Le mariage de Fantomas (Свадьба Фантомаса) - Страница 44

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— Jérôme Fandor, hurla-t-il, avec une ironie terrible, vous m’avez sauvé la vie et je vous en remercie.

Il avait bondi en arrière. La lumière électrique s’éteignit et Fandor, une chaise reçue en pleine poitrine, s’écroula. Des bruits de pas retentissaient. Fandor se relevait à peine que la lumière soudain se ralluma.

Fandor n’était plus seul dans la pièce avec Fantômas et la Recuerda. Autour de lui, devant lui, se trouvaient maintenant une dizaine de gardes civils. La Recuerda avait disparu. Fantômas, vêtu de ses habits de cour, calme et digne comme un véritable infant, déclarait en pur castillan et d’une voix qui ne tremblait pas :

— Holà gardes, emparez-vous de cet homme, je vous ai appelés au secours, car il était là pour m’assassiner.

Fandor n’était pas encore revenu de sa stupéfaction que les gardes l’emmenaient.

18 – MYSTÈRE AU PONT CAULAINCOURT

— Les tramways sont en panne. Les tramways sont en panne.

Le petit chasseur de la Brasserie Walter, place Clichy, venait de pénétrer dans l’établissement à une allure de boulet de canon. Le gosse, habillé de rouge, semblait affolé. M. Walter, le patron, courut à lui, le saisit par le bras :

— Eh bien, quoi, petit imbécile, grommela-t-il, qu’est-ce qui te prend ? Je vais te fiche à la porte. En voilà des histoires. Qu’est-ce que ça peut bien te faire qu’ils soient en panne, les tramways ?

Mais le gamin jeta un regard terrifié vers son patron :

— Ce sont les tramways d’Enghien, s’écria-t-il.

— Et alors ? fit M. Walter qui ne comprenait pas.

— Il y en a un d’arrêté sur le pont Caulaincourt.

Un bourdonnement s’était élevé dans la salle. Encore le pont Caulaincourt, quelle émotion ! La caissière s’agitait derrière son comptoir, appelait les maîtres d’hôtel, stimulait les garçons :

— Méfiance, leur disait-elle, avec tout ce remue-ménage il y a des gens qui vont s’en aller sans régler.

Descendant des hauteurs de la rue Caulaincourt, une cinquantaine de personnes arrivaient en courant et se mêlaient à la foule qui circulait place Clichy. Que se passait-il donc ?

Le boulevard de Clichy était d’ailleurs encombré par une demi-douzaine de ces véhicules qui assurent le service entre Enghien et la place de la Trinité. Le courant manquait. La lumière s’était éteinte, mais alors que la clientèle, habituée à ces sortes d’arrêts, demeurait à l’ordinaire paisible et patiente, ce jour-là, des gens s’étaient avancés hors de la voiture, comme gagnées par une inquiétude qui semblait leur être transmise par les voyageurs de la voiture précédente qui se trouvait arrêtée sur le pont Caulaincourt.

La panique était née du fait que le courant, cessant brusquement sur la ligne, un des tramways s’était immobilisé net au milieu du pont. Ah, ça n’avait pas été long ! En dépit des objurgations du conducteur, tout le monde était descendu, on avait fui au galop, en direction de la place Clichy.

Et soudain, cris joyeux. L’électricité s’était rallumée.

Le calme était revenu également dans la vaste salle de la Brasserie Walteroù les consommateurs continuaient, les uns à vider leur bock, les autres à souper.

On ne parlait que du Pont Caulaincourt et de ses fantômes. Deux messieurs causaient à l’entrée de la salle de billard. Un monsieur d’un certain âge déjà, à l’apparence cossue, aux allures communes, et un homme jeune, élégant, bien bâti, racé. Cependant que ce dernier observait curieusement son interlocuteur et ne prononçait que de vagues monosyllabes, le vieux monsieur, fort bavard, paraissait tout heureux de trouver quelqu’un à qui causer. Et il plaisantait sur les mystères, il racontait des histoires invraisemblables qui avaient toutes plus ou moins trait aux événements bizarres et dramatiques qui, depuis quelque temps survenaient aux abords du pont Caulaincourt et préoccupaient tout Paris.

Au vieil homme, le monsieur distingué, répondait aimablement.

Celui-ci en veine de confidence, déclarait :

— Je suis M. Person, entrepreneur de maçonnerie, à Saint-Ouen. J’ai là une très grosse affaire qui me rapporte bien et cependant le métier est dur, il faut tout le temps aller et venir, se coucher tard, se lever de bonne heure.

— Ah ! fit son jeune interlocuteur, qui paraissait médiocrement intéressé. Cependant, il répondit, lorsque le vieux monsieur lui demanda, par politesse :

— Et vous, monsieur, vous êtes sans doute aussi dans les affaires ?

— Oui, comme cela. Par moments. Il y a une chose dont je m’occupe beaucoup et qui m’intéresse énormément, c’est l’automobile.

— Cette voiture qui est à l’entrée du café serait-elle à vous ?

— Précisément, monsieur.

— Elle est superbe, c’est au moins une quarante-chevaux.

— Oh non, monsieur, simplement une vingt-cinq et je vous assure que c’est bien suffisant. J’en suis d’ailleurs enchanté, elle a une conduite intérieure ce qui permet de sortir par tous les temps sans être obligé de se déguiser en ours polaire.

L’entrepreneur de maçonnerie murmura, le regard vague :

— J’aimerais joliment une machine comme cela. Voilà qui serait commode pour faire mes courses, pour aller voir mes chantiers.

L’automobiliste proposa gracieusement :

— Si cela vous intéresse, je pourrais vous la faire essayer un jour.

— Vraiment, monsieur, répliqua Person, dont le regard s’illumina, ce serait joliment aimable à vous. Vous en vendez peut-être des automobiles ?

— Non, monsieur, mais au besoin, vous savez, tout propriétaire d’auto est marchand à l’occasion.

L’entrepreneur de maçonnerie se rapprocha de son interlocuteur :

— Écoutez, monsieur, je m’en vais vous faire une proposition. D’abord vous allez me permettre de vous offrir un bock, puis ensuite je vous demanderai si ce n’est pas indiscret de savoir où vous allez ?

— Quand cela, monsieur ?

— Ce soir même.

— Mais, je ne sais pas. Nulle part. Je rentre chez moi tout à l’heure.

— Écoutez, fit M. Person, qui parlait de plus en plus bas, je m’en vais vous dire : je ne suis pas superstitieux, loin de là, mais enfin ces histoires de spectre… Je suis comme tout le monde. Et puis, je n’hésite pas à vous le dire, j’ai précisément de l’argent sur moi, beaucoup d’argent. Peut-être une vingtaine de mille francs. Alors vous comprenez, comme le dernier tramway est parti, il va falloir que je rentre à pied. Que je traverse le pont Caulaincourt, et franchement, je l’avoue sans fausse honte, cela m’inquiète, m’ennuie. Eh bien, ne pourriez-vous pas, pour me faire essayer votre voiture, me conduire de l’autre côté du pont ? Cela ne vous détournerait pas beaucoup avec une auto, c’est l’affaire de deux minutes.

— Si ce n’est que cela, monsieur, la chose est bien facile, et je serai enchanté de vous rendre ce service. Un autre bock ?

— Oui, répliqua M. Person, je veux bien, mais c’est moi qui paie. J’y tiens absolument.

Une demi-heure plus tard, ils quittaient le café. L’automobiliste fit monter l’entrepreneur dans sa voiture, mit celle-ci en route, puis vint s’installer au volant, à côté de son nouvel ami.

Le véhicule démarra doucement :

— C’est une belle machine, déclara l’automobiliste, au moment où, passant devant l’Hippodrome, le véhicule s’engageait sur le pont Caulaincourt. Voyez, sans élan, nous montons en troisième vitesse. La conduite est très simple, on n’a absolument à s’occuper que de la manette des gaz. J’ajoute que l’un des gros avantages de la prise directe…

M. Person l’avait interrompu d’un cri :

— Ah, mon Dieu, que faites-vous ? Qu’est-ce que c’est ? Où allons-nous ?

Brusquement le véhicule obliquait, et les voyageurs subissaient le contrecoup d’un choc déterminé par la roue qui montait sur le trottoir. Person avait une extraordinaire vision : il lui sembla soudain qu’entre lui et le pilote de la voiture, venait de se dresser un troisième personnage, un être au visage blafard, aux yeux ternes, un homme en habit, puis soudain l’entrepreneur de travaux poussait un nouveau cri, un cri de douleur cette fois. Quelque chose l’aveuglait, lui brûlait les yeux.

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