Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 67
— De Fantômas ? Alors il ne lui arrivera rien de mal.
Pour le coup, Fandor se laissa choir sur une chaise et hochant la tête avec énervement :
— Ça c’est trop fort, pensait le journaliste. Le père Coutureau, l’autre jour, me jure que Fantômas est un petit saint, là-dessus Fantômas le zigouille. Maintenant, voilà que la fille va me vanter Fantômas et cela, alors que Fantômas a tout fait pour qu’elle passe aux yeux de la police pour complice de l’assassinat de lady Beltham. Mais qu’est-ce qu’ils ont donc tous à aimer Fantômas ?
Fandor ayant réfléchi, décida de brusquer les choses :
— Eh bien, déclara-t-il, moi, je ne suis pas de votre avis. Si votre papa est réellement aux mains du bandit, je crois, vous savez, que sa peau ne vaut pas cher.
Or, Rose Coutureau, à cette déclaration, paraissait tout aussi ébahie que Fandor l’avait été lorsqu’elle lui avait affirmé que Fantômas ne pouvait pas vouloir de mal aux vieux Coutureau.
— Monsieur, déclarait-elle, vous vous trompez certainement. Fantômas peut être un bandit pour beaucoup, mais moi, je ne peux pas le considérer autrement que comme un bienfaiteur. Savez-vous que sans lui…
— Ah bien, il est joli le bienfaiteur ! Ah, il est propre votre bienfaiteur !
Fandor grommelait, pris de colère, hésitant à révéler la vérité à la malheureuse Rose Coutureau.
Mais le journaliste n’avait vraiment pas le courage d’apprendre à la pauvre fille qui croyait son père en parfaite sûreté, que celui-ci était mort.
— Zut, pensa Fandor, les scènes de larmes, moi, ça me fait trop d’effet, et puis on sait toujours assez tôt les malheurs.
Il décida donc de ne rien dire. Malheureusement, si Fandor voulait être circonspect et ne point apprendre la sinistre nouvelle à Rose Coutureau, il lui fallait en même temps renoncer à questionner la jeune fille. Or, cela n’était pas commode.
Fandor qui était têtu, plus têtu que Juve si la chose était possible, s’était rendu au logis des Coutureau, avec l’intention bien arrêtée de pousser son enquête et d’apprendre là des détails qui ne pouvaient qu’être intéressants.
— Mademoiselle, reprit Fandor, c’est une erreur énorme que vous commettez en défendant Fantômas. Voyons, vous comprenez bien que c’est lui qui a tué lady Beltham, la comtesse de Blangy si vous préférez. Vous comprenez bien, dans ces conditions, que vous avez servi, si je ne me trompe, à effrayer lady Beltham, c’est-à-dire à la prévenir de l’arrivée d’une lettre annonçant sa mort. Vous allez être considérée comme complice.
Rose Coutureau ouvrit des yeux énormes. Comment ? Cela recommençait, cette histoire-là ?
— Mais, monsieur, disait la jeune fille, ce n’est pas Fantômas qui m’a envoyée chez M me de Blangy. J’y suis allée de mon plein gré, et encore en me faisait passer pour ma mère.
— Possible, répliqua Fandor, mais qui me prouve à moi que ce n’est pas tout de même Fantômas qui vous a suggéré d’aller avenue Niel ?
Il n’y avait rien à répondre à cela, et Rose Coutureau le comprenait si bien qu’elle se taisait, haussant seulement les épaules d’un geste las et résigné :
— Que voulez-vous, monsieur ? je vous ai dit la vérité.
— En tout cas, reprit Fandor, si telle est la vérité, elle est fâcheuse pour vous, mademoiselle, car les pires soupçons retombent sur votre tête. Dans ces conditions comprenez-vous que Fantômas n’est pas un petit saint ?
— Je ne comprends rien, affirma Rose Coutureau.
— Alors, ça devient tout à fait clair, plaisanta Fandor. Mais laissons cela, qu’allez-vous faire ?
— Rien, monsieur ! Je suis au Théâtre Ornano, j’y joue comme petit rôle, je vais y rester, je n’ai pas l’intention de me cacher.
— Très bien, c’est courageux. Et votre papa ?
— Mon père, je pense qu’il va rentrer.
Il n’y avait pas moyen d’équivoquer plus longtemps. Fandor demanda :
— Vous l’aimiez beaucoup votre papa ?
— Comme cela, répondait Rose Coutureau, qui ne semblait pas éprouver de très grands sentiments d’affection pour l’auteur de ses jours.
— Comme cela n’est pas grand-chose, remarqua Fandor. Bah, ça vaut mieux…
— Cela vaut mieux ? pourquoi ?
— Ma pauvre petite, parce que…
Fandor allait parler, dire la mort du père Coutureau, il en fut empêché par Rose qui, comprenant ce que le journaliste lui avait caché jusqu’alors, éclatait soudain en sanglots :
— Papa est mort, s’écria la jeune fille. Ah mon Dieu, mais qui donc l’a tué ?
Et il arriva tout naturellement que devant l’explosion de cette douleur, le pauvre Jérôme Fandor perdit pied complètement, se troubla, et ne sachant plus que dire, mentit :
— Mais je ne vous ai pas dit que votre père est tué, bougre de nom d’un chien, grommela-t-il, je vous ai simplement dit que s’il est réellement aux mains de Fantômas, il y a de grandes chances pour que… Enfin. C’est-à-dire qu’il faut vous attendre…
Jérôme Fandor s’embarrassait de plus en plus et se demandait comment apprendre la sinistre vérité à la jeune fille qui, calmée par ses dénégations, le regardait maintenant étonnée, semblant ne rien comprendre à son attitude, lorsque soudain le journaliste se leva, renversa sa chaise avec violence :
— Qu’est-ce qui nous écoute ? demanda-t-il. Avez-vous entendu ?
Rose Coutureau, elle aussi, avait tressailli.
— On a marché, dit-elle.
Jérôme Fandor et la jeune fille se trouvaient à ce moment dans la pièce qui servait de salle à manger et qui était séparée par une sorte d’antichambre de la porte d’entrée du logement. C’est dans cette antichambre qu’ils avaient cru tous les deux entendre du bruit.
— Chut ! commanda Jérôme Fandor. Ne parlez pas.
Rose et lui prêtaient l’oreille, mais rien ne troublait plus le silence.
— Pourtant, commença Fandor, j’aurais juré…
Il n’acheva point.
Brusquement, alors que rien n’aurait pu faire prévoir la chose, la porte de la salle à manger s’ouvrit. Elle s’ouvrit avec tant de force que son battant venait heurter le mur.
Et, en même temps, un double cri s’échappa des lèvres de Rose Coutureau et de Jérôme Fandor. Dans l’encadrement de la porte, un homme venait d’apparaître. Cet homme portait un long manteau noir, qui enveloppait son corps des pieds à la tête, son visage était masqué par une cagoule noire, ses mains elles-mêmes étaient gantées de noir.
— Fantômas ! hurla Fandor.
C’était bien en effet, la silhouette tragique, la silhouette légendaire de l’homme aux Cents Visages. Elle était grande, cette silhouette, extraordinairement, elle demeurait immobile, impassible, et d’en dessous la cagoule, Fandor avait l’impression que des yeux étrangement perçants le dévisageaient. Alors, Fandor n’hésita plus, une colère subite d’une violence extraordinaire s’empara de lui.
C’était Fantômas qu’il voyait devant lui, et il y avait près de dix ans que Jérôme Fandor poursuivait implacablement le Maître de l’Effroi.
Le journaliste n’hésita pas. Il enfonça sa main dans la poche de son veston, et s’armant de son browning, tendant le bras, prenant à peine le temps d’ajuster, il fit feu, droit au front, pensant faire sauter la cervelle du terrible Maître de l’Effroi.
— Fantômas, avait crié Fandor, repens-toi !
La détonation du revolver, formidable, éclata dans le logement. Fandor eut juste le temps de voir, au milieu de la fumée, qu’il avait bien atteint le bandit, que la balle blindée de son browning s’était enfoncée à travers l’étoffe de la cagoule noire en plein front du misérable.
Le coup avait porté et l’homme ne tombait pas.
Déjà le bras de Fandor s’abaissait. Déjà, haletant, il reculait, ne sachant que croire devant la silhouette de Fantômas, qui demeurait debout, immobile, comme s’il n’avait pas été atteint.
Puis, ce fut plus rapide encore que l’éclair.
La scène brusquement changea. La silhouette immobile de Fantômas s’anima avec une effroyable rapidité. Fandor vit Fantômas s’élancer. Il n’eut pas le temps de se jeter de côté, un choc formidable le renversa, la tête du bandit venait de le heurter en pleine poitrine.