Lassassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам) - Страница 12

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— Vous êtes poursuivis ? Et vous venez ici ?

— On est venu où on a pu.

— On vous file donc ?

— Oui.

— Qui ?

— La Sûreté.

— Alors, nous sommes perdus, dit Fantômas très froid, nous sommes perdus et perdus grâce à vous.

— Écoute, patron, commença Tête-de-Lard en tremblant, on a cru bien faire en rappliquant ici, rapport à ce qu’on pouvait te prévenir.

— Me prévenir de quoi ? Il fallait aller n’importe où, mais ailleurs. Puisque vous vous sentiez filés, ce n’était pas la peine de guider les agents jusqu’ici. Que faire maintenant ?

Pendant quelques secondes, en effet, Fantômas parut vivement préoccupé. Lui qui tant de fois avait, avec un merveilleux sang-froid, trouvé moyen d’échapper aux souricières les mieux combinées, aux pièges les plus habiles, semblait, par exception, ne point savoir comment se tirer du pas difficile où la maladresse de Tête-de-Lard et de la Carafe venait de le faire tomber.

Parbleu, c’était évident, ces ombres qui se rapprochaient, qui entraient dans le terrain vague, qui se glissaient derrière les tas de charbon, se faufilaient sous les voitures, c’étaient, ce ne pouvaient être que des agents. Et, dès lors, comment espérer leur échapper, comment passer inaperçus ?

Fantômas grinçait des dents. Le browning qu’il tenait toujours à la main brillait de façon sinistre dans l’obscurité de la nuit commençante.

— Chiens que vous êtes ! hurla le bandit, vous mériteriez, ma parole, que je vous punisse en usant sur vous mes dernières cartouches.

Puis, soudain, comme les agents se rapprochaient, Fantômas haussa les épaules :

— Je vais vous sauver pourtant, dit-il, vous sauver du moins si vous avez assez de courage pour risquer le tout pour le tout.

Le Maître de l’Effroi entraîna ses compagnons auxquels s’était joint Bouzille, fort ennuyé de la tournure prise par les événements, à l’autre extrémité du hangar. Il y avait là un haquet chargé de tonneaux vides et à quelque distance, dans son box, un cheval minable.

— Hardi, ordonna Fantômas, attelez cette bête à la voiture. Vous vous caserez dans les tonneaux.

— Mais qui conduira ?

— Moi.

Et, tandis que les apaches, ne comprenant pas encore ce qu’il méditait, mais épouvantés à la pensée de la police, lui obéissaient aveuglément, Fantômas, avec une agilité folle, grimpait le long d’une échelle, saisissait une valise dissimulée à l’entrecroisement de deux poutres.

— Vite !

Après avoir entouré le terrain vague, après avoir pénétré derrière le mur de clôture, les agents de la Sûreté embusqués derrière le moindre obstacle, allaient à coup sûr se précipiter dans le hangar.

La porte de l’écurie était défoncée, le cheval déjà entre les brancards. Fantômas, pourtant ne s’occupait pas du haquet. Il avait ouvert la valise, en tirait des habits d’ouvriers, un pantalon de velours une veste d’alpaga, une casquette haute, sur la visière de laquelle une plaque en cuivre était fixée, portant ces mots : Charbonnage d’Audincourt.

En une seconde alors, s’aidant d’une petite glace qu’il avait trouvée dans la valise, Fantômas acheva de se maquiller. Du rouge habilement disposé lui fit un nez d’ivrogne. Il enfila une perruque grisonnante. Une barbe que collait du blanc gras et du vernis changeait l’aspect de sa physionomie, au point qu’il en devenait méconnaissable :

— Êtes-vous prêts ?

— Le haquet est attelé, patron.

— Alors sautez dans les tonneaux.

Y compris Bouzille, on se précipita à l’intérieur des barils chargés sur la longue voiture.

— Heureusement j’ai pensé à tout, murmurait Fantômas. Ce matin j’ai découvert ce haquet et j’ai songé à emporter cette valise de maquillage.

Car c’était là, en vérité, l’une des caractéristiques de ce génial et fantastique assassin. Fantômas le disait lui-même : il avait pensé à tout.

Alors qu’il méditait le plan infernal, qui venait de lui permettre de réussir la plus folle, la plus insensée des tentatives criminelles, il avait songé à régler jusqu’en ses moindres détails la fuite qui pouvait devenir nécessaire.

— J’ai toutes chances, avait pensé Fantômas, de pouvoir tranquillement revenir avec l’autobus, à l’entrepôt, et de pouvoir, ensuite, m’en aller sans être inquiété, mais enfin, je dois songer, au cas possible, sinon probable, où je serais pisté, et dans ce cas…

C’était pour parer à cette éventualité qu’il avait préparé avec une habileté prodigieuse le déguisement qui devait lui servir non seulement à se sauver, mais encore à sauver ses compagnons.

Il était temps. Au moment précis où les hommes du bandit se cachaient à l’intérieur des tonneaux chargés sur le haquet, les agents, revolver au poing, apparaissaient à toutes les issues du hangar.

— Rendez-vous ! hurlaient-ils.

Fantômas avait le fouet en main, il feignit une grande peur, il cria :

— Au secours ! Au secours ! À l’assassin !

Il criait de si bonne foi que les agents couraient vers lui, pris à sa ruse :

— Taisez-vous donc, taisez-vous ! N’appelez pas à l’assassin, bon Dieu ! Avez-vous vu quelqu’un ?

Fantômas alors, aussi merveilleux acteur qu’admirable de sang-froid, continuait à duper les hommes de la Préfecture.

— Mais qu’est-ce que vous me voulez ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Et il semblait trembler de tous ses membres.

Les agents cependant, le questionnaient rudement :

— Vous avez vu entrer cet autobus qui est là ?

— Oui, oui !

— Il y avait des hommes qui conduisaient ?

— Deux mécaniciens, oui, oui.

— Ils ont été rejoints par deux autres ?

— Oui.

— Où sont-ils ?

— Ah, je ne sais pas ! Ils sont partis par là, ils m’ont dit qu’ils reviendraient demain matin et que le patron les autorisait à garer.

— Bon Dieu ! hurla l’un des gardiens de la paix qui s’étaient joints aux agents de la Sûreté. Ils se seraient donc encore défilés ?

Et, en même temps, l’un d’eux secouait Fantômas :

— Voyons, charretier, par où sont-ils partis ?

— Par là. Ils ont sauté le mur.

Le pseudo charretier, tendant le bras, montra le fond du terrain.

— Dix hommes de ce côté ! hurla une voix. Les autres, fouillez les tas de charbon.

Un quart d’heure plus tard, le charretier, c’est-à-dire Fantômas, demeuré à la tête de son cheval, vit revenir vers lui l’un des agents de la Sûreté qui paraissait commander.

— Votre nom ? demanda-t-il.

— Gustave-Eugène Mercier.

— Employé aux Charbonnages d’Audincourt ?

— Oui, monsieur.

— Bon. Vous savez où est le poste ?

— Oui, monsieur.

— Eh bien, allez-y tout de suite, nous vous y rejoignons.

— Bien, monsieur l’agent.

Le charretier s’éloigna, puis revint sur ses pas :

— Est-ce que je peux emmener ma voiture, parce que ce sont des tonneaux que je dois livrer encore aujourd’hui.

— Emmenez-la, vous irez après avoir fait votre déposition.

— Bon, monsieur l’agent, bon.

L’air de plus en plus abruti, et de plus en plus terrifié, Fantômas prit par la bride la maigre haridelle attelée au haquet.

— Hue, cocotte !

L’équipage s’ébranla au pas, sortit au pas du terrain vague. Mais à peine le haquet était-il parvenu sur la chaussée de la rue Cantagrel que Fantômas, d’un bond leste, sautait sur le siège :

— Les imbéciles ! hurla-t-il. Qu’ils me poursuivent donc. Ils sont à pied et il n’y a pas de fiacres par ici.

Lancé à folle allure, le haquet dévala la rue, semant l’épouvante sur son passage. En quelques minutes, il atteignait les quais. La nuit tombait, le quartier était désert. Fantômas continuant à fouetter le cheval, le fit descendre sur la berge.

— J’ai dupé les agents, murmura-t-il, il me reste à faire justice de ceux qui n’ont pas su me servir.

Rapidement, Fantômas sauta du siège sur le sol. Il prit le cheval par la bride, le fit tourner et alors, avec un froid sourire, le Maître de l’Épouvante se rendit coupable d’une abominable lâcheté.

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