Le mariage de Fantomas (Свадьба Фантомаса) - Страница 68

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Juve, qui s’était absenté quelques instants, revint dans le cabinet où se tenait M. Havard.

— Eh bien ? interrogea le chef de la Sûreté, vous venez de la revoir, que dit-elle ?

Juve, en effet, s’était rendu à l’infirmerie du dépôt et avait eu un long entretien avec Delphine Fargeaux. La malheureuse, certes, était toujours aussi folle depuis que, grâce aux soins éclairés du docteur survenu à temps, elle avait été rappelée à la vie. La jeune femme, toutefois, avait eu quelques éclairs de lucidité dont Juve profitait. Et, revenu auprès de M. Havard, le célèbre inspecteur de la Sûreté racontait :

— Il y a un fait certain, c’est que l’infant d’Espagne doit être coupable.

— Hein ? fit M. Havard, à quel propos me dites-vous cela ? Et que vient faire don Eugenio dans les histoires du pont Caulaincourt ?

— Le lien est assez difficile à établir, mais pas impossible cependant. Cette malheureuse Delphine Fargeaux, au cours de ses nombreuses divagations, m’a cependant signalé trois faits précis. Je dirai plus, elle a porté trois accusations catégoriques. Tout d’abord, elle m’a affirmé que l’infant d’Espagne avait assassiné sa nièce Mercédès de Gandia. Elle a déclaré ensuite avoir vu une Espagnole, une certaine la Recuerda, que nous connaissons pour fréquenter assidûment le monde des apaches et n’avoir pas une identité bien nette, assassiner devant elle notre ami Backefelder. Vous savez en effet, monsieur Havard, que ce malheureux Américain, qui s’est si malencontreusement fourvoyé dans l’entourage de Fantômas a été trouvé chez lui, tué mystérieusement d’un coup de poignard au cœur. L’assassin en serait cette Espagnole, aux dires de Delphine Fargeaux. Enfin la malheureuse – c’est là sa troisième accusation, – m’a supplié de protéger le plus tôt possible un certain baron qui habiterait boulevard Malesherbes, le baron Stolberg. Cet homme, dont Delphine Fargeaux se déclare amoureuse, serait un des amants de la Recuerda, et à ce titre en danger de mort. Quant à son ensevelissement et aux événements qui l’ont précédé, la pauvre fille ne semble en avoir gardé aucun souvenir.

M. Havard, abasourdi, écoutait le récit de Juve, qui, bien que net et catégorique, lui paraissait incompréhensible, inadmissible, surtout. Le chef de la Sûreté haussa les épaules.

— Tout cela est extraordinaire, mais je vous ferai remarquer Juve que ces renseignements, vous les tenez d’une insensée, qu’il est difficile en conséquence d’y ajouter foi.

Pour toute réponse, Juve appuya sur un timbre. Un garçon de bureau se présenta :

— La personne que j’ai fait demander est-elle arrivée ? interrogea-t-il.

— Oui, monsieur l’inspecteur.

— Bien, fit Juve, vous l’introduirez dans cinq minutes.

Puis, se tournant vers M. Havard, le célèbre inspecteur acheva sa pensée :

— Je suis assez disposé à croire à la culpabilité de l’infant, déclara-t-il, parce que don Eugenio, avait un puissant intérêt à la mort de sa nièce.

— Lequel ?

— Il en hérite, tout simplement. Et Mercédès de Gandia, par son père, possédait une fortune immense. Don Eugenio, par contre, n’a que des revenus modestes. À la mort de sa nièce, il a recueilli sa succession et est devenu millionnaire.

— Évidemment, fit M. Havard, c’est là un argument, mais il me paraît fort insuffisant. Je me préoccupe surtout pour le moment de découvrir ce fameux cocher John. N’est-ce pas, Juve ?

Le policier allait répondre, mais les cinq minutes étaient écoulées et l’huissier introduisit, dans le bureau des hauts fonctionnaires de la Sûreté, un personnage vêtu d’une longue redingote noire, coiffé d’un haut de forme légèrement défraîchi, et dont la silhouette eût été macabre si le visage de cet homme, bourgeonnant et épanoui, n’avait respiré la gaieté et l’entrain. Le nouveau venu n’était autre que Coquard qui ignorait encore tout des aventures tragiques survenues à sa bien-aimée Delphine :

— Messieurs, déclara-t-il en s’inclinant, j’ai bien l’honneur de vous saluer. Vous m’avez fait demander tout à l’heure, et si j’ai pu arriver aussi vite, c’est que, précisément, j’arrivais à mon administration au moment où votre messager m’a rencontré.

— Monsieur, dit Juve, nous avons besoin de votre témoignage dans une affaire délicate, importante et nous allons vous prier de rassembler vos souvenirs afin de nous répondre avec précision. C’est bien vous qui vous êtes occupé, il y a quelques semaines, des obsèques de la nièce de l’infant d’Espagne, M lle Mercédès de Gandia ?

— J’ai eu cet honneur.

— Bien, j’imagine que dans votre profession vous êtes amené à prendre un contact direct non seulement avec les familles, mais encore avec les défunts eux-mêmes. Je veux savoir si vous avez vu personnellement la nièce de l’infant d’Espagne ?

— J’ai vu la morte, en effet, monsieur.

— Pourriez-vous la décrire ?

— C’était une personne de vingt à vingt-cinq ans environ, assez grande, jolie, m’a-t-il semblé, elle avait un beau teint, autant que j’ai pu m’en rendre compte, les cheveux châtain clair.

— Châtain clair ?

— Oui, monsieur.

Le policier se penchait à l’oreille de M. Havard et lui murmura tout bas :

— Mercédès de Gandia, m’a-t-on dit, était brune, très brune, il y a là quelque chose d’anormal.

— Châtain… brun, cela se ressemble, étant donné surtout que Coquard n’a pas dû se livrer à un examen approfondi.

— En effet, monsieur, répondit le courtier qui avait entendu la fin de cette phrase, nous n’insistons pas d’ordinaire pour ne point paraître indiscrets.

— Le médecin qui a délivré le permis d’inhumer vous est-il connu ?

— Oui, monsieur, répondit le courtier, je suis perpétuellement en relations avec lui, vous comprenez, cela s’impose. Dans ma profession, les docteurs comme les pharmaciens et les concierges sont nos meilleurs indicateurs, bien souvent même…

— Ce médecin est-il honorablement connu ?

— Oui, monsieur.

— De quoi M lle Mercédès de Gandia est-elle morte ?

— Je ne saurais vous dire, monsieur, vous comprenez dans ces cas-là, nous n’interrogeons guère, l’essentiel est pour nous d’enlever l’affaire et d’être chargés des obsèques. Il y a une telle concurrence… Bien que la maison de Villars soit la plus réputée, il nous faut déjouer les intrigues des autres entreprises.

Quelques instants après, Coquard se retirait et Juve avait noté l’adresse du médecin d’Auteuil qui avait délivré le permis d’inhumer.

— Nous le ferons interroger.

— Je vous vois venir, fit le chef de la Sûreté, vous voudriez démontrer que l’infant d’Espagne a assassiné sa nièce.

Juve allait répondre. On frappa à la porte. C’était un gardien du dépôt :

— Monsieur le chef de la Sûreté, déclara l’homme, un des individus arrêtés, cette nuit prétend avoir une déclaration à faire. Il demande à vous voir d’urgence.

— Qui est-ce ?

— Barnabé, le fossoyeur.

— Qu’on l’amène, ordonna M. Havard.

Quelques instants plus tard, Barnabé était introduit.

— Vous avez à parler ?

Le fossoyeur hésitait.

— Voyons, fit Juve doucement, reprenez vos esprits, et racontez-nous ce que vous avez à dire.

Barnabé encouragé, retrouva peu à peu sa lucidité, fit à ses deux interlocuteurs abasourdis le récit de l’aventure étrange où il avait joué son rôle, en compagnie du père Teulard.

Juve, à trois reprises fit répéter son récit à Barnabé. Lorsqu’on eut reconduit le fossoyeur au dépôt, M. Havard, d’un air triomphant, interrogea Juve :

— Eh bien, cela se complique ? Mais du même coup votre théorie est détruite.

— Pourquoi ? fit le policier.

— Voyons, reprit M. Havard, si l’infant d’Espagne avait assassiné sa nièce, on aurait retrouvé son cadavre dans la bière qui devait le contenir, du moment qu’on a simulé des obsèques, c’est qu’il n’y avait personne de mort.

— Je ne dis pas non, fit Juve, tout cela dissimule un mystère, et l’attitude de l’infant d’Espagne me semble de plus en plus suspecte. Comment admettre, en effet, qu’un homme qui se prête à une telle supercherie n’a pas commis quelque acte répréhensible, n’a pas tout au moins quelque mauvais dessein ?

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