Le mariage de Fantomas (Свадьба Фантомаса) - Страница 9

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— Je n’y suis pour personne ! hurla Juve. Tonnerre de nom d’un chien, est-ce que vous ne comprenez plus le français, Jean ? Je vous ai déjà prévenu…

— Assurément, vous n’y êtes pour personne, mais vous devez l’être pour ce monsieur, il m’a dit de vous dire qu’il était ambassadeur.

« Eh, eh, songea Juve, est-ce que, par hasard, la Cour d’Espagne aurait appris quelque chose de mes enquêtes ? »

— Faites entrer, ordonna le policier.

Quelques instants plus tard, Juve voyait se soulever la portière de son cabinet de travail et sursautait, devenu blême, en reconnaissant l’ambassadeur qui pénétrait auprès de lui :

— Vous, vous, vous, Backefelder ! Ah çà, d’où diable sortez-vous ?

Backefelder, car c’était bien l’extraordinaire Américain, le flegmatique « amateur » qui se passionnait pour la lutte que, depuis tant d’années, Juve soutenait contre Fantômas, qui venait d’entrer dans le cabinet de travail du policier, ferma posément la porte, sourit à Juve, puis lui tendit la main :

— Vous allez bien, mon cher maître ?

Mais Juve ne serra pas cette main tendue. Juve plaqua un vigoureux coup de poing sur son bureau, bondit au-devant de l’arrivant :

— Ah çà, hurla-t-il, pourquoi venez-vous me voir ? Qu’est-ce que vous allez encore m’annoncer ? Comment savez-vous que je suis rentré ? Avez-vous des nouvelles de Fandor ?

Backefelder brossait son chapeau, souriait toujours.

— Vous permettez, demanda-t-il, que je prenne un siège ?

Et comme Juve ne répondait pas, il en prit un quand même, s’assit, déclara avec une tranquillité déconcertante :

— C’est un vilain temps, aujourd’hui. Ah, êtes-vous prêt à m’écouter, monsieur Juve ? Je viens en ambassadeur.

— Vous venez en ambassadeur, en ambassadeur de qui ?

Comme s’il eût dit une chose toute naturelle, comme s’il eût fait une commission fort simple et nullement digne de surprendre, Backefelder riposta :

— Je viens, mon cher Juve, en ambassadeur, de la part de Fantômas.

— Mais il est donc encore vivant ?

— Parfaitement, répondit-il, et je vous remercie de l’intérêt que vous lui manifestez. Fantômas se porte bien.

Juve, pourtant, avait empoigné l’Américain par les épaules et le secouait fortement :

— Fantômas se porte bien ? ah çà, vous êtes fou ? Et que venez-vous m’apprendre ? Mais, parlez donc, nom d’un chien, parlez, parlez donc ! Vous me faites mourir !

Backefelder, cependant, éclatait de rire. Il se dégagea de l’étreinte de Juve, le repoussa doucement :

— Je vous répondrai, faisait-il, quand vous cesserez de me secouer comme un arbre et quand vous serez tranquillement assis derrière votre bureau, prêt à m’entendre comme un gentleman que vous êtes.

— Parlez, je suis tout oreilles.

Or, Backefelder venait de tirer son portefeuille et tendait à Juve une feuille de papier blanc, puis un stylographe :

— Cher monsieur, faisait-il, j’ignorais que j’aurais la bonne fortune de vous rencontrer chez vous et je m’étais muni de ces accessoires indispensables à l’accomplissement de ma mission si je vous avais rencontré dehors. Veuillez donc avoir l’obligeance, poursuivait Backefelder, de prendre ce stylographe et d’écrire, de votre plus belle écriture, l’adresse de la fille de Fantômas. Vous mettrez cette lettre sous enveloppe, vous cachetterez si vous n’avez point confiance en ma discrétion, et je porterai le tout au Roi du Crime.

Mais, assurément, Backefelder eût parlé chinois qu’il eût été mieux compris de Juve. Le policier, en effet, à la demande plus que surprenante qui lui était formulée, pensait que la raison l’abandonnait et qu’il était victime d’une invraisemblable hallucination.

— Bon sang ! hurla Juve, que venez-vous me demander là ? Où est la fille de Fantômas ? Pourquoi ? C’est Fantômas qui vous envoie ? S’imagine-t-il que je vais ainsi le renseigner ?

Backefelder, cependant, conservait son calme imperturbable :

— Il se l’imagine, répondait-il, et il n’a point tort, monsieur Juve, car voici la commission dont je suis chargé.

— Mais, où est-il, Fantômas ? interrompit Juve, sacré nom d’un chien, dites-moi où il est ! Il faut en finir !

Juve n’acheva pas. Très maître de lui, Backefelder avait eu un petit signe de la main qui marquait combien il lui semblait absolument impossible de donner satisfaction à la curiosité du détective.

— Juve, vous oubliez nos conventions.

— Quelles conventions, Backefelder ?

— Les conditions dans lesquelles je me trouve, si vous le préférez… Je vous ai déjà dit que j’entendais ne faire œuvre ni de policier ni de bandit. Je ne trahirai pas plus Fantômas vis-à-vis de vous que je ne vous trahirai vis-à-vis de Fantômas. Je vais de l’un à l’autre, voilà tout, en amateur. C’est par exception que j’ai accepté de me charger d’une ambassade auprès de vous.

C’étaient là des propos qui achevèrent de désespérer Juve. Le célèbre policier se leva brusquement, renversant dans son impétuosité son fauteuil, et se promena de long en large.

Backefelder disait la vérité. Jamais, il le savait, l’Américain ne consentirait à lui dévoiler quelle était la retraite de Fantômas. Il était trop honnête, l’extraordinaire Yankee, pour trahir qui que ce fût. Il ne renseignerait pas plus Fantômas sur Juve qu’il ne renseignerait Juve sur Fantômas.

— Achevez, finit par déclarer Juve d’une voix sifflante, dites-moi tout ce que vous avez à me dire, Backefelder, et bon Dieu dépêchez-vous de sortir ensuite, car la pensée que vous venez de la part de Fantômas me bouleverse au point que je ne sais pas si je pourrais être longtemps maître de moi et ne pas…

— J’achève, coupa tranquillement Backefelder.

Et le bizarre amateur poursuivait en effet, d’un ton assuré, comme s’il n’eût point tenu les plus effroyables propos :

— Juve, affirma-t-il, je viens de la part de Fantômas, vous demander l’adresse de sa fille. Fantômas a échappé à la mort lors du naufrage, comme vous devez bien vous en douter. Fantômas ne sait pas où est sa fille et comme vous le savez, vous, il m’a chargé de venir vous demander ce renseignement et j’ajoute…

— Mais bon Dieu, je ne le sais pas, moi où est sa fille, depuis je ne sais combien de temps je la cherche.

Or, au moment où Juve déclarait – ce qui était la vérité – qu’il ignorait où était Hélène, Backefelder s’était levé et un peu de son calme semblait l’avoir abandonné subitement :

— Vous ignorez, demandait-il d’une voix tremblante où se trouve Hélène ?

— Mais oui.

— Alors, c’est horrible.

— C’est horrible ? répéta Juve. Pourquoi ? ah çà, avez-vous tellement pitié des sentiments paternels de Fantômas ? Croyez-vous, que même si je savais où est Hélène, j’aurais l’amabilité de le lui dire ?

Mais Backefelder était devenu nerveux :

— Taisez-vous Juve, faisait-il à son tour, je ne vous ai point encore tout dit.

Et, parlant lentement, d’une voix sourde, baissant les yeux, Backefelder continuait :

— Juve, Fantômas m’a tenu ce matin ce langage : Va trouver Juve, dis-lui qu’il te donne aujourd’hui même l’adresse de ma fille, dis-lui qu’il te donne les moyens de la retrouver ou que sans cela, avant la fin de cette semaine il recevra, lui, Juve, l’oreille droite de Fandor, que je couperai d’un coup de rasoir. Dis-lui qu’à chaque jour de retard, je mutilerai Fandor. Je lui arracherai l’oreille gauche après l’oreille droite, je lui trancherai les doigts, je le torturerai sans pitié et sans merci pour lui faire payer la torture que j’éprouve à ne pas savoir ce qu’est devenue mon enfant. Juve, si vous savez où est Hélène, dites-le-moi. Parlez. Fantômas n’hésitera pas. C’est la vie de Fandor qu’il faut lui racheter.

Mais Juve ayant entendu l’horrible menace que Backefelder, ambassadeur de l’épouvantable Fantômas, venait lui transmettre, en apprenant le danger que courait Fandor, ne répondit pas. Fandor qu’il n’avait point trouvé chez lui, Fandor qui n’avait pas répondu à ses coups de téléphone devait se trouver aux mains de Fantômas. Juve, atteint en plein cœur, pour une fois, vaincu par le destin, s’était écroulé sur un canapé et la tête dans ses mains, avec des yeux hagards, des yeux où s’amassaient des larmes lourdes et brûlantes, il considéra Backefelder avec un stupide affolement :

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