des frictions et des révulsifs violents, telles que des applications d’eau chaude sur la surface du corps et aux jambes. On prétend qu’une saignée du pied ou de la veine jugulaire sont des moyens qui peuvent être efficaces, on doit pratiquer également la respiration artificielle…

Tom Bob s’arrêta net : un coup discret venait d’être frappé à la porte de la cellule.

Une voix, celle du gardien Jacob, appela :

— Monsieur le shérif…

Sir Ellis se souleva avec peine. Effondré sur l’unique escabeau qui meublait la pièce, il lui semblait que son corps pesait une tonne.

Le shérif, pâle comme un linge, se traîna jusqu’à l’entrée de la cellule, s’appuya sur le mur à côté de la porte entrebâillée, écouta le gardien dont les paroles bourdonnaient à ses oreilles. L’instant suprême approchait, il était cinq heures moins cinq.

William Hope et le prisonnier avaient surpris cette occasion, se rendant compte que c’était le seul instant où ils pourraient s’entretenir sans être remarqués.

Toujours très maître de lui et pour ne pas attirer les soupçons, Fantômas avait dit à haute voix :

— Monsieur le Révérend, venez près de moi, tout près. C’est un mourant qui veut demander avec vous, à Dieu, le pardon de ses fautes.

Les deux hommes s’étaient jetés dans les bras l’un de l’autre. Ils feignirent de se tenir embrassés, cependant qu’un bref dialogue s’échangeait entre eux :

— Alors ?

— Tout ira bien, Tom Bob, je l’espère, la corde sera trop longue… au lieu d’être précipité dans le vide vous tomberez sur le sol d’une hauteur de trois mètres environ… préparez-vous…

William Hope, en même temps, glissait un objet dans la main de Fantômas :

C’était une sorte de tube creux, en caoutchouc durci : l’instrument avec lequel le condamné allait pouvoir se dilater la gorge et maintenir ouverte sa trachée artère en dépit de la compression que le nœud coulant exercerait sur son cou.

Fantômas allait introduire l’objet dans sa gorge, il s’arrêta. Il avait encore deux mots à dire… Paroles suprêmes, car une fois l’appareil en place, il lui serait impossible de prononcer la moindre parole.

— Êtes-vous sûr de vos aides ? demanda-t-il anxieusement…

William Hope fit oui de la tête.

Fantômas avala le tube en caoutchouc. Désormais il était muet.

Mais à peine eût-il fait ce mouvement qu’il blêmit, manqua défaillir. Très innocemment et pour le rassurer, William Hope venait d’ajouter :

— Oui, nous en sommes très sûrs… c’est le policeman dévoué à Shepard qui a tout préparé, c’est lui, le 416, qui a remplacé la corde trop courte du bourreau par la corde qui vous sauvera, c’est lui aussi qui surveillera la durée de la pendaison.

Or, c’était bien pour cela que Fantômas avait manqué se trouver mal.

Juve le tenait à sa merci. Ces imbéciles de détectives s’étaient bien fait rouler par lui. Qu’allait faire Juve ?

Depuis la veille il avait disparu. Juve avait promis à Fantômas de lui amener lady Beltham. Il ne l’avait pas fait. Alors ? que penser ? Lady Beltham, décidément irréductible, avait-elle refusé de venir ? Juve l’avait-il empêchée d’approcher son amant ?

Fantômas, cette fois ne pouvait plus en douter ; il était à la merci de Juve. Juve tenait son sort entre ses mains. Et Fantômas ne pouvait plus prononcer une parole, il était muet. Fantômas, s’il était muet, ne pouvait pas non plus exprimer par le moindre signe son angoisse.

Les gardiens étaient entrés. Edward et Jacob, en gens émus, pressés d’en finir au plus tôt, lui avaient ligoté les mains derrière le dos. On lui avait aussi entravé les jambes avec une corde…

Fantômas, l’insaisissable Fantômas, n’était plus qu’une loque humaine.

Paralysé, presque inerte, incapable de se mouvoir sans l’aide des deux acolytes, il lui restait cinquante mètres à parcourir de la cellule jusqu’au gibet.

Sur ce bref itinéraire, allait-il se produire quelque chose d’extraordinaire, d’inimaginable, d’impossible ?

Seul, un fait impossible en effet pouvait le soustraire à l’irrémédiable châtiment, car au pied du gibet qui donc se trouverait là ? Juve, l’adversaire implacable, Juve, l’irréductible justicier. Mais Juve oserait-il ? Juve laisserait-il mourir Garrick sans avoir auparavant voulu prouver à la face du monde que Garrick n’était autre que Fantômas ? Voilà ce que Fantômas ne savait pas.

Lentement, le petit groupe s’achemina par le couloir de la prison.

William Hope marchait à reculons précédant le condamné, encadré par les deux gardiens chargés de soutenir Garrick, mais qui en réalité ne l’aidaient pas.

Fantômas n’avait point besoin de leur appui, il marchait au supplice sans défaillance, les nerfs tendus. Le shérif derrière eux s’avançait en titubant comme un homme ivre…

Une porte au bout du corridor s’ouvrit : c’était celle qui donnait sur la cour intérieure, qu’il fallait traverser avant d’arriver au pavillon fatal…

Instinctivement, lorsqu’il se trouva sur le seuil de cette porte où le jour le frappait en plein visage, Fantômas cligna des yeux, la grande lumière l’éblouissant. Il était en effet orienté vers l’est, le soleil l’éclairait de ses rayons rouges, le soleil levant.

Mais un homme avait surgi soudain de derrière cette porte, un petit individu blond, mince, chétif, coiffé d’une casquette de jockey, vêtu modestement d’une redingote râpée.

C’était Joé Lamp, le bourreau.

Joé Lamp s’approcha du prisonnier qui désormais devenait sa propriété.

Il tenait à la main une sorte de voile de gaze noire. Il s’apprêtait à en couvrir le visage du condamné.

Fantômas qui, deux minutes auparavant avait prononcé sa dernière parole, allait jeter son dernier regard.

Intensément, avec une acuité accrue, Fantômas regarda. L’espace d’une seconde, il vit tout ce qu’il pouvait voir :

La porte du pavillon ouverte en face de lui, large porte cochère donnant dans une sorte de hangar, hangar vide au fond duquel pour tout meuble se trouvait une corde. Une corde pendait du plafond, corde de chanvre toute blanche, terminée par un nœud coulant.

À droite, dans le gazon, un trou fraîchement creusé : la tombe ouverte, la tombe qui attendait le corps de Garrick, si le bourreau, qui désormais en était propriétaire, décidait de l’inhumer là, à côté des autres suppliciés couchés sous la terre anonyme, sans le moindre signe, sans la moindre croix.

Puis à gauche, au fond de la petite cour, la silhouette énigmatique d’un policeman en grande tenue.

Le policeman 416.

Juve.

Les regards des deux hommes se croisèrent : Fantômas toisa Juve, Juve toisa Fantômas… Que pensaient-ils l’un et l’autre ? Le regard du condamné menaçait-il le justicier, ou le futur supplicié suppliait-il son vainqueur ? Nul n’aurait pu le dire. Et soudain ce fut la nuit.

Le bourreau venait d’envelopper le visage du condamné… Le muet était aveugle. On l’entraîna rapidement, du reste.

Quelques pas retentirent sur le gravier de la cour, le bruit que font les gros souliers sur un plancher sonore.

Puis enfin, l’arrêt brusque annonça à Fantômas que l’instant suprême était imminent, qu’on se trouvait sous le hangar.

Quelque chose de froid et de rugueux affleura soudain le menton du condamné. Celui-ci sentit un coup sec sur sa nuque. Il éprouva aussi une légère contraction de la gorge.

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