Le pendu de Londres (Лондонская виселица) - Страница 3

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 Mais Daniel ne voulait pas quitter ses jouets. Et les magasins ouverts allaient ne plus l’être, si elle tardait. Après une seconde d’hésitation, Françoise décida :

— Daniel ne bougera pas, et moi en me dépêchant, je n’en aurai que pour quelques minutes…

Françoise Lemercier embrassa tendrement son enfant :

— Sois sage, dit-elle, maman revient tout de suite !

Puis, d’un coup d’œil, elle s’assurait que rien ne se trouvait à proximité qui pût permettre au bébé de se blesser. Les portes, la fenêtre étaient fermées :

— Sois sage ! répéta Françoise Lemercier, comme elle s’en allait…

Une demi-heure environ après le départ de Françoise Lemercier, un promeneur, pénétrait dans Jewin Street absolument déserte.

C’était Jérôme Fandor…

Le journaliste qui s’avançait lentement au milieu de la rue examinait les maisons comme quelqu’un qui cherche un immeuble dont il ne sait pas le numéro.

Le journaliste venait voir quelqu’un qu’il savait habiter Jewin Street : ce quelqu’un n’était autre que Françoise Lemercier…

Après deux ou trois démarches infructueuses, Jérôme Fandor parvint enfin à découvrir la demeure de la chanteuse.

Il pénétra dans le couloir et, s’adressant à la première personne qu’il rencontrait, une vieille femme, le journaliste demanda :

— M meFrançoise Lemercier, est-ce ici ?

La vieille femme paraissait tout alarmée, elle balbutiait des mots incompréhensibles.

Fandor, ayant posé sa question à nouveau, son interlocutrice répondit :

— Oui, c’est ici ! ah ! la pauvre dame ! Savez-vous quelque chose, monsieur ?… apportez-vous des nouvelles ?…

— Quoi, fit Fandor, il lui est arrivé un accident ?…

Le journaliste interloqué allait préciser sa question. La personne à laquelle il s’adressait ne lui en laissa pas le temps…

— Le petit Daniel, interrogea-t-elle, savez-vous où est le petit Daniel ?

Fandor comprenait de moins en moins, car il ignorait totalement que Françoise Lemercier eût un enfant et que cet enfant s’appelât Daniel.

Il connaissait l’actrice pour l’avoir rencontrée une fois ou deux dans des milieux français et si le journaliste en venant chez elle avait un but, ce n’était assurément pas celui de s’enquérir de sa progéniture.

— C’est vrai, monsieur, sans doute que vous l’ignorez… en effet, vous ne pouvez pas le savoir… Cela s’est produit si subitement et il y a si peu de temps… Ah ! la pauvre dame ! elle est comme folle en ce moment, et je vous jure qu’il y a de quoi…

— Je vous en prie, qu’est-il arrivé à M meFrançoise Lemercier ?

Françoise Lemercier, lui disait en substance la bonne femme, venait de descendre une demi-heure auparavant pour s’en aller faire ses provisions. Elle laissait dans son appartement, son enfant, le petit Daniel, elle le laissait tout seul dans le salon en train de jouer, or, voici que remontant chez elle, au bout de dix minutes, l’appartement était vide.

Le petit Daniel avait disparu.

Par où ? Comment ?

On n’en savait rien… L’enfant ne s’était pas caché, la pièce dans laquelle il se trouvait, lors du départ de sa mère, ne présentait aucun désordre. Qui avait enlevé l’enfant ? car c’était cela, sûrement qui s’était passé…

Nul ne pouvait le dire !

— Vous allez monter la voir, déclarait la vieille femme, en essuyant les larmes qui perlaient à ses yeux, peut-être que vous pourrez l’aider ?…

Mais Fandor hésitait. Était-ce bien le moment ?

Jérôme Fandor monta donc chez la chanteuse.

Le journaliste ne s’attarda pas auprès d’elle. Il n’y avait rien à tirer de la malheureuse. Françoise Lemercier, au surplus était entourée de voisines et de commères devant lesquelles Fandor, de toute façon, n’aurait pas voulu parler.

Jérôme Fandor, dans la rue arpentait le trottoir, soucieux, il se répétait machinalement :

— L’enfant de la chanteuse a disparu… Comment ?… Pourquoi ?… Comment ? comment cet enfant a-t-il disparu ?… Je n’en sais rien et je m’en moque, mais ce qui m’intéresse beaucoup plus, c’est de savoir pourquoi il a disparu, et ce pourquoi, je vais peut-être y répondre… Oh ! oui, poursuivait -il, je vais y répondre par l’affirmative, car cette fois j’ai la ferme conviction que je tiens la solution du problème. Juve, mon ami Juve, il se passera fort peu de temps que vous n’ayez de mes nouvelles… à votre télégramme m’annonçant que vous avez découvert lady Beltham, je répondrai par une dépêche vous informant que moi, j’ai découvert…

***

Le soir et particulièrement le dimanche soir, Whitechapel est désert.

Magasins et bureaux sont fermés depuis le samedi après-midi, et tous ceux qui ont pu s’éloigner de cette vision de misère et de travail l’ont fait.

La nuit tombait embrumée, lourde d’orage sur la capitale, et sur Whitechapel pesait un grand silence.

Nini Guinon, l’épouse légitime de lord Duncan, habitait un bouge infâme de Whitechapel, une vieille maison mal famée de Belmont Street.

Tous les étages de cet immeuble étaient occupés par une population misérable et malfaisante, et certes, si les voisins de Nini Guinon avaient pu savoir que la jeune Française était l’épouse légitime d’un membre du Parlement anglais, ils en auraient été fort surpris, mais nul ne le soupçonnait, hormis toutefois deux ou trois apaches, français comme Nini Guinon et qui, depuis longtemps déjà, avaient cru nécessaire de mettre entre eux et la police parisienne la rassurante barrière de la Manche et de la Mer du Nord.

Parmi eux, le Bedeau, ce souteneur de Ménilmontant qui avait connu Nini dès son enfance, et Beaumôme, un habile pickpocket, quelques autres encore.

Ils formaient une bande équivoque et redoutable dont Nini Guinon s’était instituée la reine, malgré les efforts de son mari qui n’avait pu l’en arracher.

Et pourtant, Nini avait besoin de lord Duncan, non seulement de ses libéralités, dont elle vivait, mais encore de son appui, de son influence dans le Royaume.

Or, Nini venait de perdre le talisman qui lui assurait l’impunité.

Le petit Jack était mort.

D’abord elle n’avait pas voulu y croire.

Ivre, elle rentrait chez elle, et dans le berceau, le petit corps froid de son fils.

La veille, il avait été malade.

— C’est de la mauvaise graine, avait dit Nini, ça ne craint rien.

Le froid l’avait achevé. Nini en était encore étonnée.

Ce n’était pas le sentiment maternel, mais Jack, une fois mort et enterré, son mari n’hésiterait pas à demander le divorce, à se débarrasser d’elle.

Puis il y avait eu l’entrevue avec lord Duncan, la voix mystérieuse qui lui ordonnait chez Duncan même de taire la mort de son fils.

Cela, c’était samedi.

À présent, ce dimanche soir, Nini Guinon, de plus en plus perplexe, attendait, dans son logement, au milieu du silence.

Les apaches, ses voisins étaient partis faire la bombe et avaient laissé Nini Guinon seule avec son enfant, car Nini Guinon, subtile et méfiante n’avait informé personne du décès du petit Jack, survenu l’avant-veille…

Nini Guinon, qui, machinalement, allait et venait dans la pièce, tressaillit en entendant sonner dix heures.

— Il devrait être là, murmura-t-elle…

La jeune femme, le matin même avait reçu par la poste un billet ainsi conçu :

«  Serai avec Jack, chez toi, ce soir avant dix heures. »

Billet étrange en vérité, car le texte qui semblait écrit à l’encre, au bout de deux heures avait disparu et il n’était resté entre les mains de Nini qu’une feuille de papier blanc…

Le mystérieux billet était signé Fantômas, et elle se rappelait le mariage avec Ascott, puis la mort du père et du frère d’Ascott.

Oui, Fantômas.

Nini Guinon en était là de ses réflexions, lorsqu’un craquement se fit entendre à la porte de son logement :

Dominant ses nerfs, surmontant ses appréhensions, Nini Guinon fut à l’entrée du logis, et à travers la porte demanda :

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