Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 70
Dick, d’ailleurs, referma sa fenêtre avec rage.
— Coquin de sort, jurait-il, bougre de nom d’un chien ! Ah, saloperie ! Et dire que mon rôle n’est pas doublé. Qu’est-ce que je vais ramasser comme amende.
Il se précipita.
— Avec un sapin encore, un taxi-auto, je pourrai peut-être arriver. Et la clientèle, là-bas, qui n’est pas commode… Toutes les oranges du quartier vont assurément s’aplatir contre le rideau.
En jurant, en grognant, quatre à quatre, Dick s’habilla. Il s’agissait bien vraiment de mettre un faux-col ou des manchettes propres. Jetant ses affaires à la volée, sacrant, pestant, l’acteur changeait de costume un peu au hasard, enfilait ses bottines. En trois minutes il était à peu près prêt.
— Mon fard, sapristi, où est mon fard ?
La veille, Dick manquait de blanc gras au théâtre, il en avait acheté, il avait posé la boîte sur la tablette de sa table de toilette.
En courant, Dick se précipita pour prendre le bienheureux fard.
Mais il était dit que l’acteur, ce soir-là, jouait de malheur.
À peine entrait-il en effet dans son cabinet de toilette qu’une véritable catastrophe se produisit :
Dick n’avait pas fait deux pas qu’il recevait en pleine poitrine, un formidable jet d’eau, un jet comparable à celui qu’eût fait un tuyau sous pression éclatant à l’improviste.
D’abord, il recula, puis il jura encore :
— Nom de Dieu de nom de Dieu ! Qu’est-ce que c’est ?
C’était tout simplement le tuyau d’arrivée d’eau de son lavabo qui venait de crever et la pièce en conséquence, se noyait rapidement.
— Mais bon sang, jura Dick, qui, trempé des pieds à la tête, considérait ce malheur nouveau avec des yeux affolés, mais bon sang, je n’en sortirai donc pas, ce soir !
L’eau giclait toujours avec force, dévastant tout, rebondissant hors du lavabo, dégoulinant sur le plancher, éclaboussant la garde-robe de l’acteur, accrochée le long du mur.
— Il faut coûte que coûte que j’arrête ça !
Dick n’hésita pas. S’armant de courage, en dépit du jet qui lui cinglait le visage, il entrait dans le cabinet de toilette et, se saisissant de serviettes, il s’efforçait d’aveugler la déchirure du tuyau de plomb.
Mais c’était là une manœuvre parfaitement inefficace.
Si Dick arrivait à briser le jet, il n’empêchait pas l’eau de couler, et déjà il y en avait plus de deux centimètres d’épaisseur sur le parquet.
Trempé des pieds à la tête, éternuant à toutes les minutes, car il commençait à prendre froid sous cette douche improvisée, Dick demeura, maintenant ses serviettes, à l’endroit où s’était produite la fuite. Toutefois, il était trop évident qu’il ne pouvait s’immobiliser dans cette posture, il fallait aviser.
Dick se retira, laissant l’eau couler à loisir et courut encore à la petite courette.
— Concierge, eh là, concierge !
— Quoi qu’il y a, monsieur Dick ?
— Fermez le compteur. Il y a une fuite.
— Une fuite, où ça, monsieur Dick ?
— Chez moi parbleu !
— Bon, je vas fermer.
La concierge disparut de la petite lucarne où sa tête s’était encadrée quelques secondes. Dick revint dans le cabinet de toilette, l’eau coulait toujours.
— Sitôt le compteur fermé, ça va s’arrêter pensait Dick.
Et, en même temps, il désespérait :
— Ah ! cette fois-ci, ça y est !… ils peuvent se fouiller, s’ils comptent sur moi pour le commencement de la grande pièce. Mais au fait, heureusement je n’y ai que quelques répliques, ils les couperont.
Dick, en ce moment, hâtivement, arracha ses vêtements trempés d’eau, passa une chemise de nuit, enfila un vieux veston.
— Je sauterai dans un taxi, l’essentiel c’est que j’arrive, n’importe comment.
Puis, il s’emporta encore :
— Mais qu’est-ce qu’elle fiche cette sacrée concierge ? Ça coule toujours !
L’eau coulait toujours, en effet.
Or, au même moment, par la fenêtre, la voix de la concierge montait :
— C’est fermé, monsieur Dick, j’ai fermé le compteur.
Dick en demeura immobile de stupéfaction. Le compteur était fermé et pourtant l’eau coulait toujours, coulait avec une force aussi grande qu’auparavant.
Soudain, l’acteur eut une inspiration, il bondit à nouveau vers la courette :
— Quel compteur avez-vous fermé, sapristi ?
— Comment, quel compteur, monsieur Dick ? Le compteur à gaz, parbleu.
— Eh vieille imbécile, c’est le compteur d’eau. Vous n’entendez donc pas qu’il y a des cascades chez moi ?
La concierge disparut encore une fois, et quelques minutes après, Dick eut la satisfaction de voir s’arrêter l’inondation.
— Est-ce fini ? cria la concierge par la courette.
— Oui, hurla Dick. Fichez-moi la paix !
Il était prêt à partir pour la seconde fois. Coiffé d’un chapeau mou, couvert d’un grand pardessus qui masquait le désordre de sa tenue, il allait se jeter dans l’escalier et dégringoler en toute hâte vers la rue, lorsqu’un coup de sonnette retentit à sa porte.
— Crac, ça y est, pensa Dick, c’est la pipelette. Eh bien, elle s’occupera d’éponger ici.
Le jeune homme se précipita vers la porte, l’ouvrit rageusement.
— Entrez et nettoyez, j’écrirai demain au proprio. Ah c’est du bel ouvrage !
L’escalier était noir, obscur, car le gaz venait d’être éteint, pourtant Dick eut l’impression qu’il se trouvait en face, non pas de sa concierge, mais d’un visiteur étranger ; il s’interrompit net et demanda :
— Qui est là ? C’est vous la concierge ?
— Monsieur, répondit une voix calme, permettez-moi de me présenter, je suis M e Hussin, huissier.
— Hussin ? Huissier ? allons, bon. Qui demandez-vous, monsieur ?
— N’est-ce pas à M. Dick que j’ai l’avantage de parler ?
Ahuri, Dick recula de quelques pas :
— Oui, déclarait-il, c’est bien moi. Mais que me voulez-vous ? Attendez, je fais de la lumière.
Il courut à sa chambre où il alluma une bougie, et revint dans le corridor. Son visiteur était entré, il avait même dépouillé son pardessus qui reposait, soigneusement plié, sur une chaise. Il fouillait tranquillement dans un vaste portefeuille dont il tirait un gros tas de papiers bleus.
— Eh bien, commença Dick, surpris du sans-gêne de son visiteur, qu’est-ce qu’il y a pour votre service ? Parlez vite, je suis à la seconde.
— Oh je n’en ai pas pour longtemps, répondit l’étranger. En une heure, les formalités peuvent être remplies.
— En une heure ? Mais quelles formalités ? Ah ça, vous êtes fou, mon bonhomme ?
Au titre de « mon bonhomme », à cette appellation familière, le visiteur fronçait les sourcils :
— Monsieur, déclarait-il à Dick avec une certaine dignité, je vous rappelle au respect de la courtoisie ; une insulte adressée à ma personne, c’est une insulte à un magistrat en l’exercice de ses fonctions. C’est grave.
— Vous êtes fou, tonna Dick, ou vous êtes soûl peut-être ? Une, deux, trois. Qu’est-ce que vous voulez ? Répondez-moi ou je vous flanque à la porte.
Dick paraissait très décidé à mettre ses menaces à exécution.
M e Hussin lut une résolution farouche sur le visage du jeune homme et, prudemment, recula :
— Prenez garde, cria-t-il d’une petite voix grêle, prenez garde !
— À quoi, bon Dieu ? Ah çà, monsieur, qu’est-ce que vous fichez chez moi ?
L’huissier avait enfin trouvé dans l’amas de ses papiers bleus celui qu’il cherchait :
— À la requête de la maison Job, tailleur, déclarait-il pompeusement, et en vertu d’une ordonnance de M. le Président du Tribunal, dont je vous laisserai copie, je suis chez vous, monsieur, pour effectuer une saisie.
— Une saisie ?
— Oui, monsieur, une saisie foraine. Comme vous allez partir en Égypte, j’ai obtenu l’autorisation de saisir même après coucher du soleil. En conséquence…
À ce moment, Dick balança réellement entre les deux hypothèses qu’il avait formulées quelques instants avant : l’homme qui lui parlait était-il fou ou simplement ivre ?