Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 85

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— Monsieur, je ne parlerai pas, je ne prononcerai pas une parole.

— En ce cas, fit Juve, j’attendrai !

Il y eut un quart d’heure de silence, pendant lequel la jeune fille, de plus en plus troublée et perplexe, ne cessa de considérer le policier qui s’était installé dans un fauteuil en face d’elle et demeurait impassible, les bras croisés, les yeux fixés au plafond. Enfin Sarah Gordon se décida à rompre le silence :

— Monsieur, demanda-t-elle d’une voix plus douce, il serait au moins poli de votre part de m’expliquer le but de votre visite.

— Vous avez raison, mademoiselle, et si je redoute d’apprendre à votre sujet, des choses qui m’imposeraient la nécessité pénible de vous arrêter, je dois vous dire que je viens vous trouver sans parti pris, sans mauvaise volonté, avec l’unique désir de tirer cette histoire au clair, et de rendre justice à ceux qui y ont droit.

— Monsieur, poursuivit Sarah Gordon, je suis prête à vous répondre, interrogez-moi.

***

L’entretien avait duré longtemps et les deux interlocuteurs avaient dû se dire des choses graves, car, sans une interruption, ils avaient successivement parlé, veillant à ne pas élever trop la voix pour être certains de n’être point entendus.

Le soleil était déjà haut, lorsque par la fenêtre de la chambre de Sarah Gordon, un homme se glissa mystérieusement, enjamba le balcon et, se laissant glisser le long d’un tuyau de gouttière, atteignit le sol. Cet homme se mit ensuite à marcher rapidement en rasant les murs de l’hôtel.

Quiconque aurait vu ce fugitif descendre de ce balcon l’aurait pris à coup sûr pour un amoureux arraché par l’aube aux étreintes de sa maîtresse. Que penser en effet lorsqu’un couple passe une nuit entière dans la même chambre ?

Toutefois, si les apparences permettaient de former toutes les suppositions à ce sujet, la réalité était tout autre.

L’homme qui venait de s’en aller ainsi de la chambre de Sarah Gordon était le policier Juve qui ne tenait point à être aperçu du personnel de l’hôtel.

L’inspecteur de la Sûreté semblait fort satisfait de son entretien avec l’Américaine. Il avait respiré de profondes bouffées d’air frais et allumé une cigarette avec une évidente satisfaction.

— Je crois décidément, pensait-il, que maintenant Sarah Gordon est hors de cause. Il me reste à savoir cependant quelle est la personnalité exacte de ce Dick, et aussi quelles sont les raisons si mystérieuses qui l’empêchent de partir avec celle qu’il aime. Tout cela n’est pas clair et, malgré moi, je suis obligé de faire un rapprochement entre l’assassinat par Fantômas de la pauvre petite Rose et ce Dick qui, justement ce soir-là, n’est pas venu tenir son rôle au théâtre et a ainsi permis à ce tortionnaire d’interpréter si tragiquement le Bourreau.

Le policier avançait toujours d’un pas rapide et il passait devant une maison déserte, lorsque soudain il s’arrêta brusquement :

Ne venait-on pas de prononcer son nom ? Il écouta, il entendit encore :

— Juve.

Le policier regardait autour de lui, machinalement, ne voyait personne, lorsqu’un bruyant éclat de rire fusa au-dessus de sa tête.

— Ah par exemple, Fandor !

Au balcon d’une villa, au premier étage de cette maison, apparaissait en effet le visage de Fandor.

Le jeune homme avait les traits tirés, les joues assez pâles, cependant qu’il souriait, et ses yeux brillaient d’un éclat extraordinaire. Voyant Juve, il rit et il répéta :

— Quelle bonne chance de vous rencontrer, mon cher ami. Donnez-vous donc la peine d’entrer !

Juve indécis demeurait à l’entrée de la grille du jardin.

— Qu’est-ce que cela signifie ? s’écria-t-il. Comment se fait-il que je te retrouve ici ? Chez qui es-tu, Fandor ?

— Chez qui je suis ? répliqua le journaliste, je n’en sais fichtre rien ou alors je m’en doute trop. Mais, Juve, ne restez donc pas là, comme un mendiant sur le seuil de la porte. Entrez, je vous en prie.

Machinalement, le policier fit quelques pas dans le jardinet. Il se heurta à une porte fermée, il cria :

— Mais tout est verrouillé, Fandor.

De son balcon, le journaliste lui jeta :

— Diable, je n’y avais pas songé. Attendez un instant, je vais essayer de vous ouvrir de l’intérieur. Le temps de descendre l’escalier, ce qui ne sera peut-être pas très commode, pourvu que je ne me fiche pas la figure à terre.

Pendant quelques instants, Juve et Fandor, placés de part et d’autre de la porte d’entrée, s’efforcèrent de l’ouvrir. Ils y parvinrent enfin. Lorsque Juve pénétra dans la maison, il reçut pour ainsi dire Fandor dans ses bras. Le jeune homme riait nerveusement, mais il chancela, tituba :

— Qu’as-tu donc ? fit Juve qui s’efforçait vainement de le faire se tenir debout.

— Il y a, fit Fandor, que je suis abruti, étourdi, très étourdi. Je viens de me réveiller, il y a une heure environ, glacé, transi de froid et je ne peux pas encore arriver à reprendre bien nettement mes esprits. Je me demande même comment il se fait que je sois vivant.

— Vivant ? s’écria Juve. As-tu donc couru quelque danger ?

— Je crois.

Juve, cependant, considérait curieusement l’immeuble dans lequel il se trouvait et le rez-de-chaussée de cette maison qu’occupait si bizarrement Fandor. Il y avait là quelques meubles, sans importance, et véritablement insuffisants pour permettre à quelqu’un d’habiter cette demeure.

Cependant, les deux hommes s’étaient installés sur une banquette, et Fandor qui, peu à peu retrouvait son équilibre physique et moral racontait à Juve la façon soudaine dont il s’était endormi.

— Qu’en concluez-vous ? demandait-il enfin.

À sa grande surprise, Juve lui répondit :

— Avant de conclure, je me demande, Fandor, si tu ne rêves pas encore et si tout cela t’est réellement arrivé ?

— Eh bien, vous en avez de bonnes, fit le journaliste, très vexé des doutes que formulait le policier. Voulez-vous, à votre tour, m’expliquer pourquoi vous ne me croyez pas ?

— Oh bien volontiers, fit Juve, et pour douter de toi, j’ai deux raisons…

— Allez-y, fit Fandor, envoyez-moi votre boniment. Je verrai ensuite ce que je dois y répondre.

— J’y vais, comme tu dis, de mon boniment, et j’ai deux arguments à te servir. Primo, je doute que tu aies passé hier soir la soirée en tête-à-tête avec Fantômas et qu’il t’ait endormi comme tu prétends, parce que, dès lors que tu aurais été hors d’état de lui nuire, même de lui résister, il me semble que Fantômas aurait trouvé l’occasion excellente pour te faire passer le goût du pain et t’envoyer dans l’autre monde.

— Pardon, interrompit Fandor, avant que vous ne m’indiquiez le deuxième argument, puis-je répondre au premier ?

— Vas-y.

— Eh bien, fit Fandor, il n’y a pas de preuves que Fantômas ait voulu me tuer. Il n’a, en effet, de la reconnaissance et de la bonté que dans un seul cas : c’est lorsque l’on protège Hélène. Or, je venais précisément de l’arracher aux mains de Nalorgne et Pérouzin.

Juve hocha la tête silencieusement.

— Hein ? vous êtes collé !

— Non, car voici mon second argument, et il suffit. Le premier n’est pas nécessaire. Je doute que tu aies vu hier soir Fantômas, parce que, à la même heure, c’est moi qui ai eu un tête-à-tête avec lui.

— Bah, fit Fandor abasourdi, ceci demande explication.

— Écoute ! poursuivit le policier.

Et dès lors, Juve racontait à Fandor les péripéties de la nuit qu’il avait passée au Lac Palace. Il expliquait à son ami comment, venu pour interroger et surveiller Sarah Gordon, il avait rencontré le bandit qui se dissimulait à l’hôtel, sous les traits d’un valet. Comment enfin, il acquérait la certitude que Fantômas ne quittait pas le voisinage de l’appartement occupé par Sarah Gordon, comment il voyait et entendait Fantômas menacer l’Américaine dans sa chambre à coucher.

Juve et Fandor se regardaient perplexes et sérieux.

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