Le Cadavre Geant (Гигантский кадавр) - Страница 82

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— Quim’attend, oui, parfaitement, précisa le bizarrepersonnage. Lorsque tu le verras, tu lui diras que c’est JérômeFandor !

Àce nom, Sulpice bondissait.

— JérômeFandor ! cria-t-il, est-ce possible ? JérômeFandor, le journaliste, Jérôme Fandor, l’adversairede Fantômas !

— Enpersonne, oui, sinistre crétin !

— Ah,monsieur !… monsieur !… Permettez que je vousregarde, que je vous admire… balbutiait Sulpice au comble dela stupéfaction. Voilà longtemps déjà queje lis dans les journaux votre nom, que je connais vos aventures etque je désire avoir le plaisir et l’honneur de metrouver en face de vous…

— Ehbien, tu y es, grosse bête !

— Ah !monsieur Fandor… monsieur Fandor… M. Juve estsorti, mais il ne doit pas être loin, je cours à sarecherche !

Et,absolument enthousiasmé, Sulpice bondissait hors de lachambre, dégringolait l’escalier à toute allure ;son interlocuteur demeurait abasourdi au milieu de la pièce.

— Ehbien, par exemple, murmura-t-il, je ne me croyais pas si populaire !

Soudain,il se frappa le front.

— Eh !mais l’animal m’emporte mon argent ! Il ne m’apas rendu mes derniers cinquante francs. Sulpice !…Sulpice !

Levoyageur courait jusqu’à la porte, il se heurtabrusquement à quelqu’un qui entrait.

— Espèced’imbécile ! s’écria-t-il, vous nepourriez pas faire attention ?

Etil ajoutait avec une ironie railleuse :

— Vousne voyez donc pas que vous venez de bousculer un saint homme deprêtre ?

Maisle saint homme de prêtre partait d’un grand éclatde rire, en apercevant le personnage avec lequel il s’étaitsi brutalement rencontré.

— Ahpar exemple ! fit-il, Gauvin, vous, Gauvin !

C’étaiten effet le notaire qui pénétrait dans la pièce,après avoir entendu la conversation qui s’étaitachevée par le départ de Sulpice.

Lenotaire tendit la main à l’homme à la robe noire.

— Fandor,monsieur Fandor ! Ah que je suis donc heureux de vous rencontrerici ! Précisément je cherche M. Juve pour uneaffaire urgente.

Gauvincependant reculait, considérait le journaliste, car c’étaitbien lui, avec une surprise non déguisée.

— Ahça ! proféra-t-il, comment se fait-il que vousportiez ce costume d’église ?

— Ça,déclara Fandor, c’est toute une histoire. Mais vous avezl’air bouleversé, mon ami Gauvin. Que vous est-il doncarrivé, et pourquoi donc cherchez-vous Juve ?

— Pourarrêter un malfaiteur. Je viens d’être volé !

— Decombien ? demanda Fandor.

— Unmillion, deux peut-être…

— Bougre !fit le journaliste, et l’auteur de ce vol, c’est ?…

— Jen’en sais rien, fit Gauvin, mais quelqu’un d’audacieux,à coup sûr !

Fandordésignait un siège au notaire, lui-mêmes’installait dans un fauteuil.

— Racontez-moiça, fit-il. En attendant Juve, nous avons le temps debavarder.

CommentFandor se trouvait-il à Grenoble ?

Etcomment portait-il encore le costume qu’il avait dérobédans le vestiaire de Notre-Dame ?

Lachose était facile à comprendre, pour quiconque auraitété au courant des incidents qui étaientsurvenus au cours de la fuite de Fandor hors de la morgue, fuite quid’ailleurs avait commencé par la poursuite de Fantômas.

Lejournaliste avait estimé, une fois échappé àla foule qui voulait l’écharper sans connaître sonidentité, que le plus important pour lui, c’étaitde partir aussitôt pour Grenoble, et d’y retrouver lepolicier afin d’avoir une explication avec lui et de tirer auclair les nombreux quiproquos qui s’amoncelaient autour de lui.

Fandor,en sautant dans un taxi-auto, avait donné pour adresse aumécanicien la gare de Lyon.

Ilavait eu la chance de trouver, dans la poche du manteau de prêtredont il s’était revêtu, une bourse contenant centcinquante francs, et remettant à plus tard le soin derembourser l’inconnu qu’il lésaitinvolontairement, Fandor avait pris un billet pour Grenoble oùil arrivait le lendemain soir seulement, s’étant endormideux fois dans ses trains et ayant deux fois manqué lacorrespondance nécessaire !

Or,voici qu’il avait fini par parvenir au Modem Hôtel, oùil apprenait que Juve était descendu.

Fandor,toutefois, tenait à se débarrasser des vêtementsqu’il portait indûment.

Etc’est pour cela qu’il avait essayé de corrompreSulpice et de persuader ce garçon d’hôtel d’allerlui acheter, chez le premier marchand venu, des vêtementsmasculins.

C’étaitalors qu’il avait eu ce débat bizarre avec ledomestique, lequel, après avoir été terrifiéà l’idée qu’il était peut-êtreen présence d’un malfaiteur, s’étaitenthousiasmé ensuite, en apprenant qu’il était enface de Jérôme Fandor et son enthousiasme avait étési grand, qu’il s’en était allé chercherJuve par toute la ville, emportant les cinquante francs que Fandorlui avait donnés, c’est-à-dire tout ce que lejournaliste possédait sur lui.

Fandorjugeait inutile de faire le récit de ses aventures au notaireGauvin. Il était bien plus intéressé par lespropos que lui tenait ce dernier.

Gauvinen effet, s’il taisait scrupuleusement à Fandor sonintention de fuir avec l’argent de ses clients, narrait endétail l’aventure extraordinaire et mystérieusedont il venait d’être la victime.

— Jevenais de rentrer dans mon cabinet, monsieur Fandor, et comme je suisun homme d’ordre – il en faut beaucoup dans ma profession– je venais d’ouvrir un des tiroirs de mon bureau danslequel j’avais déposé une grande enveloppecontenant les titres de rente de ma cliente Mme Verdon.Or, non seulement, je m’apercevais alors que cette enveloppeétait déchirée, que son contenu avait disparu,mais encore j’entendais dans mon cabinet des bruits suspects,qui me faisaient comprendre que le voleur n’étaitcertainement pas loin…

— Alors ?interrogea Fandor. Qu’avez-vous fait ? Je suppose que vousavez cherché partout, fouillé vos tentures, fouillévos armoires afin de mettre la main sur le coupable…

Gauvinbaissa les yeux, rougi jusqu’aux oreilles.

— Mafoi non, monsieur Fandor, je n’ai pas osé… Je mesuis enfui…

— Ehbien ! ne put s’empêcher de constater Fandor, vousn’êtes pas la moitié d’un capon vous !Enfin, ça vous regarde… Il y a combien de temps quecette histoire-là s’est passée ?

Gauvinconsulta sa montre :

— Unedemi-heure à peu près, trente-cinq minutes au plus…

— Alors,articula Fandor, je suppose que votre voleur doit être loindésormais !

— Jene le crois pas, rétorqua Gauvin. En m’en allant, j’aifermé la porte à clef.

— Maisil restait la fenêtre ! fit Fandor.

Cetteobservation parut stupéfier Gauvin. Il écarta les brasd’un air de résignation désespérée.

— Ça,c’est vrai, fit-il, je n’y avais pas pensé !

Lejournaliste le regardait du coin de l’œil.

— Drôlede mentalité ! se dit-il. Voilà un gaillard qui,non seulement se sauve lorsqu’il entend du bruit chez lui, maisqui ne pense même pas à surveiller les abords de sondomicile, alors qu’il sait que le voleur dont il vient d’êtrevictime ne doit pas encore en être sorti ! On dirait qu’ilest satisfait d’avoir été volé !…

Fandorne croyait pas raisonner si juste.

Enréalité, Gauvin aurait mieux aimé faire le vollui-même, mais du moment qu’il n’avait pas pu leréussir, il se consolait avec le vieux proverbe : « Àquelque chose, malheur est bon ».

Gauvinse disait en effet que, du moment qu’il était volé,il allait pouvoir tirer parti de cette fâcheuse aventure pours’innocenter aux yeux de ses clients de la mauvaise façon,à la fois maladroite et frauduleuse, dont il défendaitleurs intérêts.

Demême que les incendies sont parfois une bonne solution pour lesgens qui font de mauvaises affaires, de même ce vol venait àpoint nommé pour permettre à Gauvin une liquidation desopérations de son étude, lesquelles étaientaussi compliquées qu’irrégulières.

Fandorcependant reprenait :

— Plusle temps passe, et moins vous avez de chance de rattraper votrevoleur. Puisque Juve n’est pas là, voulez-vous que nousallions jusqu’à votre domicile ?

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