Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 19

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— Monsieur, il est absolument inutile de m’énumérer les conséquences tragiques de ce vol. Demain, après-demain au plus tard, les deux clefs volées seront entre vos mains.

— Les deux clefs volées ?

— Oui, monsieur, je vous en donne ma parole.

— Mais puisque c’est Fantômas ?

— Raison de plus. Fantômas, depuis quelques jours, multiplie les crimes audacieux, j’ai une belle revanche à prendre contre lui, vous me l’offrez.

— Mais, comment ferez-vous ?

— C’est un peu mon secret.

— Vous êtes certain de réussir ?

— Oui, à une condition.

— Laquelle ?

— Vous me confierez, monsieur le gouverneur, la troisième clef que vous possédez. D’abord, je ne serai pas tranquille de la savoir entre vos mains, car Fantômas trouverait moyen de vous la prendre, ensuite, j’en ai besoin.

— Vous voulez la troisième clef des caves ? Si vous l’avez, vous vous engagez à retrouver les deux autres clés volées ?

— Parfaitement.

Il n’y avait pas à hésiter, et M. Châtel-Gérard n’hésita pas. Il tira d’une poche de son gilet une petite clef brillante. Puis, il répéta :

— Monsieur, je vais vous confier cette clef, mais vraiment…

— Excusez-moi, interrompit Juve, qui avait pris son chapeau, je n’ai pas une minute à perdre.

Le policier salua et se retira.

Or, Juve avait à peine disparu du cabinet de travail, on venait tout juste d’entendre se refermer la porte de l’escalier que M. Tissot bondit vers le gouverneur :

— Mon cher, hurlait le censeur, j’ai peur, j’ai effroyablement peur.

— Oui, moi aussi. Est-ce bien Juve ? Ai-je eu raison de lui confier la clef ?

— Si c’est Juve, dit M. Tissot, il tiendra parole. Les trois clefs nous seront rendues.

— Si ce n’est pas Juve, si je me suis laissé berner, hurla M. Châtel-Gérard, je n’aurai qu’à me faire sauter la cervelle.

Cinq heures sonnaient.

7 – LA CLEF OFFERTE

Juve marchait toujours très vite en réfléchissant :

— Pourtant, se disait-il, je ne peux pas m’y tromper. Fantômas seul peut avoir médité de piller la Banque de France.

Il en revenait toujours là, car, ainsi qu’à l’ordinaire, le seul nom du bandit suffisait à lui faire redouter les pires catastrophes, à croire même à l’invraisemblable.

— Bah, conclut Juve, on verra bien. Je vais encore lui jouer un tour de ma façon.

Juve venait d’arriver sur la place du Théâtre-Français, il avisait un taxi-auto qui passait, l’arrêta d’un geste.

— Menez-moi rue Tardieu, 1 ter.

Une heure plus tard Juve était tranquillement installé dans l’appartement qu’il occupait près du square Saint-Pierre. Il lui fallait d’ailleurs une belle audace pour continuer d’habiter ainsi dans le logement qu’il avait conquis sur Fantômas, mais Juve n’en était pas à s’étonner pour si peu de chose.

***

Juve était déshabillé à présent, il avait revêtu une grande robe de chambre marron qu’il affectionnait pour travailler, il fumait un cigare et son front était rasséréné.

— Jean, appela le policier.

Le domestique qui, depuis des années, servait avec un dévouement grondeur le roi des policiers, accourut.

— Monsieur me demande ?

— Parfaitement. Faites venir mon invité.

— Quel invité, monsieur ?

— L’individu qui est dans le cabinet noir.

Jean, à cet ordre, ouvrit des yeux noirs effarés.

— Il y a un individu dans le cabinet noir, c’est donc pour cela… ?

— Oui, coupa Juve, c’est pour cela, Jean, que je vous ai interdit ce matin d’entrer dans la penderie.

Jean était trop accoutumé à apprendre les plus fantastiques nouvelles, pour se permettre une observation.

— Bien, monsieur, répondait le domestique, je vais conduire son invité à monsieur.

Quelques instants plus tard, la porte du cabinet de travail s’ouvrait et Jean poussait devant lui un individu qui n’était autre que Tête-de-Lard.

— Entrez, disait-il, M. Juve vous demande.

Mais comment diable Tête-de-Lard se trouvait-il chez Juve ?

Lorsque le policier, au péril presque de sa vie, avait réussi à tirer l’apache des flots de la Seine, il avait été un instant dupe de Tête-de-Lard. Juve n’avait point tout d’abord soupçonné l’apache d’avoir été complice de Fantômas.

Mais bien vite, Juve s’était ressaisi. Bien vite, il en était venu à penser qu’assurément Tête-de-Lard était un personnage qu’il importait de « cuisiner ».

Juve, en confiant le rescapé aux bons soins des agents plongeurs, avait invité Tête-de-Lard à venir le voir et quoique, après réflexion, l’inspecteur de la Sûreté avait été persuadé que l’apache manquerait au rendez-vous. Mais non ! Tête-de-Lard qui sans doute avait une idée derrière la tête pour agir ainsi, était venu sonner au domicile de Juve le soir même.

Le policier l’avait accueilli avec son plus aimable sourire.

— Tête-de-Lard, avait dit Juve, je tombe de sommeil. Si nous remettions toute causerie à demain matin, qu’en dites-vous ? J’ai précisément un lit de sangle inoccupé. Je vous l’offre. Dormez chez moi, nous causerons demain.

Et, sans laisser le temps à Tête-de-Lard de réfléchir, Juve avait poussé l’apache dans le cabinet noir d’où Jean venait de le faire sortir.

Juve, toutefois, la veille au soir, avait pris une précaution nullement superflue.

À peine Tête-de-Lard était-il entré dans l’alcôve obscure où Juve prétendait lui faire passer la nuit que le policier, d’un tour de main discret, avait poussé le verrou et bouclé son hôte.

— Dors, mon bonhomme, avait alors murmuré Juve, dors en paix, nous verrons plus tard, demain dans l’après-midi sans doute, à tirer de toi ce qu’il convient d’en tirer.

Or, depuis ce moment, c’est-à-dire depuis la veille, Juve n’avait pas revu l’apache.

Celui-ci bien entendu s’était réveillé, avait essayé de sortir de sa prison, puis, était demeuré immobile, retenant son souffle et faisant les pires suppositions.

— Je suis fait ! se répétait Tête-de-Lard. Je suis tout ce qu’il y a de plus fait.

Juve, à vrai dire aurait certainement interrogé Tête-de-Lard dans la matinée si, dans les couloirs de la Sûreté, il n’avait fait la rencontre de M. Châtel-Gérard. Les événements s’étaient alors précipités. Il venait tout juste de rentrer lorsqu’il fit demander l’apache.

Juve à l’apparition de Tête-de-Lard prit un air des plus aimables :

— Alors mon vieux, commença-t-il familièrement, la nuit a été bonne ? Pas de cauchemars ? Vous ne vous êtes pas trop embêté ?

— Mais, monsieur Juve, faisait-il, tournant machinalement entre ses doigts sa casquette crasseuse, et pleurant de ses deux yeux éternellement noyés dans la graisse de sa figure, je ne sais pas ce que cela veut dire. Oui, j’ai bien dormi, seulement…

— Et comme ça, interrompait Juve, vous avez été faire un tour cet après-midi ?

— Un tour, monsieur Juve ?

La face de Tête-de-Lard continuait à exprimer un ahurissement quasi complet.

Ah çà, Juve se moquait-il de lui ?

Il lui demandait s’il avait été faire un tour, alors que tout juste, il venait d’être rendu à la liberté ?

— Je n’ai pas été faire un tour, répondait Tête-de-Lard avec un soupir, puisque vous m’aviez bouclé.

Mais, à ce mot, Juve donnait des signes de stupéfaction :

— Bouclé, mon vieux ? Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— J’étais enfermé dans le cabinet noir, monsieur Juve.

— Enfermé ? Qu’est-ce que vous me chantez, Tête-de-Lard ?

— Dame ! monsieur Juve, protestait-il encore, quand j’ai voulu me lever, ce matin, je me suis aperçu que la porte était verrouillée.

Or, à cet instant, Juve éclata de rire :

— C’est pourtant vrai. Je me rappelle que ce matin, quand je suis sorti, j’ai machinalement tiré le verrou oubliant que vous étiez là. C’est rigolo. Mais vous ne m’en voulez pas hein, Tête-de-Lard ? Bougre, vous avez dû croire que je vous avais flanqué en taule. Mais, ça ne fait rien. Mettez votre main dans la mienne, Tête-de-Lard. Entre copains comme nous, il n’y a pas de rancune qui tienne. Nous allons nous caler les joues d’une manière un peu soignée, et, si vous m’en croyez, devant une bonne bouteille de vin.

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