Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 86

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— C’est très extraordinaire, commença le journaliste, et je me demande lequel de nous deux est victime d’une hallucination.

— Oh, fit Juve, c’est là un problème inutile à poser, car il nous est impossible de trouver une solution.

Le policier se leva, se passa la main sur le front, puis à brûle-pourpoint il demanda :

— Fandor, quelle heure est-il ?

Le journaliste regarda sa montre :

— Il est exactement cinq heures vingt du matin.

Cependant Juve avait lui-même consulté son chronomètre :

— Bien, déclara-t-il, ta montre avance de dix minutes sur la mienne.

— Ah ! fit Fandor, et que concluez-vous de cela ?

— Tout simplement, repartit le policier, qu’il est possible, étant donné la différence de nos deux montres, que Fantômas, après avoir été en ma présence, soit allé te retrouver et s’efforcer de t’endormir, ce qu’il a d’ailleurs réussi.

Fandor approuva d’abord son ami, puis admit cette éventualité.

Mais soudain les deux hommes se regardèrent :

— Juve !

— Fandor !

— Juve nous nous foutons dedans !

— Fandor, c’est mon avis !

Il était impossible, en effet, qu’ils se fussent l’un et l’autre successivement trouvés en face de Fantômas, pour la bonne raison que Fandor était certain d’avoir défendu Hélène contre Nalorgne et Pérouzin, avec le concours de Fantômas, alors que Juve était également convaincu que pendant ce temps, à ce moment précis, Fantômas se trouvait dans les couloirs du Lac Palace, et qu’il se présentait quelques secondes après à Sarah Gordon, qui pourrait aisément en témoigner.

Et Fandor concluait :

— Si Sarah Gordon peut témoigner de la présence de Fantômas, Nalorgne et Pérouzin pourront en faire autant. Alors ?

Juve hocha la tête.

— Fantômas, fit-il en hésitant, n’a pourtant pas, quelle que soit son habileté, le don d’ubiquité.

— Alors, conclut Fandor, il faut admettre que cette nuit il y avait deux Fantômas.

— Deux ? s’écria Juve.

Mais il ne haussa point les épaules, et ne déclara point à Fandor qu’il se trompait.

28 – TRAHIS ?

— Acré, v’là les cognes !

— Ah, nom de Dieu, le Bedeau, cavalons !

— Penses-tu, Bec-de-Gaz, c’est du boniment ! Ceux qu’ont les foies, ce soir, s’imaginent que c’est pour eux parce qu’ils sont pleins aux as simplement. Sûrement que c’est une rafle pour les gerces du trottoir. Y a pas besoin de se débiner.

Cependant, Œil-de-Bœuf, qui rentrait à ce moment dans le cabaret du père Korn, avec une figure chavirée, répétait, allant de table en table :

— Faut cavaler illico, c’est pas les mœurs qui sont dans la rue, c’est les vaches de la Préfecture, des gars tout ce qu’il y a de costauds, et ils sont en nombre.

Le Bedeau cependant, demeurait obstinément rivé à sa table et paraissait ne pas vouloir bouger.

— Y a pas lieu d’avoir le trac, grognait-il.

Mais Bec-de-Gaz intervint :

— Et si des fois on est fait, qu’est-ce qu’on leur expliquera, par rapport au pèze qu’on a dans les profondes ?

Le Bedeau parut s’émouvoir de cette question.

— Tout de même, cria-t-il, c’est pas ordinaire ! Juste un jour qu’on a du blé, faut qu’il y ait des salauds qui viennent pour vous le chauffer.

Et il prêta l’oreille. Comme lui, tout le monde se tut dans le cabaret du père Korn.

Le sinistre établissement était bondé ce soir-là d’apaches et de pierreuses qui faisaient une ripaille monstre.

On avait commandé au père Korn tout ce qu’il possédait comme vins de luxe et comme plats chers. L’or sonnait dans toutes les poches. Il était bien évident, une fois n’est pas coutume, que la clientèle du cabaret était, comme le disait pittoresquement Œil-de-Bœuf, « dorée sur tranches » ce soir-là.

Cependant, Adèle était allée regarder par la porte entrebâillée. On percevait nettement une rumeur confuse, des éclats de voix, et le bruit de pas pesants qui montait dans la rue de la Charbonnière.

Le Bedeau, enfin, s était décidé à quitter sa table. Il vint voir, il passa ses robustes épaules par la porte ouverte, puis rentra précipitamment dans l’intérieur du cabaret, et déclara enfin :

— Pas d’erreur, c’est eux !

Il serra les poings, grommela avec rage :

— Qui c’est qui nous a mouchardés ?

Et instinctivement, son regard se fixa sur le père Korn, qu’il soupçonnait fort capable d’avoir renseigné la police sur les sommes d’argent dont disposait depuis une heure environ la bande dont il faisait partie.

Le Bedeau avait une furieuse envie d’étrangler, sur-le-champ, le gros tenancier du cabaret.

Mais il raisonna une seconde, et se convainquait que le père Korn ne pouvait pas être coupable, car il n’avait pas quitté son établissement depuis neuf heures du soir et il était tout près de minuit.

Bec-de-Gaz s’était rapproché du Bedeau et, soudain, les deux hommes, qui se regardaient sombrement, avaient la même pensée.

— Si c’était lui ? suggéra le Bedeau.

Bec-de-Gaz hocha la tête, déclara :

— C’est ce que j’étais précisément en train de me dire, car il y a quelque chose qui me chiffonne, c’est la facilité avec laquelle il a raqué. C’est pas dans ses habitudes de donner si facilement du pèze à ses aminches.

— En effet, reconnut le Bedeau, qui soudain ajoutait :

— Va s’agir de se débiner d’ici.

***

Une scène étrange avait eu lieu quelques heures auparavant, dans les environs de la rue de la Charbonnière.

Quelques hommes, qui devisaient sur le trottoir, et n’étaient autres que le trio composé du Bedeau, de Bec-de-Gaz et d’Œil-de-Bœuf, avaient aperçu, se glissant le long des murs et pénétrant dans une maison voisine, une femme qu’ils reconnaissaient pour être Adèle.

Celle-ci les ayant aperçus, leur fit un signe et les trois hommes s’engagèrent derrière elle dans un vieil immeuble aux couloirs étroits, aux escaliers obscurs.

Adèle, mystérieusement, leur dit :

— Vous m’avez recommandé de le surveiller et de savoir quand il viendrait chez lui. Eh bien, c’est le moment d’aller le taper, car il est là.

Les hommes hochèrent la tête, puis, précédèrent la pierreuse, montèrent au cinquième étage et frappèrent à une porte solidement construite qui devait être fort bien verrouillée.

Ils attendirent quelques instants, puis on entendit un bruit de clefs et de cadenas, de serrures. La porte s’ouvrit et, devant les apaches interdits, se dressa une silhouette bien connue, la silhouette de Fantômas, drapé dans son grand manteau noir, et le visage dissimulé sous la cagoule.

C’était là, en effet, l’un des domiciles du célèbre bandit. Piètre retraite en vérité que cette mansarde, dans laquelle se trouvait uniquement un lit de sangle et une table de toilette. Elle aurait eu nettement l’aspect d’une cellule de moine, n’eussent été certaines armes pendues au mur, et aussi les grandes malles déposées sur le sol et dont la plupart, ouvertes, avaient autour d’elles des objets de toutes sortes.

Fantômas, ce soir-là, éparpillait sur une table des liasses de papiers : titres et billets de banque, qu’il tirait d’une des malles.

Le Bedeau, aussitôt, avait avisé ces trésors et il grommela en manière d’entrée en matière :

— Faut croire que nous avons du flair, on s’est amené au bon moment.

Fantômas ne prononçait pas une parole, mais il avait des gestes qui, tout en stupéfiant ses amis, ne laissaient de leur faire grand plaisir.

Il puisa à pleines mains dans cette malle ouverte et il en retira non seulement des billets, mais encore des lingots d’or, des rouleaux de pièces d’argent, et il les donna aux uns et aux autres, sans compter, sans regarder, avec une générosité stupéfiante.

Le Bedeau, Bec-de-Gaz, ne comptaient pas non plus. Ils se contentaient de remplir leurs poches en proférant des remerciements :

Quant à Œil-de-Bœuf et à Adèle, ils étaient, eux aussi, rémunérés et semblaient fort surpris de recevoir autant d’argent, alors qu’ils n’avaient pas fait grand-chose pour le mériter.

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