Le mariage de Fantomas (Свадьба Фантомаса) - Страница 7

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Les autres se mirent à rire et l’Espagnole se refâcha :

— Je n’ai pas les doigts dans le nez, mais je pourrais bien te les coller sur la figure, Bec-de-Gaz. On ne m’a jamais rien donné à faire. Voilà pourquoi. Y’a qu’à essayer, et on verra.

À ce moment précis, le receveur apparut au haut de l’impériale ; s’adressant aux apaches, il réclama :

— Places, s’iou plaît ?

— Ta gueule, toi ! lui répondit Œil-de-Bœuf, du tac au tac et comme le receveur s’avançait, Œil-de-Bœuf lui envoya une bourrade :

— Non mais des fois, tu t’imagines pas qu’on va raquer pour ta roulante ? Ah, là, là, mince de rigolade, on ne paye pas nous autres. On est du Conseil d’administration.

Le receveur, tranquillement, en homme sûr de son autorité, se contenta de répéter :

— Allez, les places. Trois sous par personne.

Et en même temps, il frappait sur l’épaule de Mort-Subite :

— Dites donc, vous, mon ami, faudrait vous relever et ne pas casser les carreaux.

— Ta gueule ! dit Mort-Subite.

Et Bec-de-Gaz, venant au secours d’Œil-de-Bœuf, insistait brutalement :

— Et puis, un bouchon, hein ? si t’es pas content, fais-nous descendre. On est sans un.

Le receveur voulut ouvrir la bouche, mais Mort-Subite, qui s’était relevé tout de même, l’empoignait par les épaules et le faisait reculer :

— Toi, hurlait-il, tâche voir à voir à ne pas nous embêter ou je te balance.

Le receveur battit en retraite :

— C’est bon, commença-t-il, je m’en vas vous signaler au bureau, on verra bien si les agents…

Et sans achever sa phrase, il descendit le petit escalier, furieux, mais n’osant guère, étant donné le quartier déplorable où roulait le tramway, s’exposer à une rixe dans laquelle il aurait le dessous.

La Recuerda battait des mains :

— Eh ! les aminches ! cria-t-elle, c’est pas des coups à faire ça. Il va faire rappliquer la rousse et nous allons être de la r’vue. Si qu’on se cavalait ?

— C’est ça, on se cavale, on se cavale !

Tandis que le tramway s’éloignait au petit trot le long du boulevard désert, les apaches descendirent sur la plateforme, et sautèrent sur le sol :

— Bien le bonjour, conducteur, mes respects à ta poule.

— Je t’avais bien dit qu’on ne te paierait pas.

Tandis que le pauvre homme haussait les épaules, assez satisfait de les voir disparaître, les apaches, un à un, disparaissaient sur le boulevard. La Recuerda et Bébé demeuraient seuls sur la plate-forme.

— Descends, dit Bébé.

— Passe, répondit la Recuerda.

Mais, en même temps, d’un geste rapide, elle sautait sur le receveur, et avec une prestesse incroyable le dépouilla de sa sacoche en criant :

— À moi la banque.

Elle avait bondi sur la chaussée. Le receveur, soudain enragé, avait attrapé le signal d’arrêt et tirait dessus de toutes ses forces en vociférant :

— Ma sacoche, nom de Dieu, rendez-moi ma sacoche !

Bébé, qui était encore près de lui, lui coupa la parole d’un coup de poing :

— Suffit, la levée est faite.

L’homme s’écroula. Bébé avait sauté à son tour sur le sol et s’éloignait en courant dans la direction de la Recuerda.

Or, à l’intérieur du tramway, ayant assisté à la scène sans mot dire, philosophe comme à son ordinaire, se trouvait, par hasard, Fandor. Le journaliste, occupé à lire La Capitalen’avait guère prêté attention à l’embarras du receveur, mais, au moment même où, avec un cri étouffé, le malheureux employé s’écroulait, atteint par le poing du redoutable Bébé, Fandor, comme mû par un ressort, se dressa :

— Ah, mais non, pas de ça, murmurait-il, ils vont tuer ce bonhomme-là.

En deux enjambées, il avait traversé la voiture :

— Bon Dieu, ma sacoche ! hurlait toujours le receveur.

— Attendez, dit Fandor.

Il venait de dégringoler sur la chaussée, un revolver brillait dans sa main, il courait derrière la Recuerda et Bébé.

— Bon sang, arrêtez-vous, hurlait-il, ou ça va barder.

À ce moment, la Recuerda et Bébé traversaient le boulevard. Fandor fit comme eux.

Courant aussi vite qu’il le pouvait, Fandor poursuivait les deux ombres et gagnait du terrain. Derrière lui, le conducteur s’était relevé. Il l’entendait qui courait aussi, cependant que le cocher de l’omnibus, tiré de son assoupissement professionnel, s’égosillait :

— Au secours ! Au secours !

Marchant à la rencontre de Bébé et de la Recuerda, un homme, un palefrenier sans doute, revenait à pied, conduisant deux chevaux.

— Arrêtez-les ! criait Fandor.

Bébé, sans doute, avait eu peur du palefrenier. Il avait tiré son revolver et lâché un coup en l’air. Les deux chevaux se cabrèrent. L’homme qui les conduisait s’occupait encore à les maîtriser que la Recuerda, tenant toujours la sacoche, arrivait à sa hauteur. Et c’est avec une incomparable souplesse que la fille bondit à califourchon sur le dos d’un des chevaux, piqua des deux, s’éloigna au grand galop, cependant que, poursuivi par le palefrenier, le second cheval détalait.

Fandor courait toujours. Puis, la respiration lui manquant, force fut à l’ami de Juve de s’arrêter.

D’un coup d’œil rapide, il s’était assuré que le boulevard était désert. À peine voyait-on au lointain quelques pierreuses immobiles au coin des rues, guettant un hasardeux client. Le receveur distancé avait dû abandonner la poursuite et regagner son tramway.

— Miséricorde, se disait Fandor, mais qu’est-ce que tout cela veut dire ? Enfin, j’ai bien vu ce que j’ai vu, une femme, une femme jeune, souple, mince, élancée, vivant dans la société des apaches et se révélant écuyère consommée. Ah çà, si véritablement il s’agissait bien d’Œil-de-Bœuf et de Bec-de-Gaz, comme je l’ai cru, est-ce que cette femme ne pourrait être…

L’hypothèse était folle, invraisemblable, fondée sur rien et pourtant Fandor, en cette minute, eût juré qu’il ne se trompait pas.

Hélas, Hélène, depuis quelque temps avait disparu, était en fuite.

— Mon Dieu, mon Dieu, soupirait Fandor, est-ce donc Hélène que je poursuis ?

Il poursuivait en effet toujours la femme qui, si audacieusement avait dérobé la sacoche du receveur. Il demanda deux ou trois fois à des passants si l’on n’avait pas vu l’étrange amazone, et, guidé par les réponses qu’il obtenait, finit par arriver sur les berges de la Seine, supposant bien que la cavalière n’avait pas dû traverser le fleuve. Or, Fandor n’était point depuis quelques instants sur les quais, qu’il tressaillait de surprise. Devant lui, à peu de distance, abandonné, hennissant à la nuit, il aperçut un cheval sellé, bridé : le cheval qu’avait enfourché la fugitive.

— J’arrivé trop tard, souffla Fandor.

Il s’approcha de la bête et, bien qu’elle fût encore fort effrayée, parvint à la saisir.

— À mon tour de l’enfourcher.

Fandor n’était point, à vrai dire, excellent cavalier. Cependant, il sauta sur le cheval, fouilla de longues minutes le quartier de Grenelle, cherchant aussi bien à retrouver la fugitive qu’à découvrir le malheureux palefrenier qui devait assurément se lamenter sur la perte de sa bête.

Vaines recherches.

De guerre lasse, au bout d’une heure d’efforts, Fandor s’en alla au premier poste de police qu’il aperçut :

— Monsieur le brigadier, expliqua le journaliste à l’agent qu’il trouvait fort occupé à jouer aux cartes, voici un cheval que je vous amène, qui vient d’être volé et que j’ai pu heureusement rattraper.

— Et alors, quoi ? lui demanda le brigadier, qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse de votre cheval ? Vous ne vous imaginez pourtant pas que je m’en vais le garder au poste ? À la fourrière !

Et Fandor eut beau parlementer, s’insurger, supplier, courir même à deux autres postes de police, il ne pouvait arriver à se débarrasser du cheval.

De guerre lasse, il finit en effet par mener la bête à la fourrière.

— Décidément, dit-il à l’employé qui lui délivrait un récépissé, si jamais je retrouve un cheval égaré sur la voie publique, comment donc que je m’empresserai de ne pas le recueillir. Ah zut alors ! c’est trop amusant de traîner jusqu’à quatre heures du matin pour arriver à s’en défaire !

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