Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 81
— Vite, mademoiselle, dit-il, prenez l’ascenseur ! Vous n’entendez donc pas le signal d’alarme ? Il y a danger à rester ici.
Hélène n’eut pas le temps de réfléchir.
Elle était bousculée par le maître d’hôtel, poussée dans l’ascenseur qui descendait.
Et c’est comme une vision de rêve qui bouleversait la fille de Fantômas.
Alors qu’elle entrait dans l’appareil, elle s’était retournée, elle avait un instant aperçu le visage du maître d’hôtel assurant sa fuite, et dans ce visage, ce visage aux traits énergiques, ce visage qui semblait sourire d’un sourire retenu, Hélène croyait avoir reconnu les traits de son père.
— Fantômas, Fantômas, murmura la jeune fille. Ah, pourquoi Fantômas est-il au Lac Palace ?
L’ascenseur cependant, descendait toujours.
Debout dans l’appareil, la jeune fille se demandait si elle allait pouvoir sortir sans encombre du grand hôtel.
Et elle avait la surprise encore de voir que, du premier étage, un homme se précipitait, montant à toute allure. Et cet homme, oh parbleu, la fille de Fantômas le reconnaissait à la minute.
Il pouvait bien porter des habits étrangers, il pouvait bien tenir un sac de voyage sous son bras, il pouvait bien feindre d’être un voyageur ahuri par le désordre, son visage était trop familier à Hélène pour qu’elle ne le reconnût point.
— Juve, se dit la fille de Fantômas. C’est Juve ! Il est ici et mon père y est aussi. Ah, j’ai peur, j’ai peur !
***
— Nalorgne ?
— Quoi Pérouzin ?
— Combien de fois nous sommes-nous arrêtés depuis Paris ?
— Dix-huit fois, seulement.
— C’est bien ce que je pensais. La machine commence à être au point.
Quelques minutes avant la scène tragique qui devait éclater dans la chambre de Sarah, une automobile de course, marchant à toute petite allure, mais dégageant une épaisse fumée et produisant un tapage infernal, s’était arrêtée à quelque distance du Lac Palace.
Cette automobile était celle de la Sûreté et les deux hommes qui en descendaient, noirs de cambouis et poussiéreux, ayant l’air de revenir du bout du monde, n’étaient autres que Nalorgne et Pérouzin, tous deux radieux à la pensée qu’ils avaient été avec leur voiture de Paris à Enghien en un peu moins de trois heures et quart.
Que venaient faire Nalorgne et Pérouzin à Enghien ?
Les deux agents auraient été assez en peine de le dire.
Ils avaient tout simplement reçu une note de service qui leur enjoignait l’ordre d’aller stationner dans la journée, aux environs du Lac Palacepour s’y mettre à la disposition du policier Juve qui aurait peut-être une certaine dame à ramener à Paris en qualité de prisonnière.
Nalorgne et Pérouzin étaient naturellement partis très tard de Paris, car ils avaient longuement peiné avant de pouvoir mettre en marche leur voiture. Fidèles à la consigne, cependant, ils arrivaient à Enghien et ils stationnaient là où ils devaient être à onze heures du soir au lieu de trois heures de l’après-midi.
— Nalorgne, disait Pérouzin, je crois que d’ici quelque temps cette voiture ira très vite.
— C’est bien possible, répondait Pérouzin, elle va déjà beaucoup mieux qu’avant, puisqu’elle marche.
L’argument était en effet sans réplique.
Les deux agents, satisfaits, continuèrent à tourner autour de leur voiture, la couvant des yeux fort amoureusement, car plus ils avaient de peine avec elle, plus ils l’aimaient, à la façon des mères de famille qui s’attachent surtout à leurs enfants souffreteux. Or, il y avait quelques secondes à peine que Nalorgne et Pérouzin stationnaient aux abords du Lac Palaceet ils soufflaient encore, car le dernier kilomètre parcouru leur avait coûté de pénibles efforts, ayant été marqué par sept mises en marche successives, lorsque le carillon d’alarme retentit à l’intérieur de l’hôtel.
— Attention, Nalorgne, disait Pérouzin, voilà une sirène. C’est sûrement une voiture de course comme la nôtre qui arrive.
— Laissez donc, répondait Pérouzin, il n’y a pas deux voitures comme la nôtre au monde. Et puis cela, ce n’est pas une sirène, c’est une sonnerie d’alarme.
Que faire dans cette circonstance ?
Nalorgne et Pérouzin hésitaient encore et ne savaient quel parti prendre, lorsqu’une femme apparut, vêtue de noir, qui sortait avec précipitation de l’hôtel et il n’y avait point à s’y tromper : elle était en fuite.
— Parbleu, jura Nalorgne, si mon flair ne me trompe pas, nous arriverons au beau moment.
— Oui, répondait Pérouzin, voilà assurément la dame que Juve doit arrêter et qui se sauve.
— Nous allons l’enlever.
— Si vous le voulez.
— L’enlever dans notre voiture ?
— Parfaitement ! Cela ira plus vite. Mettez en marche, Nalorgne.
Par extraordinaire, le moteur ronfla au premier coup. Or, la fugitive approchait.
Pérouzin bondit sur la jeune fille, qui n’était autre qu’Hélène et lui barra la route.
— Au nom de la loi, je vous arrête, madame.
— Laissez-moi passer ! cria Hélène.
— Aidez-moi Pérouzin.
Pérouzin et Nalorgne se jetèrent en même temps sur la malheureuse fille de Fantômas. Hélène eut beau résister, elle fut prise par les deux agents, entraînée vers l’automobile.
— En route, en route ! criait Pérouzin.
Il lâcha Hélène pour s’emparer du levier du changement de vitesse qu’il allait actionner. Or, à ce moment précis, des deux côtés de la route, deux hommes surgirent qui bondirent vers la voiture.
— Nom de Dieu, tenez bon ! cria une voix vibrante.
Phénomène extraordinaire, c’était la voix de Fandor.
— Tenez bon ! criait en même temps une autre voix, une voix qu’Hélène ne reconnaissait pas.
Et, alors, avec une rapidité inouïe une nouvelle lutte s’engageait.
Pérouzin, pris au collet, se sentit littéralement arraché de son siège. Il roula dans la poussière à dix pas de là, où d’ailleurs Nalorgne vint le rejoindre une seconde plus tard.
Puis, il y eut un grand bruit.
— Fuyez, fuyez ! cria une voix.
Le ronflement de la voiture prit de l’intensité. L’automobile démarra. Hélène avait sauté au volant, c’était elle qui partait. Puis le silence de la nuit se refit, profond, impénétrable sur la route déserte.
À cet instant Nalorgne se releva en gémissant.
— Êtes-vous mort, Pérouzin ? demanda-t-il.
— Non, répondait Pérouzin, et vous ?
Les deux agents étaient considérablement abrutis par l’extraordinaire agression dont ils venaient d’être victimes.
Nalorgne, cependant, retrouvait un peu sa présence d’esprit.
— Et la voiture, demandait-il, où est-elle ? Ah sapristi !
Mais Pérouzin le consola :
— Oh, elle est repartie, mais bien sûr, elle ne va pas aller loin. Nous n’avons qu’à marcher tranquillement, nous la rejoindrons.
Il ne venait pas une seconde, en effet, à l’esprit de l’agent que la malheureuse voiture, même pilotée habilement, pût effectuer plus d’un kilomètre sans s’arrêter une heure durant.
***
Que s’était-il passé cependant ?
Quels étaient les deux mystérieux personnages qui, si opportunément, avaient surgi des bords de la route pour sauter au collet de Nalorgne et Pérouzin et débarrasser Hélène de leur poursuite stupide ?
Fandor était l’un de ces hommes.
Et Fandor, sitôt la voiture partie, s’était rejeté sur le bas-côté de la route où il se tenait maintenant, immobile, caché derrière le tronc d’un arbre.
Le journaliste paraissait extraordinairement préoccupé :
— C’est à n’y rien comprendre, disait-il. Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi Hélène n’est-elle pas venue à mon rendez-vous et pourquoi Nalorgne et Pérouzin voulaient-ils l’arrêter ? Enfin qu’est-il devenu ?
Il, le personnage mystérieux que Fandor ne nommait pas était évidemment l’homme, qui avec lui s’était élancé au secours d’Hélène. Fandor l’avait vu, Fandor l’avait reconnu.
— Mordieu, je tirerai cela au clair ! jura le journaliste.