Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 84
— Peu m’importent tes bijoux, je n’en ai que faire. Ne sais-tu donc pas qui je suis ?
— Non.
— Je suis Fantômas, on me surnomme à juste titre le Génie du Crime, le Maître de l’Effroi, je suis impitoyable pour mes adversaires et je brise tous les obstacles que je rencontre sur ma route.
— Mon Dieu, je suis perdue !
— C’est bien toi Sarah Gordon ?
— Oui.
Le bandit avança d’un pas, se rapprochait, à le toucher, du lit dans lequel était assise l’Américaine, toute tremblante.
— Tu as voulu, grommela-t-il, porter la main sur ma fille et la faire arrêter, car c’est elle qui, tout à l’heure, est venue te parler. Tu l’as chassée comme une misérable, mais tu seras châtiée.
Une sourde colère semblait gronder dans le cœur de Fantômas !
— Que t’a-t-elle dit, tout à l’heure ? Et pourquoi l’as-tu repoussée ?
Sarah Gordon, au paroxysme de l’émotion, se taisait. Fantômas insista durement :
— Réponds, si tu ne veux pas mourir.
— Elle m’a dit, elle m’a demandé, elle m’a ordonné de ne point partir ce soir, ni demain. Elle veut garder Dick à Paris.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas, fit Sarah. Sans doute l’aime-t-elle, elle aussi ?
— C’est faux ! Hélène n’aime pas ce cabotin. C’est toi qui en es éprise. Ah misérable, tu ne sais pas…
Mais brusquement Fantômas s’arrêta de parler, et, au lieu de continuer à se tenir debout, presque penché sur la jeune fille, il s’accroupit derrière son lit, cependant qu’après avoir grommelé quelques imprécations de dépit, il lui ordonnait à voix basse :
— Ne fais pas un mouvement, pas un geste et ne dis plus une parole, sans quoi je te tue.
Puis Fantômas répéta encore :
— Malédiction, malédiction !
Le bandit, désormais, était séparé de la fenêtre de la chambre par le corps de Sarah, qui se tenait assise dans le lit.
La jeune fille, sans comprendre les ordres de Fantômas, lui avait obéi. Elle ne fit pas un mouvement. Il y eut un silence pendant lequel l’inquiétude de l’Américaine s’accrut encore. Que se passait-il donc ? Et comment se faisait-il que ce terrible personnage demeurait agenouillé à côté d’elle à sa gauche, cependant qu’il tenait toujours son revolver braqué sur la jeune fille, prêt à tirer ? Sarah, si elle ne bougeait pas le corps, avait toutefois le loisir de remuer la tête.
Elle venait de regarder à sa gauche, un léger bruit attira son regard dans la direction opposée.
Cette direction était celle de la fenêtre et, lorsqu’elle eut regardé de ce côté, Sarah se sentit encore plus terrifiée qu’elle ne l’avait été jusqu’alors.
Sur le balcon, à l’extérieur, et séparé d’elle simplement par les vitres de la croisée, se trouvait une autre silhouette humaine, qui semblait surveiller la scène se déroulant à l’intérieur de la chambre à coucher.
Mais ce qui frappait Sarah, c’est qu’appuyé contre la vitre, devant cette nouvelle apparition, se trouvait encore un canon de revolver nettement dirigé sur la poitrine de la jeune fille.
Et Sarah, désormais, se rendait compte qu’elle était de la sorte menacée de deux côtés et que, si elle faisait un mouvement, Fantômas, qui la surveillait à gauche, la tuerait infailliblement, à moins que ce ne soit l’individu qui la surveillait à droite et qui, vraisemblablement, devait être l’auxiliaire, le complice du bandit.
Combien de temps resta-t-elle ainsi immobile ? Quelques secondes, quelques minutes peut-être.
Sarah était tellement interloquée, abasourdie, effarée, qu’elle était bien incapable de se rendre compte de quoi que ce fût.
Fantômas, cependant à voix basse, répétait sans cesse :
— Ne fais pas un geste, pas un mouvement, sans cela je te tue.
Et, à chacune de ces paroles, instinctivement, Sarah tournait la tête de son côté. Or, à un moment donné, elle s’aperçut que le bandit avait bougé, il ne s’approchait pas d’elle, mais au contraire, il reculait, à genoux, ne s’écartant pas de la ligne droite, qui était constituée par lui à une extrémité, Sarah au milieu, et le mystérieux personnage armé d’un revolver à l’extérieur de la pièce.
En réalité, si par hasard ils étaient adversaires, l’un et l’autre étaient empêchés de tirer et de se viser mutuellement sous peine de voir les balles de leurs armes traverser le corps de Sarah qui s’interposait entre eux deux.
Lentement, Fantômas, marchant toujours à reculons, avait gagné l’extrémité de la pièce, et, à cet endroit, se trouvait la porte, qui faisait communiquer la chambre avec le salon. Il l’entrebâilla doucement, puis, il murmura d’une voix pleine de rage :
— Je suis obligé, Sarah Gordon, de t’épargner, parce que je ne sais pas encore tout ce que je voulais te faire dire, mais sois tranquille, nous nous retrouverons.
Une seconde s’écoula, la porte se referma derrière Fantômas. Il avait disparu.
Mais au même instant, le bruit d’un carreau brisé détermina chez Sarah une terreur nouvelle. L’homme placé sur le balcon, à l’extérieur de son appartement, venait de casser la vitre, d’ouvrir la fenêtre et de bondir dans la chambre à coucher.
Sarah Gordon l’aperçut, elle poussa un cri de stupéfaction :
— Monsieur Juve ! fit-elle.
C’était en effet le policier qui venait de surgir dans la pièce.
Sans paraître s’apercevoir de la présence de la jeune fille, il bondit à la porte, traversa le salon, se dirigea dans le couloir suivant l’itinéraire qu’une seconde auparavant avait adopté Fantômas, mais il se heurta à la porte de l’antichambre que le bandit, en s’en allant, avait fermée à double tour.
Juve revint, il haussa les épaules :
— Je m’en doutais ! fit-il. Fantômas a pu s’éclipser à temps, mais je l’ai empêché de commettre un odieux assassinat.
Il rentra dans la chambre à coucher, et, avisant Sarah Gordon, déclara d’une voix vibrante :
— Si vous ne l’aviez pas protégé de votre corps, mademoiselle, je l’aurais abattu comme un chien qu’il est.
—Vous savez donc avec qui je me trouvais ? interrogea la jeune fille.
— Oui, fit Juve, vous étiez avec Fantômas. Une seconde de plus, si je n’étais arrivé à temps, et le bandit vous tuait.
Sarah Gordon blêmit ; cependant que ses dents claquaient, elle désigna la fenêtre à Juve, la fenêtre ouverte par laquelle pénétraient des bouffées de brouillard humide et froid.
— Je vous en prie, monsieur, fermez cette fenêtre et passez-moi le châle qui est sur ce canapé. Je suis à moitié nue, j’ai froid !
Juve était un peu déconcerté par le calme qu’affectait la jeune fille. Toutefois, il n’en laissa rien paraître et fort galamment accéda à son désir.
Sarah s’enveloppa dans le vêtement que lui tendait le policier, puis, se renversant à demi sur ses oreillers, elle interrogea :
— Que veniez-vous faire ici ? Était-ce dans le but de me protéger, monsieur, ou alors, votre présence est-elle la conséquence d’une simple coïncidence ?
— Ce n’est pas tout à fait le hasard, mademoiselle, qui m’a conduit jusqu’à votre fenêtre ; je surveillais quelqu’un, mais, je l’avoue, je ne m’attendais pas à rencontrer Fantômas dans votre appartement.
— C’est donc moi, monsieur, fit-elle, que vous étiez en train de surveiller ?
— Peut-être.
— Quelles étaient donc vos intentions, monsieur ?
Le policier précisa :
— Je ne vous les dissimulerai pas : depuis pas mal de temps, mademoiselle, votre attitude me paraît suspecte et fort peu explicable en bien des circonstances. Je suis venu ici pour vous interroger et si vos réponses ne me conviennent pas, je n’hésiterai pas à vous mettre en état d’arrestation.
— Grand merci, monsieur ! Pour me parler ainsi, vous ignorez sans doute à qui vous avez affaire. Je suis Sarah Gordon, citoyenne de la libre Amérique et milliardaire. J’ai l’habitude de faire ce qu’il me plaît et jamais personne ne m’a fait obéir à des ordres.
— Il y a un commencement à tout, miss Sarah Gordon, et dès à présent, je vous donne l’ordre de répondre à mes questions.