LArrestation de Fantomas (Арест Фантомаса) - Страница 11

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Juve, car c’était Juve auquel la bonne infirmière du Skobeleffadressait ces puissantes exhortations, se souleva sur sa couchette, se pencha, regarda dans la direction que lui indiquait l’infirmière.

Celle-ci n’avait pas menti.

Docilement, Fandor avait absorbé la boisson capiteuse qu’on avait préparée à son intention.

Et maintenant, bien tranquille, étendu de tout son long sur le lit de repos sur lequel il avait été déposé, Fandor dormait avec un grand calme.

Le matin même, Juve et Fandor avaient été miraculeusement repêchés par le Skobeleff, et cela grâce à la manœuvre ordonnée par l’officier de quart, puis par le lieutenant Alexis, alors qu’accrochés à leur épave, ils couraient grand risque de se noyer, de trouver dans les flots tourbillonnants du raz de Sein une mort cruelle.

Depuis, ni l’un ni l’autre n’avaient échangé une parole et Juve devait s’avouer qu’il n’avait plus, somme toute, qu’une idée confuse de la façon dont le sauvetage s’était effectué.

Il n’en éprouvait d’ailleurs qu’une sensation plus pénétrante de calme et de paix à s’éveiller dans la tranquille infirmerie, en cette petite pièce, toute blanche, toute silencieuse, où flottaient de vagues relents de potions et de remèdes et qui semblait un véritable asile.

Quelle que fût cependant sa fatigue, quel que fût l’état d’épuisement où il se trouvait, Juve était bien trop énergique pour se laisser longtemps aller au besoin de somnolence qui l’engourdissait. Aussi, aux injonctions de l’infirmière, le policier qui, brusquement, dans un éveil de sa mémoire venait de songer à Fantômas, se contentait-il de répondre :

— Ma sœur, vous êtes infiniment bonne, mais je vous assure que maintenant, je suis parfaitement rétabli. Je veux bien boire votre potion, mais je ne veux pas dormir.

— Bois toujours, petit père, et on verra.

Des mains de l’infirmière, Juve prenait donc le grand bol fumant, le punch d’un nouveau genre, que la religieuse avait préparé.

Juve but avidement, puis, tout ragaillardi par l’absorption de cette liqueur, s’assit sur la couchette.

— Ma sœur, déclarait le policier, je vous assure qu’il faut m’autoriser à me lever.

Et avant que la religieuse, qui s’effarait des intentions de ce rescapé récalcitrant, eût pu s’opposer à ses désirs, Juve appelait d’une voix forte, bien timbrée :

— Fandor, veux-tu te réveiller, paresseux.

Fandor, à vrai dire, dormait tout son saoul.

Mais le journaliste était trop habitué à toujours se tenir prêt aux pires éventualités pour ne pas, même en dormant de toute son âme, garder le sentiment de ce qui se préparait.

À l’appel de Juve, Fandor brusquement se dressa sur son lit et d’une voix comique, encore tout empâtée de sommeil, répondit :

— Présent, Juve. Bon Dieu, je dormais bien… Que diable voulez-vous ? Ah oui, voilà.

Juve, pour toute réponse, éclata de rire. Et c’était la bonne sœur qui intervint :

— Petit père, cria-t-elle, veux-tu bien laisser dormir en paix ton ami.

Mais elle devait elle-même rester interdite car Fandor éclata lui-même d’un grand fou rire.

— Petit père, répéta le journaliste. Ma foi, Juve, cela vous va très bien.

Puis, comprenant ce qu’avait d’irrespectueux son intempestive gaieté à l’endroit de la garde-malade, Fandor s’efforça de rattraper son sérieux…

— Ma sœur, déclarait le journaliste, d’une voix qu’il voulait raffermir, ne m’en veuillez pas de rire un peu : je ne suis point méchant, mais je ne puis jamais être sérieux plus de dix minutes de suite.

Et comme la religieuse hochait la tête, souriante, Fandor ajoutait pour Juve :

— Ah ça, mon bon ami, mais savez-vous qu’à bord du Skobeleffon nous a parfaitement recueillis tous les deux et que pour deux noyés volontaires, nous apparaissons, somme toute, maintenant, en excellente santé.

— Hum.

Et le policier allait ajouter quelques phrases sceptiques, lorsque soudain, la porte de l’infirmerie s’ouvrit : un officier, le médecin-chef, faisait son apparition :

— Eh bien, mes gaillards, demanda-t-il, vous voilà rétablis, je pense ?

D’un geste spontané, Juve tendit la main au praticien.

— Docteur, répondait-il, croyez bien que sœur Natacha et vous-même, vous avez fait un miracle. Mon ami et moi, nous voici sur pieds.

— Complètement ? pas de malaise ? pas de fièvre ?

— Mais non, docteur, répondit Fandor. Nous sommes même si bien portants que nous étions en train d’exiger notre bulletin de sortie.

— Mon bon ami, vous allez vite en besogne. Voyons d’abord votre pouls ?

Juve laissa le docteur tranquillement ausculter Fandor, et se prêta lui-même à l’examen médical. Mais comme l’homme de l’art gardait un bon sourire, il demanda :

— Vous nous autorisez à nous lever, docteur ?

Le médecin venait de remettre sa montre dans le gousset de son gilet, il hocha la tête :

— Parfaitement ! faisait-il, levez-vous, mes bons amis, il n’y aura d’autre suite à votre aventure que la perte de votre jolie embarcation. Mais, aussi, quelle drôle d’idée avez-vous eue d’aller vous promener par le raz de Sein ? Dès que vous serez prêts, sœur Natacha vous conduira sur le pont, vous trouverez à l’escalier de la coupée un planton qui vous conduira vers notre Commandant, notre nouveau Commandant, qui désire vous parler.

Le médecin cependant, après un cordial salut à la sœur Natacha, venait de quitter l’infirmerie.

— Debout, Juve.

— Debout Fandor.

Les deux amis en un clin d’œil se jetèrent à bas de leur couchette.

Mais comme Juve passait sa veste et machinalement tâtait sa poche, il étouffait un juron :

— Bigre de nom…

Sœur Natacha accourut.

— Ah ! petit père, déclarait la bonne religieuse, tu t’étonnes de ne point retrouver tout ce que tu avais dans tes poches ? Ne te fâche pas ! vois-tu, on te rendra tes armes quand tu quitteras le Skobeleff, à notre prochaine escale, mais, ici, l’ordre est formel : j’ai dû faire porter ton revolver, ainsi que celui de ton ami à notre capitaine d’armes.

Il n’y avait rien à dire. Juve fronça les sourcils.

***

Sous la conduite de sœur Natacha, ainsi qu’il avait été convenu, Juve et Fandor au sortir de l’infirmerie avaient suivi un étroit petit couloir, puis étaient arrivés en une sorte de vestibule où débouchait un tortueux escalier menant sur le pont.

Avec un bon sourire, sœur Natacha les quitta alors, en bas des marches :

— Montez, disait l’excellente religieuse, et Dieu vous garde, petits pères. Je ne vous oublierai point dans mes prières aux Saintes Images. Pour vous, souvenez-vous quelquefois de sœur Natacha qui fut heureuse de vous soigner. Montez donc, mes petits pères, les règlements du bord m’interdisent à moi, pauvre femme, de paraître sur le pont, mais vous trouverez en haut de ces degrés un planton qui vous conduira à notre Commandant.

Que répondre ?

— Ma sœur, disait le policier, fouillant dans son portefeuille et en tirant un billet de banque, vous avez bien, quelque part, un pauvre malade à qui vous vous intéressez ? Voilà de quoi améliorer son sort.

Et Fandor avait ajouté :

— Mais ne croyez pas, ma sœur, que nous pensions, avec un peu d’argent, payer vos soins. Vous saurez peut-être, quelque jour, que les deux pauvres diables que vous avez aidés sont de braves gens. Si vous ne les oubliez pas, ils ne vous oublieront pas eux non plus.

L’escalier qui menait au pont était long et étroit. Juve marchant devant, Fandor suivant le policier, le gravirent pourtant en moins d’une minute, car il leur prenait une hâte extrême de se trouver en face du commandant du Skobeleff.

Qu’allait-il se passer ?

Fantômas les avait-il reconnus alors qu’on les repêchait ?

À mi-chemin, Juve s’arrêta et regardant Fandor :

— Mon petit, déclara froidement le policier, tu comprends bien, j’imagine, l’importance de la partie que nous allons jouer ? nous n’avons aucune arme. Matériellement, nous sommes dans ses mains. Moralement, nous sommes en son pouvoir. S’il lui fait plaisir de nous envoyer par-dessus le bastingage piquer une tête dans l’Océan, rien ne peut s’opposer à l’accomplissement de sa fantaisie. Par conséquent…

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