Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 71

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Dick ne pouvait hésiter qu’entre ces deux suppositions. Non seulement il ne devait rien à la maison Job, mais encore il ne connaissait pas la maison Job. Non seulement il n’avait aucune idée d’être exposé à une saisie, mais encore il n’avait jamais eu l’intention de partir en Égypte.

— Qu’est-ce que vous me chantez là ? rugit Dick, en prenant l’huissier par le bras et en le secouant. Allez cuver votre vin ailleurs, bon Dieu. Job ! L’Égypte ! qu’est-ce que ça veut dire ? qu’est-ce que vous venez saisir chez moi ? Je ne dois d’argent à personne !

— Pourtant, monsieur…

— Il n’y a pas de pourtant. Fichez-moi le camp !

D’un coup de pied Dick venait d’envoyer la serviette de l’huissier, qu’il bousculait, vers la porte de l’escalier.

— Attendez, hurlait le jeune homme, j’ai votre pardessus à vous rendre. Oh, vous pouvez commencer à descendre l’escalier, je vous le flanquerai sur la tête, allez, allez, barrez-vous, je vous ai assez vu.

— C’est indigne, vous aurez de mes nouvelles. Je vais aller requérir le commissaire de police. Ah, monsieur Chatriot…

— M. Chatriot ? interrogea Dick, qu’est-ce que c’est que cela ?

— Mais c’est vous.

— C’est moi ?

— Dame, sans doute.

Cette fois, Dick crut comprendre, sa fureur se calma :

— Voyons, reprenait-il, un peu plus de calme, comment dites-vous que je m’appelle ?

— Vous vous nommez, je suppose, Dick Chatriot… M. Dick Chatriot et je suis ici au 218 de la rue des Batignolles.

— Voilà l’explication. Vous n’êtes pas au 218 de la rue des Batignolles, vous êtes au 218 bis. et je ne me nomme pas Dick Chatriot, mais Dick seulement. Dick tout court. Dick, comme un chien.

Et laissant là l’huissier, au milieu de ses paperasses qui voltigeaient sur le palier, l’acteur traversa son antichambre en criant :

— Arrangez-vous, d’ailleurs, avec ma concierge. Moi je suis pressé ! Ah bon sang de bon sang, si j’ai la poisse ce soir tout de même. J’aurai donc tout contre moi.

Dick s’empara, sur une chaise, d’un grand sac tout préparé.

— L’entracte sera fini, ronchonnait-il, et même j’aurai de la veine si je n’arrive pas après la romance. Tant pis, je vais me déshabiller dans mon fiacre et passer mon costume. Ah bon sang de bon sang, cet huissier !

Il claqua la porte de son logement, enjamba M e Hussin qui, à genoux, cherchait en tâtonnant sur le palier ses ordonnances voltigeantes, puis il dégringola ses quatre étages. Rue des Batignolles, après tant de déveine, Dick eut la chance d’apercevoir un taxi-auto :

— Eh là-bas, au Théâtre Ornano, et ventre à terre.

— J’ai pas de cheval, bourgeois.

— Marchez donc.

Il s’enfourna dans le fiacre, il claqua les portières, leva les vitres, abaissa les rideaux bleus.

— Quel malheur, quel malheur, hurlait Dick. Si je peux enfiler mon costume, il n’y aura peut-être encore rien de perdu, mais sapristi…

À ce moment, Dick se débarrassait de son pantalon, enlevait ses chaussettes, son caleçon, et à peu près nu, s’apprêtait à enfiler les vêtements qui devaient lui servir au théâtre à tenir son rôle.

Le malheureux jeune homme devait connaître toutes les adversités.

Sa voiture, à ce moment, effectuait un virage rapide. Dick ne se rendit compte de rien. Un choc épouvantable retentit. Dick crut que son fiacre allait voler en éclats.

En tout cas, cependant qu’il s’aplatissait contre les portières, la voiture versait, tournait sur elle-même et il y eut des cris. Étourdi par le choc, Dick alors demeura dans le taxi-auto renversé, quelques instants immobile, ne sachant plus trop ce qui lui était arrivé. Puis, au-dessus de sa tête, la portière s’ouvrit :

— S’il y avait quelqu’un dedans, disait une voix, bien sûr qu’il doit être tué.

Dick aperçut dans le demi-jour d’un réverbère voisin, le képi galonné d’un sergent de ville :

— Je ne suis pas tué, murmura-t-il, mais tout de même.

Au même moment, l’agent qui avait ouvert la portière, ordonna d’une voix formidable :

— Que les dames s’en aillent, que les dames s’en aillent !

Dick cependant se redressait. Il essayait de se dégager de la voiture, il allait se hisser par la portière, sur la voie publique.

— Ne bougez pas ordonna la même voix impérative. Ah, ah, mon gaillard ! Qu’est-ce que vous faisiez tout nu dans ce fiacre ? Expliquez voir un peu.

Dick s’attendait si peu à la question qu’il resta quelques secondes sans répondre puis, voyant toujours la figure sévère du sergent de ville penchée au-dessus du fiacre culbuté, voyant même surgir un second képi d’agent, il comprit qu’il importait de fournir des éclaircissements à sa tenue, en effet, bizarre.

— Je suis acteur, commençait-il, je me préparais à entrer en scène.

— Dans une voiture ?

— Je me rendais à mon théâtre.

— Tout nu ?

— Mais non, sapristi, vous voyez bien que j’ai un autre costume ! Laissez-moi sortir d’abord. Si vous croyez que je suis bien là-dedans.

Mais au moment où, pour la seconde fois, Dick tentait de s’extraire de son sapin, la poigne d’un agent se posa sur son épaule, et le repoussa de force à l’intérieur de la voiture.

— C’est bon, c’est bon, déclarait le représentant de l’autorité, on les connaît les gaillards de votre espèce, qui se déshabillent dans les voitures de place. Ah, votre affaire est claire, mon bonhomme !

— Mon affaire est claire ? interrogea Dick, mais puisque je vous dis…

— Habillez-vous et au poste !

— Au poste ? vous n’y pensez pas ?

L’agent dédaigna de répondre. Il se tourna vers son collègue :

— Réquisitionne un fiacre, commanda-t-il, c’est un dégoûtant. Si nous le sortons comme ça, il va faire du scandale.

En entendant cet ordre net et précis, Dick ne put s’empêcher naturellement d’éclater de rire :

— Mais non, agent, protestait-il, je ne suis pas un dégoûtant, laissez-moi m’habiller et allons au poste, seulement par pitié, arrêtez un taxi-auto, je suis à la minute.

Si Dick avait réfléchi cependant, il se serait peut-être rendu compte qu’après les multiples incidents qui avaient marqué sa soirée, il n’était plus en réalité à la minute, car l’heure à laquelle il devait arriver au théâtre était passée depuis longtemps.

Mais il ne réfléchissait plus. Il était dans un tel état d’énervement qu’il continuait, sans songer que c’était bien inutile, à vouloir rejoindre son théâtre, le plus rapidement possible.

— Je m’habille, annonça Dick.

Et, toujours pour gagner du temps, il commença à revêtir non pas ses habits ordinaires, mais ses habits de scène. Quelques instants plus tard, Dick avait en effet revêtu ses habits, mais alors, les agents reculèrent de stupéfaction, ils avaient devant eux un homme vêtu d’une culotte collante, de bas de soie, les épaules recouvertes d’une sorte de chemise rouge, bâillant sur la poitrine, la tête coiffée d’un bonnet phrygien, orné d’une cocarde gigantesque.

Du fiacre renversé, à l’ébahissement de la populace, c’est un contemporain de la Révolution Française qui sortait.

— Qu’est-ce que cette mascarade ? commença l’un des agents.

Dick, cependant, ayant ramassé ses autres vêtements et les ayant enfournés dans son sac, sortait du taxi-auto et se rendait compte que l’accident venait d’avoir lieu place Clichy.

— Au poste, au poste ! cria le jeune homme. Ne perdons pas de temps, je suis un acteur.

L’agent, à ce moment, revenait de ses premières suppositions :

— Ma foi, disait-il à son collègue, ça n’est peut-être pas un dégoûtant, c’est un échappé de Charenton.

Dick, cependant, avait, d’un geste impérieux, arrêté un taxi-auto :

— Il faut aller au poste, disait-il.

— Parbleu !

— Eh bien, allons-y, et vite !

Au poste de police, par bonheur, Dick tomba sur un secrétaire réellement intelligent et vif.

En deux mots, le jeune homme raconta son aventure, expliqua comment il se faisait qu’au moment où sa première voiture avait été culbutée, il était à moitié nu à l’intérieur de son fiacre :

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