Le mariage de Fantomas (Свадьба Фантомаса) - Страница 69
— Et qui vous dit que l’infant n’est pas victime lui-même de ce faux enterrement ?
Juve se tut, réfléchit un instant. Soudain, il se rapprocha de son chef. Puis, lui mettant familièrement la main sur l’épaule, il affirma :
— Tout cela, reconnaissons-le, puisque nous sommes en tête-à-tête, reste encore incompréhensible, mais il nous suffirait d’un détail, d’un rien, pour posséder la clef de tout le mystère.
— Oui, reconnut M. Havard, je suis bien de votre avis, malheureusement. Quel est ce détail ?
— Si Fantômas a enterré Delphine Fargeaux vivante, c’est qu’assurément il voulait se débarrasser d’elle, sans doute parce qu’elle devenait gênante. Pourquoi Fantômas a-t-il justement choisi pour l’ensevelissement de Delphine le cimetière de Montmartre ? N’y aurait-il pas un lien quelconque à établir avec la mort simulée de Mercédès de Gandia ? Mais pourquoi les manifestations du fantôme ?
Cependant que Juve réfléchissait ainsi, ne voulant faire part de ses déductions à M. Havard qui certainement en aurait souri, le directeur de la Sûreté mit son chapeau et déclara :
— Si vous voulez bien Juve, nous reprendrons cet entretien plus tard. Je vais dormir quelques heures, car je suis exténué.
***
Il était environ neuf heures du soir. M. Havard était allé prendre pendant tout l’après-midi le repos qu’il convoitait. Quant à Juve, bien trop énervé pour pouvoir se coucher, il avait, avec une activité fébrile, effectué de nombreuses enquêtes ; désormais, il se trouvait chez lui dans son appartement de la rue Tardieu et causait avec animation avec Fandor. Les deux hommes une fois encore, se retrouvaient seuls dans le bureau du policier, dans la pièce qu’il avait reconstituée identique ou tout comme, à celle qu’il avait occupée jadis dans son vieil appartement de la rue Bonaparte auquel il ne pouvait penser sans un frisson de rage à l’idée que son effroyable ennemi Fantômas, sans cesse acharné contre lui, avait été jusqu’à détruire la seule chose que possédait Juve : son home de vingt années.
— Eh bien ? interrogeait Fandor une fois que Juve lui eut raconté tout ce qui s’était passé, eh bien, en conclusion ?
Le policier était redevenu très calme et avec une extraordinaire lucidité d’esprit, il fit à Fandor l’exposé de la situation :
— Tout d’abord parlons de la mort de Mercédès de Gandia.
— La question s’est posée de savoir si une femme réellement morte a été réellement mise en bière par les croque-morts de l’administration. J’ai élucidé ce premier point, j’ai retrouvé les deux croque-morts qui ont fait la mise en bière, cette opération s’est effectuée régulièrement. On a mis dans un cercueil une femme, non pas une brune comme Mercédès de Gandia, mais une personne ayant des cheveux châtain foncé, ainsi que tout le monde l’a constaté. Lorsque le cercueil a été descendu dans la chapelle ardente, il s’est trouvé que, par un hasard involontaire ou voulu, la bière est restée absolument isolée pendant près de dix minutes. J’en conclus que si la substitution a eu lieu à un moment quelconque, c’est pendant ce délai, et j’ajoute que la substitution a dû certainement avoir lieu.
— C’est également mon avis.
— Quelqu’un, en dehors de la personne ou des personnes qui ont fait cette étrange opération, en a eu connaissance. Et ce quelqu’un très vraisemblablement, a voulu que la chose se sache.
— Possible, fit Fandor, mais qui est-ce ?
— Le fantôme, déclara Juve.
— Allons bon, c’était trop beau, Juve. Jusqu’à présent, contrairement à votre habitude, vous m’aviez dit des choses normales, compréhensibles, mais voici que vous recommencez à parler par énigmes. Je suis sûr que dans un instant vous allez m’imposer un rébus. Il va falloir que je dise quels étaient les sentiments de la vessie en caoutchouc revêtue d’un habit noir trouvée dans le cimetière, et il va falloir en outre que je vous nomme l’individu qui s’était fait l’entrepreneur de ce guignol macabre.
— Ma foi, si tu faisais cela, Fandor, je te paierais un bon dîner, car c’est là, en effet, que réside tout le mystère. J’ai la conviction formelle que les apparitions de ce spectre ont été inventées évidemment par un malfaiteur qui tuait et volait, mais que ces attentats avaient pour raison de dissimuler le véritable but que se proposait ledit auteur du spectre, à savoir : attirer l’attention.
— Attirer l’attention ? pourquoi ?
— Attirer l’attention, déterminer une émotion, puis ensuite une enquête, faire remarquer aux gens que ce spectre n’apparaissait que depuis les obsèques de Mercédès de Gandia, que ce mystérieux fantôme se tenait perpétuellement dans le voisinage de la sépulture de la famille de Gandia. L’apparition avait pour but, en outre, à mon humble avis, d’influencer la mentalité rudimentaire de Barnabé et cela afin de le pousser à faire les aveux qu’il est venu nous apporter ce matin même.
— Mais, pourquoi ?
— Parbleu, tu ne comprends donc rien Fandor ? On voulait à toute force faire découvrir que Mercédès de Gandia n’était pas enterrée et vraisemblablement, faire admettre ensuite, qu’elle n’est même pas morte.
— Qui ça, « on » ? comment s’appelle-t-il, cet « on » ?
— Quelqu’un qui savait que l’on avait mis du sable dans le cercueil de Mercédès, l’infant peut-être ? Non. Impossible. De deux choses l’une : ou c’est lui qui a imaginé ce faux ensevelissement pour hériter de sa nièce et, dès lors, il n’avait pas intérêt à attirer l’attention sur le cercueil vide, ou alors, quelqu’un d’autre serait intervenu à son insu et voulait faire ouvrir ce cercueil. Mais qui ? Au fait, quelle est la personne tout spécialement lésée dans cette affaire ? C’est l’intéressée elle-même, c’est Mercédès de Gandia, officiellement morte désormais, et, par suite, dépouillée de sa fortune. Mais pourquoi aurait-elle employé des moyens si extraordinaires pour faire démontrer qu’elle était encore vivante ? Il y a des gens qui la connaissent. Il lui était facile de faire établir son identité. Qui donc a voulu employer ce procédé bizarre pour attirer l’attention ? En tout cas, celui qui agit de la sorte agit dans l’intérêt de Mercédès. Donc, il marche contre l’infant. À moins que…
— Quand vous aurez envisagé toutes les hypothèses, vous me préviendrez, Juve.
Juve s’arrêta, de sa voix calme, il déclara :
— J’ai terminé, en effet, pour le moment du moins, mais comme tu le dis fort bien, le problème est posé. Il ne reste plus qu’à le résoudre.
***
Tandis que Juve et Fandor envisageaient anxieusement les diverses hypothèses, à cette même heure, ce même soir, dans le coquet appartement du boulevard Malesherbes, occupé par le soi-disant baron Stolberg, deux êtres s’entretenaient tendrement, Fantômas et la Recuerda.
— Je suis effrayée de vos projets, Fantômas, disait l’Espagnole, et je me demande si jamais j’aurai le courage voulu ?
Mais le bandit l’interrompit, et serrant sa main délicate dans ses doigts vigoureux et énergiques :
— La Recuerda, déclara-t-il, avec emphase, vous êtes bien la femme qui convient à mon audace, à ma témérité. J’ai eu des maîtresses nombreuses, j’ai aimé dans mon existence, mais vous, vous êtes la femme qu’il me faut.
Puis, se penchant tendrement vers l’Espagnole, Fantômas effleura son front de ses lèvres. Puis il lui murmura à voix basse :
— Comprenez-vous bien le sens que je donne à mes paroles ? Je dis qu’il faut que vous soyez ma femme.
— Ne le suis-je pas déjà ? murmura la Recuerda en baissant les yeux.
— Vous êtes ma maîtresse, dit-il, nous ne sommes que des amants. Or si je dis que je veux faire de vous ma femme, c’est parce que, bientôt, nous serons unis l’un à l’autre par les liens indissolubles du mariage.
— Vous perdez la tête ?
— Je sais ce que je veux et ce que je veux, je le réalise. Vous serez ma femme légitime, la Recuerda, parce que je vous aime.
« Sa femme légitime ? la femme de Fantômas ? »