Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 82
Et, immobile, l’oreille aux écoutes, il guetta dans l’obscurité sans prêter la moindre attention au départ de Nalorgne et Pérouzin, partis en trottinant pour tenter de rejoindre leur voiture.
Or, Fandor guettait ainsi dans l’ombre depuis quelques instants, il était exactement onze heures cinq à sa montre, ainsi qu’il venait de le constater à la lueur blafarde de la lune, lorsque soudain le journaliste frémit de la tête aux pieds.
— Là, là ! murmura-t-il.
Et il regardait en face de lui dans la direction opposée de la route.
Puis, Fandor, quelques instants après, se courbant au point de marcher presque agenouillé, avança.
— Je ne me trompe pas… ajoutait-il un peu plus tard.
Et soudain il se prit à dire :
— C’est lui, c’est Fantômas !
Devant Fandor, en effet, se glissant précautionneusement dans l’obscurité, cherchant évidemment à s’enfuir, la silhouette d’un homme, la silhouette légendaire de Fantômas, la silhouette d’un homme vêtu de noir, ganté de noir, le visage masqué d’une cagoule noire et qui se mêlait, se confondait avec la nuit à tel point que par moment, il était invisible.
— Fantômas ! disait Fandor, c’est bien Fantômas qui m’a aidé à sauver Hélène. Parbleu. Il avait reconnu sa fille !
En vain Fantômas s’efforça-t-il de se dissimuler, en vain, dans le plus grand silence, se glissait-il dans l’ombre, furtif, leste, rapide, gagnant les quartiers déserts d’Enghien, suivant les grandes avenues. Fandor s’attachait à ses pas.
— Je le tiens, pensa le journaliste, il ne peut pas m’échapper, cette fois. Vêtu comme il l’est, il lui est interdit de revenir dans les quartiers éclairés d’Enghien. Dès que nous allons être loin des maisons habitées, ma foi, je risque le tout pour le tout. Je prends le browning, une, deux, trois sommations, et je fais feu.
Or, tandis que Fandor réfléchissait ainsi, Fantômas, ou du moins l’individu dont la silhouette était celle du bandit, continuait d’avancer.
À l’endroit de la route où le fuyard arrivait, il devait longer la façade de la petite maison où Hélène, l’après-midi même, s’était si mystérieusement entretenue avec l’acteur Dick avant d’aller rendre visite à Sarah Gordon.
Fandor avait deviné ce qui se passait.
Fantômas, brusquement, venait de bondir. Il s’était aperçu à coup sûr qu’il était filé. Fantômas, en effet, ne cherchant plus à se dissimuler, atteignait la porte de la maisonnette. Une clef brillait dans sa main ; il ouvrait, il entrait. Violemment, la porte se rabattit.
Mais, à la seconde précise où le battant allait se fermer, Fandor, impétueusement lancé, donnait de l’épaule, s’interposait.
L’homme masqué trébucha. Quand il se retourna, la porte était refermée, mais contre cette porte, Jérôme Fandor s’appuyait et Jérôme Fandor braquait sur lui son browning.
— Rendez-vous ! criait le journaliste. Rendez-vous, Fantômas§
Le bandit était pris, il haussa les épaules.
— C’est un vilain mot que vous prononcez là, Jérôme Fandor, railla-t-il ; d’ailleurs vous voyez que je n’ai pas d’arme, par conséquent…
Mais Jérôme Fandor n’avait pas envie de plaisanter.
Son cœur à ce moment battit violemment, il éprouva une émotion affolante à se trouver si près du légendaire homme à la cagoule noire.
Ainsi, c’était vrai, c’était possible. Il tenait Fantômas à sa merci. Il pouvait, en faisant feu, l’abattre comme un monstre malfaisant qu’il était.
— Fantômas, décidait Jérôme Fandor, vous allez lever les bras en l’air et les tenir ainsi jusqu’à ce que je vous aie attaché. Au moindre mouvement, je vous tue.
Docilement, Fantômas leva les bras en l’air.
— Bien, dit-il simplement. Je suis en ce moment hors d’état de me défendre, donc je cède. Qu’allez-vous faire de moi ?
— Vous le demandez, Fantômas ? Je vais vous livrer à Juve.
— Charmant !
Fantômas semblait aussi calme que s’il se fût agi pour lui d’une simple contrariété, que si sa tête n’avait pas été en jeu.
— Enfin, constata-t-il bientôt, cependant que Jérôme Fandor tirait de sa poche une paire de menottes dont il allait se servir pour immobiliser Fantômas, enfin, voulez-vous m’accorder une grâce ?
— Laquelle, Fantômas ?
— Tout simplement, me passer une cigarette. Il y a deux heures que je n’ai pas fumé, c’est un supplice abominable.
Fantômas, évidemment, voulait rire, mais il avait affaire à forte partie. S’il lui plaisait d’être ironique, Fandor saurait se mettre à la hauteur des circonstances.
— Comment donc, dit le journaliste, j’ai justement des cigarettes anglaises sur moi. Je vais vous en offrir une, mais votre cagoule vous gêne.
Fantômas se tenait toujours immobile, les bras en l’air. Devant lui, Fandor le menaçait de son browning tenu de la main droite. Le journaliste souriant avait tiré un étui à cigarettes, pris un rouleau de tabac, il hésitait. Fantômas railla encore.
— Je n’ose pas enlever ma cagoule disait le bandit car votre browning est menaçant. Cela ne fait rien, il y a un trou dans mon masque, à la hauteur de la bouche. Donnez-moi cette cigarette.
Fandor frôla le vêtement noir, et, le revolver toujours braqué, mit la cigarette entre les lèvres du Maître de l’Épouvante. D’un geste instinctif, il avait d’ailleurs pris une cigarette lui aussi.
— Vous êtes satisfait Fantômas ? demanda le journaliste.
— Pas encore, il faudrait une allumette.
De sa main gauche Fandor se fouilla.
— Je n’en ai pas.
— Trop heureux de vous en offrir une. Vous en trouverez là dans le coin près de l’escalier.
— Vous êtes bien aimable.
Menaçant toujours le bandit de son browning, car il connaissait les ruses dont il était capable, Fandor recula, et, de sa main gauche prit une allumette qu’il frotta contre le mur.
— Après vous, dit poliment Fantômas.
Fandor s’inclina.
— Comme vous voudrez.
Il approcha l’allumette de sa cigarette, il aspira une bouffée de tabac, mais, au moment même où il éteignait l’allumette d’un souffle, le malheureux Jérôme Fandor tomba à la renverse tout de son long, si violemment que sa tête donna sur le plancher.
— C’est un imbécile, constata tranquillement l’homme à la cagoule noire, se départant enfin de son immobilité, c’est un imbécile, ce petit jeune homme. Il ne sait pas penser à tout.
27 – UN OU DEUX FANTÔMAS ?
Après le départ d’Hélène et l’arrivée des domestiques accourus au signal d’alarme, Sarah Gordon, très émue, atterrée, revenait dans ses appartements. Elle n’avait pas refermé la porte de l’antichambre qui donnait sur le couloir de l’hôtel, gardant celle-ci entrebâillée. Elle écouta, comprimant les battements de son cœur, les bruits qui allaient en s’atténuant.
Sa surprise avait été extrême, car il lui avait semblé, malgré son trouble, que le valet de chambre accouru à ses appels, au lieu de prêter main-forte et de s’emparer de la mystérieuse personne qui cherchait à s’enfuir, avait au contraire tenté de faciliter le départ de celle-ci.
Mais Sarah, lorsqu’elle y réfléchissait, se disait qu’évidemment elle faisait erreur. C’était là une chose invraisemblable, impossible, et les soupçons qu’elle se forgeait n’avaient pas de raison d’être.
Quelques instants encore, l’Américaine dressa l’oreille.
Des cris, des bruits de pas précipités, avaient retenti dans l’hôtel. Elle avait l’impression que son interlocutrice, si brusquement chassée de chez elle, était malgré tout poursuivie, traquée.
Et Sarah se demanda :
— Quelle peut bien être cette femme et pourquoi est-elle venue me voir ?
Elle tressaillit en se souvenant d’elle, et était d’autant plus gênée que la physionomie de la jeune fille qui était venue lui intimer un ordre si formel de ne pas partir en Amérique sans Dick, n’avait rien de désagréable, elle inspirait plutôt la sympathie, et Sarah devait s’avouer que si elle avait dû agir brutalement vis-à-vis d’elle, c’était bien plus parce qu’elle y était contrainte que spontanément.