Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 77

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D’une voix douce elle lui déclara :

— Écoutez, Dick, un secret me pèse sur le cœur et j’éprouve le besoin de vous le confier. Une autre, peut-être, hésiterait à vous parler comme je vais le faire. Moi, je n’ai pas de ces fausses pudeurs, car nous, filles d’Amérique, n’avons pas été élevées selon les préjugés de l’ancien monde, favorables à la dissimulation. Vous me plaisez, vous me plaisez beaucoup. Et si j’ose interroger mon cœur, je suis certaine qu’il me répondra qu’en vérité, Dick, je vous aime.

— Vous m’aimez, s’écria l’acteur, est-ce possible ?

— Oui. Je suis une femme positive et je vois les choses telles qu’elles sont. Depuis que vous vivez autour de moi, depuis que vous êtes revenu avec moi d’Amérique et que nous nous sommes vus de plus en plus souvent à Paris, j’ai compris, non seulement le sentiment que j’éprouve à votre égard, mais j’ai deviné aussi que je ne vous étais pas indifférente, loin de là.

— Hélas, loin de là, répéta l’artiste, comme vous avez raison, Sarah ! Il y a longtemps que je vous aime éperdument. Mais jamais, au grand jamais, je n’aurais osé vous le dire…

— Pourquoi ?

— Je ne suis qu’un humble comédien. Je n’ai ni talent, ni gloire, ni fortune. En un mot, Sarah, je suis pauvre et vous êtes riche.

— Si ce n’est que cela qui vous retenait, Dick, il fallait parler. Je suis riche, c’est vrai. Tant mieux, puisque je le suis pour deux. Soyez assuré qu’avec moi, vous aurez l’existence la plus heureuse qu’une femme peut faire à l’homme dont elle est éprise. Écoutez, voilà ce que j’ai décidé : les voyages m’ennuient, ce pays de France est peut-être pittoresque, mais il est mesquin, les gens y vivent avec des idées étroites, leurs attitudes sont ridiculement conventionnelles et à l’épanouissement de notre amour, il faut des pays neufs, de vastes horizons. Écoutez, Dick, ce soir, nous prendrons le train tous les deux, demain matin, nous serons au Havre et dans l’après-midi, dans le transatlantique qui, cinq jours après, nous débarquera à New York. Mon père, le milliardaire, sera charmé de vous connaître, lorsque je lui dirai : « Voici l’homme que j’ai choisi pour époux. »

— Grâce, grâce ! supplia Dick, qui se bouchait les oreilles. Ayez pitié, Sarah, vous vous moquez sans doute, ou alors, c’est que je fais un rêve, un rêve insensé, merveilleux, dont je vais m’éveiller brisé de douleur, terrassé par le désespoir, car vous le savez bien, ce serait impossible.

— Impossible ? s’écria Sarah qui ne comprenait pas… Est-ce donc parce que je suis milliardaire et que je peux ainsi braver la fortune, avoir tout ce que je veux, qu’il me serait précisément défendu de choisir pour époux l’homme que mon cœur a librement élu ? Je vous l’ai dit, je veux partir, partir ce soir, tout de suite. Dans six jours, nous serons à New York, dans un mois, nous serons mariés.

L’acteur était devenu très pâle. il se releva, fit quelques pas en chancelant comme un homme ivre, puis vint s’asseoir à côté de la jeune fille.

— Sarah, murmura-t-il, vous ne pouvez pas imaginer l’impression délicieuse qu’ont produite vos paroles sur moi, et il est une chose effroyable, c’est celle que je vais vous avouer : je ne peux pas, je n’ai pas le droit de m’abandonner maintenant à l’amour que j’éprouve pour vous.

— Et plus tard ?

— Plus tard, ce sera le couronnement idéal d’une existence terrible, compliquée, mystérieuse. Plus tard, si vous voulez, Sarah.

— Je n’aime pas être contrariée, et d’ordinaire, les décisions que j’ai prises sont celles de tout mon entourage. Je ne sais pas comment vous faites, vous autres, Français, mais chez nous, il n’est pas d’usage de remettre à une date indéterminée les sentiments de l’amour, comme l’on ferait d’un billet de commerce.

— Sarah, Sarah, gémit l’acteur qui se jeta à ses pieds, ne me jugez pas de cette façon, non, et croyez bien que je suis digne de votre amour. Reconnaissez aussi qu’il est des obligations, des nécessités. C’est pour cela que je suis obligé de vous demander un délai.

Sarah s’était levée, toute frémissante :

— Piètre payeur, déclara-t-elle, que celui qui demande à retarder l’échéance du bonheur. Peut-être avez-vous quelque amour antérieur à chasser de votre cœur, quelque liaison dont il faut vous défaire ?

Dick hocha la tête négativement.

Perfide, Sarah poursuivait :

— Le drame d’hier soir que vous m’avez raconté dénote chez vous, Dick, une sensibilité bien accessible, et peut-être aimiez-vous d’amour cette malheureuse Rose Coutureau ?

Dick ne répondait pas, il semblait atterré. La jeune fille se rapprocha de lui :

— Si cela est, Dick, et s’il n’y a pas autre chose qui vous retienne, comptez sur moi pour vous faire oublier. Car, si je suis malheureuse de l’amour que vous éprouviez pour une autre, mon cœur saigne de la blessure que vous lui faites. Je hais votre attitude et si je vous en veux du mépris dont vous m’accablez, c’est plus fort que moi, Dick, je vous aime, je vous aime, je vous aime !

— Consentez à attendre, j’ai des devoirs à remplir, il est dans mon existence des secrets terribles et d’effroyables obligations auxquelles je ne puis me soustraire. Je vous assure, Sarah, que c’est plus grave que tout et que même devant la menace de la mort, je ne faillirai pas à mon devoir.

— Je ne comprends pas ce que vous voulez dire, Dick. Encore qu’il soit pénible pour moi de m’humilier et de vous répéter ce que j’aurais dû vous taire, j’ouvre mon cœur et je l’étale sans pudeur à vos pieds : je suis folle de vous Dick, je vous aime, venez, partons, sans attendre un instant ! Aussi bien, n’ai-je point l’habitude d’être contrariée et enfin, s’il faut tout vous dire, votre attitude même, vos réticences, le désir que vous éprouvez de remettre à plus tard l’union de nos deux âmes, tout cela m’inquiète et me fait peur. Qu’y a-t-il donc de si terrible dans votre existence ? Pourquoi ne voulez-vous pas de moi tout de suite ? Quel homme êtes-vous donc ?

— Je ne peux pas vous répondre, Sarah. Sur tout ce que j’ai de plus sacré au monde, croyez que cela m’est impossible. Accordez-moi un délai, quelques mois, quelques semaines peut-être, seulement ; ayez confiance ; je vous demande simplement de rester.

— Et moi, hurla Sarah frémissante, je vous demande de partir, et de partir tout de suite !

Les deux êtres se considérèrent tragiquement et leurs regards pleins d’amour semblaient en même temps chargés de menaces, de défi.

Sarah déclara :

— Voici mes dernières paroles : c’est à prendre ou à laisser.

Le silence se prolongea encore quelques instants. La voix nette et cassante de Sarah retentit encore :

— Partons de suite, ou quittons-nous pour toujours.

— Grâce ! supplia Dick.

Mais Sarah comprit que l’acteur ne voulait pas lui obéir. Pour dissimuler son émotion, elle tourna brusquement les talons et disparut dans la pièce voisine :

— Adieu !

Puis, d’un double tour, elle ferma la porte.

Dick, plongé dans la stupeur la plus profonde, demeura au milieu de la pièce, lorsqu’il se retourna brusquement, ayant entendu marcher.

— Qu’est-ce que c’est ? interrogea-t-il.

Un domestique était là. Le nouveau maître d’hôtel engagé le matin même pour le service particulier de Sarah.

— J’avais cru que monsieur avait sonné, j’avais compris que monsieur avait fini de s’entretenir avec mademoiselle et je lui apportais son pardessus.

Machinalement l’acteur prit son vêtement :

— Ce drôle, pensa-t-il, nous a entendus.

Mais il dédaignait de questionner ce serviteur et s’en alla sans même lui jeter un coup d’œil.

Dick était bien trop ému, en effet, pour prêter la moindre attention au personnel du Lac-Palaceet, sans doute, c’était un tort, car s’il avait regardé avec attention le serviteur qui venait de lui tendre son pardessus, peut-être aurait-il remarqué que le regard de cet homme avait quelque chose de farouche, d’étrange et de mystérieux, quelque chose aussi qui rappelait extraordinairement le regard du tragique comédien qui la veille au soir, avait audacieusement assassiné l’infortunée Rose Coutureau.

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