Le mariage de Fantomas (Свадьба Фантомаса) - Страница 55

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Puis il recula de quelques pas.

— Bec-de-Gaz, ordonna-t-il, fouille-moi ce bonhomme.

L’un de ceux qui avaient joué le rôle de joueur de ballon s’approcha de Dupont de l’Aube. C’était le sinistre apache Bec-de-Gaz, et il semblait parfaitement satisfait de l’ordre que venait de lui donner Fantômas :

— Ça colle, patron, répondit-il, on va le retourner le mec. Allez. Des fois, prête-moi la main, Œil-de-Bœuf.

D’autres maintinrent Dupont de l’Aube. Œil-de-Bœuf et Bec-de-Gaz n’éprouvèrent aucune difficulté à dépouiller complètement le malheureux Dupont de l’Aube.

— Patron, criait Bec-de-Gaz, c’est pas du travail pour rien. La montre est en or, la chaîne est tout pareil, il y a aussi des jaunets dans le porte-monnaie et au doigt j’aperçois un brillant qui doit sortir de la bonne maison. Allez, gros cochon, donne-nous ça !

Œil-de-Bœuf, par plaisanterie, venait d’envoyer un formidable coup de poing dans la face du malheureux Dupont de l’Aube. Or, au moment même où Œil-de-Bœuf frappait le sénateur, il roulait sur le sol.

— Œil-de-Bœuf, disait la voix brève et nette de Fantômas, je t’ai dit de fouiller cet individu et non de le frapper.

— C’est possible, ripostait Œil-de-Bœuf, en se frottant les côtes avec conviction, mais tout de même patron, c’était pas la peine de me démolir à moitié.

Fantômas, cependant, s’approchait de Dupont de l’Aube, que deux apaches maintenaient toujours. Fantômas avait à la main un long poignard dont il appuyait la pointe sur la gorge de Dupont de l’Aube.

— Cher monsieur, raillait le bandit, je suis au regret que vous manquiez de confiance envers moi. Pourtant, j’ai maintes fois établi qu’il était mauvais et dangereux de vouloir me mentir. Allons, répondez-moi, qu’y a-t-il de précieux dans votre portefeuille ?

Dupont de l’Aube d’abord se tut. Mais la pointe du poignard s’appuyait lentement sur ses chairs. Une angoisse le prit, si forte, qu’il bégaya :

— Il y a dix mille francs.

La pointe du poignard enfonça plus profondément.

— Il y a… Il y a… balbutia Dupont de l’Aube, il y a des papiers qui intéressent la France.

Du sang coula de la gorge du malheureux, cependant qu’entre eux les apaches éclataient de rire :

— Non, vrai, déclarait Mort-Subite en s’accoudant sur l’épaule de la Choléra, l’interrogatoire est rien farce. C’est pas les curieux patentés qui sauraient s’y prendre comme ça.

Dupont de l’Aube, cependant, comprenait que c’en était fait de lui s’il ne répondait pas.

— Il y a, fit-il, Fantômas, il y a le brevet d’extradition de Fandor.

Cette fois, le poignard s’écarta de la gorge du malheureux.

Fantômas fit deux pas en arrière, il reprit sa pose hautaine, il se croisait les bras à nouveau. De dessous la cagoule, ses yeux, qui brillaient comme des charbons ardents, se fixèrent sur Dupont de l’Aube.

— Ah ah, gouaillait le bandit, il paraît qu’à la fin, monsieur le sénateur, vous vous décidez à parler ?

— Laissez-moi sauver Fandor ! hurla Dupont de l’Aube.

Mais Fantômas eut un haussement d’épaules.

— Non, fit-il.

Et après un instant de silence, il reprit, à la fois tragique et terrible :

— Je ne vous laisserai pas sauver Fandor, Dupont de l’Aube, j’ai décidé que Fandor mourrait, et vous devriez savoir que mes arrêts sont sans appel. Fandor mérite la mort, je l’ai condamné, il sera exécuté, et ce n’est certainement point vous, vous Dupont de l’Aube, qui me ferez changer d’avis.

Ayant parlé, Fantômas éclatait de rire, puis faisait un signe :

— Mort-Subite, tu as les papiers pris à cet homme ?

— Voilà, patron.

Le sénateur vit l’un des pâles voyous qui l’avaient empoigné et accosté, donner à Fantômas son portefeuille d’où dépassait, soigneusement plié, le brevet d’extradition qui devait arracher Fandor au supplice du garrot.

Et Fantômas, sans se presser, ayant l’air d’agir avec une parfaite assurance, appelait encore :

— Mort-Subite, passe-moi la lanterne.

L’apache tendit à Fantômas une petite lampe électrique qui lui permettait de voir clair, suffisamment pour lire le document qu’on venait de lui donner. Fantômas avec une tranquillité qui rendait sa lecture encore plus tragique, déchiffrait le brevet d’extradition.

— C’est parfaitement en règle, conclut-il, et il n’est pas douteux, M. Dupont de l’Aube, qu’avec ce document, vous n’ayez pu réussir à tirer d’affaire Jérôme Fandor. Mais, je vous le répète, ceci n’entre pas dans mes vues. Fandor est condamné, par conséquent…

Fantômas s’interrompit, puis reprit :

— Par conséquent, voici :

Et en même temps qu’il parlait, il déchirait en mille petits morceaux le brevet d’extradition, le brevet qui devait permettre de sauver Jérôme Fandor.

Dupont de l’Aube, pourtant, n’osait rien dire. Il avait résisté et supplié Fantômas tant qu’il avait eu encore un peu d’énergie. Mais cette fois, vaincu par la froide assurance dont faisait preuve le Maître du Crime, il ne pouvait plus articuler un mot.

Le brevet d’extradition déchiré, jeté au vent du soir, éparpillé sur le talus des fortifications, Fantômas cria :

— Et voilà, voilà, M. Dupont de l’Aube, comment j’agis lorsque l’on veut s’opposer à mes desseins.

Puis, avec une nuance de raillerie, une imperceptible ironie, Fantômas reprit :

— J’aurais cru qu’un sénateur doublé d’un journaliste me connaissait assez, M. Dupont de l’Aube, pour ne point tenter comme un enfant de contrecarrer mes projets. Mon Dieu, qu’aviez-vous besoin de vous occuper de moi ? Me suis-je jamais occupé de vous ? Et cependant, malgré cela ne suis-je pas votre bienfaiteur ?

Et comme Dupont de l’Aube se taisait toujours, Fantômas continua de railler :

— Il n’y a pas très longtemps encore, expliquait-il, La Capitale, grâce à Jérôme Fandor et grâce à moi, faisait de fructueux tirages, de triomphantes éditions spéciales. Vous avez gagné beaucoup d’argent, M. Dupont de l’Aube, lors de l’affaire Dollon, pour ne citer que cette affaire qui a passionné l’opinion. Vous auriez pu vous rappeler que Fantômas, à cette époque, et si cela lui avait plu, aurait pu terriblement gêner le directeur de La Capitale. Ne l’ayant pas fait, j’imaginais que j’avais en vous sinon un ami, du moins un allié. Et voilà que tout d’un coup, j’apprends que vous vous amusez à voler au secours de Jérôme Fandor. De Jérôme Fandor condamné avec mon assentiment. Allons. Avouez-le, je suis véritablement magnanime en ne vous tuant pas.

— En ne me tuant pas ?

Quoi ? Fantômas n’allait pas le tuer ? Fantômas qui venait de déchirer la grâce de Jérôme Fandor, Fantômas qui le tenait en son pouvoir, lui faisait crédit ?

Le sénateur qui, depuis qu’il était aux mains du bandit, vivait mille morts, fut plus étonné par la clémence du Roi du Crime qu’il ne l’avait été par sa cruauté :

— Vous ne me tuerez pas ?

— Je ne vous tuerai pas, répondit Fantômas, cependant qu’autour de lui, les apaches eux aussi avaient l’air stupéfait et semblaient mécontents de la décision prise. Je ne vous tuerai pas, car je n’ai aucun motif de vous en vouloir. Après tout, je considère qu’en voulant sauver Jérôme Fandor, vous avez agi à la légère et que j’aurais mauvaise grâce à vous en garder rancune. Tout de même, vous comprendrez, monsieur Dupont de l’Aube, qu’il faut que je paye les hommes qui m’ont aidé à m’emparer de vous, en conséquence, vous trouverez bon que je garde les dix mille francs qui se trouvent dans votre portefeuille pour les distribuer à mes soldats.

— Bravo, Fantômas.

Mais, d’un geste, Fantômas avait fait taire les acclamations, il reprit :

— Ceci dit, monsieur Dupont, je vais vous faire bander les yeux, monter en voiture, et vous lâcher dans un endroit suffisamment éloigné de Paris pour que vous ne puissiez pas répondre à la générosité dont je fais preuve en mettant la police à mes trousses. Choléra, bande-lui les yeux.

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