Le Cadavre Geant (Гигантский кадавр) - Страница 90
— Grâce !…commença-t-il encore, épargne-moi, Fantômas !et je te jure que je serai toujours dévoué à tacause !…
Lebandit haussa les épaules.
— Unhomme comme moi, fit-il, n’a que faire d’un poltron deton espèce, qui se sauve lâchement lorsqu’ilrencontre un adversaire ! Tu n’es bon à rien mongarçon, même pas à faire un notaire voleur !
— Fantômas !…Fantômas !… hurla Gauvin, qui se tordait sur le solrocailleux, comme un ver, que va-t-il m’advenir ?Qu’allez-vous faire de moi ?
LeGénie du crime dédaignait de répondre àsa future victime.
Fantômasse tourna vers le Bedeau et dit :
— Uneballe de revolver vaut trop cher pour qu’on en perde une dansla cervelle de cet imbécile !
» Jene daigne même pas y toucher, tant il est indigne. Le Bedeau,fais ce que je t’ai dit ! Qu’il périsse parla corde, comme les plus infâmes et les plus vils malfaiteurs !
Dèslors, Gauvin tombait à la renverse, projeté en arrièrepar le Bedeau, dont la main brutale s’était appesantiesur son épaule.
L’infortunénotaire voulut crier : sa gorge ne put laisser échapperun seul son…
Gauvinsuffoquait brusquement. Avec une habileté de bourreau,merveilleusement exercé, le Bedeau avait passé autourdu cou du malheureux Gauvin un solide nœud coulant fait avecune grosse corde, et dès lors, un pied posé sur sapoitrine et s’arc-boutant, le Bedeau serrait !
Gauvin,tout d’abord, essayait de lutter, de résister àla mort, qui le prenait à la gorge.
Unflot de sang afflua à son cerveau, troubla sa vue, sa languesortit toute rouge hors de sa bouche.
Ileut quelques convulsions, puis il retomba inerte.
Fantômasconsidérait ce spectacle horrible d’un œil calmeet tranquille.
— Est-ilmort ? demanda-t-il au Bedeau.
— Pasencore, patron ! fit l’apache.
— Jel’espère bien, déclara Fantômas enricanant… Ce serait aller trop vite en besogne. Desserre-luisa cravate de chanvre, mon ami, redonne-lui de l’air !
LeBedeau obéissait, lâchait le nœud coulant ;un mouvement machinal de sa poitrine ramena dans les poumons deGauvin une large bouffée d’air pur.
Lesyeux à demi clos du malheureux s’ouvrirent, il putrespirer, il reprenait ses sens, il balbutia :
— Tume pardonnes, Fantômas ? Tu me laisses vivre ?
Lebandit se penchait vers Gauvin.
Sonvisage était transfiguré, tant il avait une expressionhideuse et féroce.
— Telaisser vivre, dit-il, jamais ! Je veux que tu souffres, avantd’avoir la paix éternelle ! Je veux te torturer, temartyriser, jusqu’à ce que ma colère soit passée,que j’aie fait, moi aussi, mon deuil de cette fortune que jeconvoitais, et que j’espérais posséder dèsce soir !
Assurément,le Génie du crime était expert dans l’art detorturer ses victimes, mais jamais, jusqu’alors, il n’avaitdéployé tant de science et de cruauté pourmettre à mort l’un de ces malheureux !
L’agoniede Gauvin durait deux heures, deux longues heures, pendant lesquellesil était quinze fois étranglé, et quinze foisrappelé à la vie !
Enfin,à la quinzième fois, lorsque le Bedeau eut relâchéle nœud coulant de chanvre, Gauvin demeura inerte, immobile surle sol…
— Cettefois, déclara l’apache, je crois qu’il a tournéde l’œil pour de bon !
Etle Bedeau considérait Fantômas légèrementinquiet, à l’idée que peut-être le Maîtreallait estimer que sa malheureuse victime n’avait passuffisamment souffert.
Fantômass’approchait. Il considérait longuement le mort, puisavec un air méprisant il articula :
— L’imbécile !
Tellefut l’oraison funèbre du notaire Gauvin…
LeBedeau cependant interrogeait :
— Queva-t-on faire du cadavre ?
— Ilt’appartient ! déclara le Génie du crime.
LeBedeau dès lors fouillait les poches, avec une rapacité,une voracité de fauve s’acharnant sur sa proie.
Ilen extrayait une montre, quelque menue monnaie, puis, le repoussantdu pied, l’envoyait rouler dans le torrent.
Fantômasdéjà quittait le souterrain, la cuve devenue tragiquede Sassenage.
LeBedeau, suivant son maître, se glissa derrière lui parle petit orifice, qui accédait à la sortie…
Lespremiers rayons du jour se levaient lentement éclaircissantl’horizon, que Juve et Fandor étaient encore en têteà tête, dans le cabinet en désordre du notaireGauvin.
Ilsavaient causé toute la nuit, ils s’étaientexpliqué l’un et l’autre sur les diversesaventures, qui leur étaient respectivement survenues.
Fandorcependant rayonnait :
— Juve,Juve, répétait-il à chaque instant, qu’ilme tarde d’être au lever du jour et de pouvoir embrasserma mère. Juve quand partons-nous pour aller la trouver ?
Lepolicier souriait.
— Patience !petit, patience !… Oh, je comprends combien il est cruelde te retenir, et de retarder le bienheureux instant où tuserreras dans tes bras cette digne femme, mais je t’ai ditcombien elle était délicate, et avec quellesprécautions il fallait s’approcher d’elle. Lamoindre émotion pourrait lui être fatale et il seraithorrible de lui faire du mal avec du bonheur, songez-y bien, Fandor !
Fandorcrispait ses mains sur les barreaux de sa chaise.
— Jene bougerai pas d’ici, déclara-t-il, avant huit heuresdu matin !
— Bien !fit le policier.
Lesdeux amis s’entretenaient encore de la nuit paisible qui venaitde se passer.
Qu’allaitdevenir le notaire Gauvin ?
Commentse faisait-il que Fantômas ne soit pas encore venu àl’étude y chercher la fortune de Mme Rambert ?
Longtempsle policier et le journaliste avaient espéré qu’ilsrecevraient, au cours de cette nuit, la visite du monstre.
Maisau fur et à mesure que naissait l’aurore, ilsabandonnaient cet espoir.
Etdès lors une inquiétude nouvelle naissait dans leuresprit.
SiFantômas ne venait pas immédiatement demander àGauvin de lui livrer les titres constituant la fortune deMme Rambert, c’est que vraisemblablement ils’était produit quelque chose qui avait empêchéle bandit de mettre son intention à exécution.
Àsept heures, Juve et Fandor ne pouvaient plus y tenir.
Ilss’interrogèrent du regard.
— Partons-nous ?dit Fandor qui dominait difficilement son impatience.
— Mafoi, déclara Juve, j’allais te le proposer. Aussi bienarriverons-nous peut-être à Domène, au moment oùon nous y attend le moins et, peut-être, Mme Rambertn’y sera-t-elle pas seule ?
Juven’ajoutait aucune explication, mais, au regard que lui jetaitFandor, il se rendait compte que le journaliste avait devinésa pensée.
Oui,Juve nourrissait le secret espoir de trouver Fantômas chezMme Rambert ; ah ! si cela était, lemonstre passerait un mauvais quart d’heure, les deux hommesétaient décidés à tout faire pours’emparer de lui.
Quelquesinstants après, ayant soigneusement refermé àclé la porte du cabinet de travail de Gauvin dans lequel ilsvenaient de passer la nuit, Juve et Fandor quittaient le domicile dunotaire.
— Personnen’y viendra, faisait remarquer Juve, aujourd’hui, carnous sommes dimanche et les clercs sont libres pour toute la journée.
Lepolicier et le journaliste, désormais, suivaient la grandeavenue bordée d’arbres, au bout de laquelle setrouvaient les faubourgs de Grenoble.
Ilsavaient l’intention, aussitôt arrivés dans laville, de prendre une voiture pour se rendre à Domène.
Maisà peine avaient-ils atteint les premières maisons desfaubourgs, qu’ils s’étonnaient de l’animationétrange qui régnait dans la population.
C’étaientdes conciliabules ardents, vifs, animés, entre les voisins quibavardaient de porte à porte.
Il yavait des gens qui couraient, levant les bras au ciel, d’autresqui rentraient dans leur maison, précipitamment, et qui enressortaient revêtant en hâte un vêtement, coiffantun chapeau, partant tous dans la même direction.
— Oùcourent-ils donc ? se demandaient Juve et Fandor.
Lesdeux amis ne tardaient pas à être renseignés.