Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 69

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À l’aide de son canif, le journaliste fit l’extraction du projectile, déformé, aplati, qui était venu s’enfoncer dans la muraille. Mais il eut beau l’examiner de près, il eut beau lui faire subir un examen minutieux, il ne pouvait retrouver sur lui aucune trace de sang, aucune trace de chair. Alors d’où provenaient les cheveux ? Comment avaient-ils été arrachés ?

La surprise du journaliste devait croître quelques instants plus tard. Comme, la balle extraite du mur, il regardait encore le petit trou qu’elle avait fait dans la boiserie, Jérôme Fandor aperçut à l’intérieur de ce petit trou un fragment de bois, de bois d’ébène qui avait été évidemment entraîné là par le projectile, puisque la cloison était de sapin.

— C’est plus fort que de jouer aux bouchons avec des pains à cacheter par un jour de grand vent [35], murmura Fandor qui avait retrouvé sa bonne humeur. Je tire sur un bonhomme, je lui traverse la tête, je lui arrache des cheveux, et ma balle qui, logiquement, devrait être ensanglantée, ramène un morceau de bois d’ébène : que diable, il n’avait pourtant pas la gueule de bois, Fantômas.

Fandor plaisantait, mais voilà que sa plaisanterie lui suggérait une idée :

— Ah mais, murmurait-il tout d’un coup, est-ce que par hasard j’aurais été victime d’un truc infernal ?

Jérôme Fandor se rappela la façon dont Fantômas lui était apparu dans l’encadrement de la porte.

Assurément, le bandit s’était placé volontairement ainsi. Fandor, en y réfléchissant, s’en convainquit de plus en plus, de telle sorte que, logiquement, c’était à la tête que le journaliste devait viser. Le reste du corps, en effet, disparaissait dans l’ombre.

— Fantômas a voulu que je fasse feu en plein visage, se disait le journaliste. Or, mon coup de feu en plein visage n’a eu aucun résultat. De plus, il m’a paru bien grand, Fantômas. Ma foi, je ne suis qu’un idiot de n’y avoir pas pensé plus vite. Je parierais ma main droite, que Fantômas, aujourd’hui, avait deux têtes. Sa tête véritable d’abord, cachée sous son manteau noir, puis une tête fausse, une tête en bois cachée par la cagoule. Ah parbleu, je pouvais bien lui lâcher les huit balles de mon browning dans la figure, il s’en moquait pas mal.

La découverte du truc qui avait permis à Fantômas d’échapper une fois de plus aux coups du journaliste, enfiévra Fandor d’une ardeur nouvelle :

— Ah mais, cria le journaliste, ça ne se passera pas comme ça ! Je pardonne à Fantômas le coup qu’il m’a donné, je ne lui pardonne pas de s’être payé ma tête. Il faut que j’avertisse Juve au plus vite. D’ailleurs, que venait-il faire ici ? Y reviendra-t-il ?

Brusquement, Jérôme Fandor se retourna vers Rose Coutureau qui, de plus en plus terrorisée, semblait-il, n’osait faire un mouvement et suivait des yeux les moindres gestes du journaliste.

— Mademoiselle, déclara Fandor, je m’en vais. Si vous n’avez rien à cacher, j’imagine qu’ainsi que vous me le disiez tout à l’heure, vous ne changerez rien à votre vie, et que par conséquent, si besoin en est, je vous retrouverai au théâtre. Si au contraire vous êtes coupable, ce que d’ailleurs je ne crois pas, tenez pour certain que ni Juve ni moi ne vous laisserons de répit. En tout cas, adieu, et méfiez-vous de Fantômas !

Fandor avait un peu la fièvre, était moins lucide que d’ordinaire. Peut-être commettait-il une grave imprudence en laissant en liberté Rose Coutureau. En tout cas, il avait grande hâte de revoir Juve. Il claqua la porte du logement, il dégringola l’escalier. Un fiacre passait, le journaliste y monta :

— À la Préfecture, ordonna Jérôme Fandor.

23 – EN RETARD

— Les cigarettes sont vraiment d’excellentes choses qui ne sont surpassées au monde que par les cigares, lesquels cèdent eux-mêmes le pas devant la pipe, nectar suprême. Décidément, je vais être en retard !

Dick était chez lui. Il était tout près de huit heures et demie à la pendule qui ornait la cheminée de sa chambre, et, tout en fumant des cigarettes, il se livrait aux plus agréables spéculations, car il supputait d’avance le gain qu’allait lui valoir une tournée projetée. Dick ne se décidait pas à quitter son logis bien confortable pour se rendre au Théâtre Ornano, où il devait cependant, ce soir-là comme tous les jours, aller tenir son rôle.

— On est vraiment bien chez soi, bâilla le jeune homme. Sapristi, que c’est embêtant de s’habiller, de descendre dans la rue, de trotter jusqu’au théâtre, le tout pour aller réciter une pièce idiote, écrite par un auteur stupide. Enfin ! En attendant que je sois millionnaire…

Vainquant sa paresse, Dick venait de se lever. Il s’étira les bras avec une profonde conviction, il bâilla encore, regardant machinalement la pendule.

— Huit heures et demie, hum j’ai juste le temps. Il faut que je sois à neuf heures et quart au théâtre. Bah, je prendrai l’autobus jusqu’au boulevard et la baladeuse [36].

À ce moment, Dick tressaillit violemment :

— Ah nom de nom !

Au lointain calme des Batignolles, une horloge tintait.

— Parbleu, ma sacrée pendule retarde, se déclara l’acteur, j’ai neuf heures moins vingt-cinq et voilà, neuf heures qui sonnent.

Machinalement, il compta les coups sonnés à l’église voisine et soudain, son attitude changea encore :

— Sept… huit… neuf… dix… dix heures ! ah çà, Bon Dieu, mais qu’est-ce que cela veut dire ?

L’acteur sauta littéralement dans une pièce voisine, bondit vers une petite table sur laquelle il avait posé sa montre :

— Sacré nom d’un chien, s’il est véritablement dix heures…

La montre marquait huit heures et demie.

— Ouf, soupira Dick, j’ai eu chaud. Parbleu c’est tout simplement l’horloge de l’église qui avance, et j’ai l’heure exacte ici.

Il retomba à son calme profond, et lentement, avec la paresse d’un homme qui va se rendre à une besogne qui ne l’enthousiasme guère, il commença à choisir un faux-col, une paire de manchettes, à brosser son chapeau.

Or, tandis qu’il se livrait à ces préparatifs, l’acteur Dick blêmit encore une fois.

— Mais nom de nom !

À quelques minutes d’intervalle, dans l’air calme de la nuit, une seconde horloge sonnait.

Dick reconnut le timbre, c’était l’horloge d’un pensionnat voisin.

— Comment sonne-t-elle une heure ? Ce devrait être une demie ?

Et il se reprit à compter les coups :

— Sept… huit… neuf… dix…, mais bon Dieu. Il est donc dix heures ?…

Immobile au milieu de sa chambre, tenant un faux-col dont il ouvrait les boutonnières, Dick faisait une vilaine grimace :

— Eh bien, me voilà frais ! C’est du joli ! Mon rôle me fait entrer en scène dans vingt minutes, je ne serai jamais au théâtre.

Et, machinalement encore, il regarda sa montre, la pendule de la cheminée, et qui, toutes deux, indiquaient neuf heures moins quelques minutes.

— C’est insensé, grognait Dick, qui croire ? Mes ustensiles ou ceux du public ?

Dick eut une inspiration.

Traversant son logement, il alla ouvrir la fenêtre d’une étroite cuisine qui donnait sur une cour en forme de puits et toute sale, toute suintante d’humidité.

— Eh madame la concierge, hé là !

Il appelait à pleins poumons, sans la moindre vergogne, car, depuis longtemps il avait inventé de se servir de la cour comme d’un gigantesque porte-voix lorsqu’il avait une communication à faire à la digne concierge de son immeuble qui lui servait de femme de ménage.

Mais Dick, d’abord, n’obtint pas de réponse ; alors il s’emporta.

— M’entendez-vous, pipelette de malheur ?

Une voix de vieille femme, une voix tremblante, interrogeait :

— Quoi qu’il y a, monsieur Dick ?

— Quelle heure est-il ?

— Dix heures, monsieur Dick ! Vous n’allez donc pas au théâtre ?

La concierge reçut en plein visage, lancé par son locataire furieux un mot bref, précis, qui ressemblait fort au mot historique de Cambronne.

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