Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 80

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Sarah parlait avec emportement. Sa visiteuse lui répondit avec une douceur extrême :

— Mademoiselle, je vous en supplie, écoutez-moi avec calme et croyez bien que je ne suis pas votre ennemie. Je ne suis d’ailleurs qu’une commissionnaire, c’est une mission que je remplis auprès de vous et…

— Abrégeons ! Quelle commission ?

— Mademoiselle, insista la jeune fille, je ne vous la ferai que lorsque vous m’aurez répondu : aimez-vous sincèrement l’acteur Dick ?

Cette insistance était si surprenante que Sarah oublia l’incorrection de la demande.

— Peut-être, répondit-elle.

Mais tout le vague de la réponse était démenti par la façon vibrante et presque combative dont Sarah articulait ces paroles.

L’étrange jeune fille eut un faible sourire.

— Alors, mademoiselle, dit-elle en joignant les mains, je vous supplie de ne pas partir ce soir, de ne pas partir en Amérique, d’attendre…

Elle n’avait pas achevé que Sarah, frémissante, se dressait, les yeux menaçants, les gestes saccadés :

— Sortez, mademoiselle ! ordonnait l’Américaine. Sortez si vous ne voulez pas que j’appelle !

— Mais mademoiselle…

Il était impossible de calmer Sarah. Elle avait de ces colères subites, folles, que rien de pouvait apaiser.

— Sortez ! répétait-elle. Oh parbleu ! Je devine qui vous êtes. Sans doute c’est la maîtresse de Dick qui me parle.

Dick, la veille, avait fait germer la jalousie dans le cœur de Sarah et la suite des événements faisait que c’était l’innocente visiteuse qui devait supporter le contrecoup de ce sentiment nouveau, mais déjà vivace, dans le cœur de Sarah.

L’Américaine, en effet, n’hésitait plus.

Qui pouvait être cette jeune fille, venant la voir au nom de Dick et la suppliant de retarder son départ, si ce n’était la maîtresse de Dick, la rivale pour qui Dick voulait rester en France ?

Tout s’expliquait.

C’était pour avoir le temps de rompre une vieille liaison que Dick avait prié Sarah de reculer son départ, et c’était pour essayer de reprendre Dick que la maîtresse de l’acteur venait, elle aussi, supplier Sarah d’attendre quelque temps.

Et, en même temps que la colère, une joie folle s’emparait de l’âme de Sarah.

Si la maîtresse de Dick, en effet, venait demander à Sarah de ne point partir, c’était évidemment que l’acteur avait décidé, lui, d’accompagner Sarah. Naturellement l’Américaine était impitoyable.

— Vous êtes la maîtresse de Dick, répétait-elle, et je trouve, mademoiselle…

Mais la visiteuse l’interrompit d’un geste :

— Vous vous trompez, mademoiselle, affirmait la jeune fille avec un calme parfait, je ne suis point la maîtresse de Dick et même je ne connais Dick que depuis quelques heures.

Elle parlait d’un ton si convaincu, avec une sincérité si évidente que Sarah se prenait à douter.

— Vraiment ? demandait-elle narquoise, vous connaissez à peine Dick et cependant vous vous mêlez de ses affaires de cœur !

Or, la réponse que s’attirait Sarah stupéfiait l’Américaine :

— Mademoiselle, disait la jeune fille simplement, je ne me mêle point, comme vous le dites, des affaires de cœur d’un inconnu, je viens simplement m’efforcer d’empêcher d’irréparables malheurs. Vous le pouvez si vous ne partez pas.

— Enfin, demandait-elle, qui êtes-vous donc, mademoiselle ? Je ne comprends rien, absolument rien, à votre attitude, et je vous avoue que votre personnalité m’intrigue. Dois-je ignorer votre nom ?

— Il vous apprendra peu de chose, mademoiselle.

— Vous tenez à le cacher ?

— Je n’ai rien à cacher, mademoiselle, mais je ne me nommerai point.

Un éclair brillait dans les yeux de la visiteuse qui, jusqu’alors, avait cependant répondu avec une douceur extrême :

— Mademoiselle, il ne faut pas que vous partiez. Je vous supplie de ne point partir, au besoin je vous l’ordonne.

— Vous me donnez des ordres ?

— Oui ! Car je suis obligée de le faire.

— Mais qui êtes-vous ?

Hélène, la douce Hélène, car c’était la fille de Fantômas qui se trouvait en face de Sarah, remplissait auprès de celle-ci une commission dont elle avait été mystérieusement chargée par l’acteur Dick. Hélène ne répondit pas à la question, mais toisa Sarah.

Et comme l’Américaine, légèrement bouleversée par l’attitude de la jeune fille, se taisait, la fille de Fantômas poursuivit :

— Je ne puis rien vous expliquer, mademoiselle, par le fait que j’ignore beaucoup de choses. Toutefois, il y a quelque chose que je sais : votre départ, je vous le répète, causerait d’horribles malheurs. Vous aimez Dick, Dick vous aime, c’est au nom de cet amour qu’encore une fois je vous prie…

Mais Sarah s’était ressaisie :

— Il suffit, mademoiselle ! déclara l’Américaine, glaciale. Vous m’en avez assez dit, trop peut-être. Je veux croire que vous ne vous rendez point compte du grotesque de votre démarche. Je ne veux point discuter. Peu m’importe. Il n’y a qu’une chose que je sais, c’est que je partirai demain, et que je partirai en compagnie de Dick.

Jalouse en cet instant, furieusement jalouse, car elle ne doutait point qu’une intrigue amoureuse fût la cause de l’étrange visite qu’elle recevait, Sarah paraissait fermement décidée.

Or, entendant l’arrêt qu’elle venait de prononcer, Hélène avait changé d’attitude.

Ses yeux flamboyèrent, un flot de sang empourprait ses joues.

— Non, mademoiselle, cria la fille de Fantômas, vous ne partirez pas !

— Et pourquoi donc ?

Dressée devant Hélène, Sarah, frémissante, attendait :

— Parce que je vous en empêcherai.

— Par la force ?

— Oui, s’il le faut !

Hélas, au moment même où Hélène osait ainsi menacer l’Américaine, Sarah, éperdue, affolée de peur, bondissait en arrière et, fiévreusement, toucha la sonnette d’alarme installée, comme dans tous les hôtels modernes, au centre de sa chambre.

— Que faites-vous ? demanda Hélène.

— J’appelle au secours, railla Sarah qui, de plus, sous un coussin de son divan, avait pris un mignon revolver et le braquait sur la fille de Fantômas. J’appelle au secours, mademoiselle, et l’on verra bien…

— Vous êtes folle ! riposta Hélène.

Mais les instants pressaient.

Au carillon de la sonnette d’alarme, une sonnette stridente, prolongée, qui s’entendit du haut en bas de l’hôtel, toute la domesticité s’empressait.

Des cris retentissaient partout.

— C’est le signal d’alarme !

— Courez vite au premier !

— C’est à l’étage du second !

Hélène se rendit compte qu’elle était perdue.

Quel mystérieux atavisme cependant la rendait si froide, si tranquille, alors que le danger l’environnait de toutes parts, alors qu’elle risquait une arrestation, d’autant plus périlleuse qu’elle aurait été bien embarrassée pour expliquer au juste les motifs de sa présence dans la chambre de Sarah ?

C’était bien la fille de Fantômas qui était en face de l’Américaine. Hélène ne se pressait pas, elle dardait sur Sarah un regard méprisant et volontaire.

— Vous ne partirez pas, articula Hélène, et nous nous reverrons, Sarah Gordon.

Puis, ces énigmatiques paroles prononcées, la jeune fille ouvrait la porte de la chambre qu’elle refermait derrière elle, bondissait dans la galerie. Déjà on accourait.

— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Hélène s’éloigna d’un pas calme.

— On appelle ? demandait-elle.

Elle feignait d’être une visiteuse de l’hôtel.

Pourtant comme personne ne la connaissait, comme, en longeant le couloir elle allait arriver sur le palier, vivement éclairé et où immanquablement on allait la dévisager, Hélène se troubla.

Qu’un seul des serviteurs accouru lui demandât qui elle était, que Sarah, remise de son trouble, sortît de sa chambre et la désignât, c’en était fait d’elle.

À ce moment précis, et alors que la sonnette d’alarme continuait à tinter éperdument, un maître d’hôtel, accouru du fond de la galerie, prit Hélène par le bras.

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