Le pendu de Londres (Лондонская виселица) - Страница 2

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— Vous ne recommencerez plus, lord Duncan, pour cette bonne raison que votre fils est mort…

— Jack, s’écria l’infortuné père, mon petit Jack…

Puis, quand il eut repris son sang froid :

— Dites-moi, Nini, que lui est-il arrivé… comment cet épouvantable malheur ?…

Lord Duncan ne pouvant dominer son émotion s’était laissé choir sur un fauteuil ; ses jambes vacillaient, sa tête tournait… le coup était si brusque.

Nini Guinon, froidement le considérait, l’air indifférent. Elle l’était à coup sûr, indifférente. Sa voix n’avait trahi aucun trouble lorsqu’elle avait annoncé la sinistre nouvelle.

— Jack a pris froid, expliqua-t-elle, une fenêtre restée ouverte toute la nuit, le lendemain il est mort…

Lord Duncan s’approcha de Nini Guinon, puis les yeux dans les yeux :

— Est-ce vrai ?

Sans broncher, l’épouse secrète soutint ce regard.

— C’est vrai… fit-elle simplement.

— Pourquoi, demanda-t-il, pourquoi ne pas m’avoir prévenu lorsqu’il était souffrant ?…

— Ah, parbleu, non, jamais de la vie…

Lord Duncan, comprenant sa pensée, s’était élancé sur elle.

— Il est mort… subitement… ajouta Nini.

Un silence plana dans le salon.

…Cependant, lord Duncan, par un effort suprême de volonté avait repris l’attitude digne qui convenait à sa qualité.

Ce n’était plus, en effet, l’époux qui parlait, c’était le grand seigneur, le membre de la Chambre haute. Il n’interrogeait plus, il ne sollicitait pas, il commandait, et dit :

— La seule indulgence que je pouvais avoir à votre égard, Nini Guinon, m’était inspirée par ce fait, que malgré toutes vos turpitudes, vous étiez mère, et mère de mon enfant. Dieu nous l’a repris, peut-être a-t-il bien fait… Ses projets sont insondables, et c’est le châtiment qu’il m’impose, pour ma faute d’autrefois… J’accepte son décret sans murmurer… Désormais, il ne reste plus sur terre que deux époux entre lesquels un abîme infranchissable s’est creusé… Comprenez-moi bien. Plusieurs fois, déjà, Nini Guinon, vous avez failli connaître la prison. Vous avez été compromise dans d’infâmes affaires, la complice de ce que la capitale compte de plus infâme… Je suis intervenu pour vous arracher au Tribunal. Vous n’êtes qu’une fille perdue, une coupable, une criminelle peut-être. Nini Guinon, j’ai décidé : vous ne sortirez d’ici que pour entrer dans une maison d’arrêt. Une enquête sera ouverte pour savoir comment est mort mon fils. On découvrira bien des choses, j’en suis sûr.

Nini avait pâli :

— Vous allez me faire arrêter… Ah ! lord Duncan, vous voulez donc rendre public notre mariage ?

— Je le sais, déclara le noble membre du Parlement, je suis résigné au scandale. Ce soir, Sa Majesté aura ma démission…

Nini Guinon tressaillit. Si lord Duncan ne craignait plus le scandale, si Nini Guinon ne tenait plus son mari par ses perpétuelles menaces de chantage, elle était perdue…

Lord Duncan allait et venait, en proie aux plus sinistres réflexions, Nini Guinon, elle, s’était reculée jusqu’à l’extrémité du salon, et soudain, elle étouffa un cri : elle venait d’entendre une voix murmurer derrière elle :

— Imbécile… Imbécile de Nini, écoute… mais ne bronche pas…

S’efforçant de conserver une figure impassible, Nini Guinon se raidit contre la surprise, et conformément au conseil qui lui était ainsi donné elle prêta l’oreille :

— Imbécile, poursuivait la voix, une voix rude et hargneuse, il ne fallait pas dire que Jack était mort… Jack mort, tu es irrémédiablement perdue… Il est encore temps de te reprendre… invente n’importe quoi… jure qu’il est vivant, jure-le, si tu tiens à la vie, Nini…

Lord Duncan, tout à son amère réflexion, ne remarqua rien. Nini soudain, changea de visage. Ses traits s’illuminèrent.

— Lord Duncan ? murmura-t-elle, doucement…

— Qu’y a-t-il ?

Désormais, ce n’était plus la même femme qui parlait. Elle supplia, les yeux baissés, d’un ton si ému qu’il semblait que dans sa gorge montaient des sanglots :

— Lord Duncan, pardonnez-moi, je vous ai menti tout à l’heure… C’est mon cœur de mère qui m’a inspiré ce mensonge… J’ai eu peur, lorsque j’ai su que vous vouliez me reprendre mon petit Jack, le seul être qui me reste à chérir, le seul vestige de mon bonheur passé… Pour être sûr de le garder, j’ai menti, mais je le vois, cela vous fait trop de peine, et moi-même je ne veux pas continuer à soutenir une chose aussi affreuse… il me semble d’ailleurs que cela lui porterait malheur… Lord Duncan, pardonnez-moi, mais Jack est vivant… Jack vit…

— Vous me jurez que Jack, que mon Jack est vivant ?…

— Je vous le jure ! répondit Nini Guinon dont les yeux laissèrent échapper de grosses larmes…

Le noble lord, ému, soudain se sentait coupable… D’un coup d’œil, Nini Guinon s’aperçut qu’elle avait repris en main son interlocuteur.

— J’essayerai de vous donner satisfaction, lord Duncan, dit Nini.

— Serait-ce possible ?

— Je m’y emploierai… Mais la misère est mauvaise conseillère : il me faut nourrir mon enfant, me nourrir moi-même, je ne suis pas riche…

Lord Duncan avait compris. Il tira de son portefeuille une liasse de bank-notes ; avec un amer sourire, il déclara :

— En recevant, ce matin, la lettre qui m’annonçait votre venue j’avais préparé cet argent, prenez-le…

Nini Guinon avançait la main :

— Une seconde, fit lord Duncan…

Et comme Nini paraissait toute décontenancée :

— Oh ! ce n’est pas une condition bien pénible que je vais vous imposer : je veux voir mon enfant, je le veux absolument… Nini Guinon, vous serez dans quatre jours, à neuf heures précises du matin, dans l’allée cavalière de Hyde Park, vous y serez avec Jack ?… c’est entendu, n’est-ce pas ?

La jeune femme regarda son époux, le visage ouvert, l’œil franc :

— Donnant, donnant, lui dit-elle, eh bien, soit, j’accepte le marché… vous pouvez me remettre cet argent, lord Duncan… à mercredi…

Nini Guinon venait à peine de quitter le salon dans lequel elle se trouvait en tête-à-tête avec son noble époux qu’une lourde portière qui faisait communiquer cette pièce avec une chambre voisine s’agita lentement.

— Eh bien, Tom Bob, eh bien, mon cher ami, avez-vous entendu cette conversation ?…

— J’ai tout entendu…

— Qu’en pensez-vous, poursuivit l’infortuné mari de Nini Guinon, que peut-on croire ?

— Ce serait parfaitement inutile, lord Duncan, la question qui se pose est facile à résoudre surtout pour quelqu’un dont le métier consiste à découvrir la vérité.

— Tom Bob, s’écria lord Duncan, vous allez vous occuper de cela !

— J’allais vous le proposer, déclara le détective, et je vous jure que d’ici quarante-huit heures vous saurez à quoi vous en tenir.

— Que Dieu, vous entende, murmura le jeune lord, dont l’accablement faisait peine à voir…

2 – JACK VIT

Les petits oiseaux,

Les petits oiseaux…

Est-ce bête, ce refrain ! et c’est tout ce qu’il me reste de ma carrière, pensait Françoise Lemercier, artiste française à Londres, qui venait de terminer son engagement à l’ Empire.

Quelques années auparavant, Françoise avait épousé un brave Canadien, mais elle était aussi légère et frivole que son mari était lourd et brutal. Ils étaient séparés. Le divorce aurait été prononcé si les époux avaient pu s’entendre sur la garde de Daniel, leur petit garçon.

Mais pour l’instant, peu importe pensait l’artiste, je n’ai pas entendu parler depuis longtemps de mon mari, et Daniel est toujours auprès de moi.

Eh oui, Daniel jouait sur le tapis du salon, en se racontant des histoires.

— Une heure moins dix ! s’écria Françoise… Les magasins vont fermer et moi qui n’ai rien pour mon déjeuner.

Elle prit un chapeau qu’elle posa sur sa chevelure blond fauve et grommela :

— Sale jour, que le dimanche anglais ! pas de bonne ! pas de magasins ! pas de restaurant ! Allez hop ! au marché !

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