LArrestation de Fantomas (Арест Фантомаса) - Страница 10

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— Jean-Marie, fit-elle, j’ai peur. Ne quittez pas la maison, vérifiez bien les fermetures.

L’homme hocha la tête affirmativement, puis quelques instants après, il se retirait sans mot dire.

La petite bonne, à son tour, fit sa réapparition. Elle annonça que les chambres étaient prêtes, que ce monsieur et cette dame pouvaient gagner leurs appartements.

***

Jean-Marie cependant, une fois dame Brigitte remontée dans son appartement, avait recouvert de cendres le feu qui brûlait dans le foyer de la grande cheminée de la salle à manger, puis il avait éteint les lampes du vestibule.

D’un ton bourru, il avait ordonné à la petite bonne de regagner sa chambre. Alors, le colosse resta seul au rez-de-chaussée. Pour faire croire qu’il accomplissait soigneusement la besogne dont il avait été chargé, Jean-Marie fit tourner pênes et clés. Mais, à un moment donné, alors qu’il vérifiait une petite porte, au lieu de la clore de l’intérieur, il sortit de la maison et tourna la clef du dehors.

Dehors, Jean-Marie fonça dans la nuit noire, en direction de la falaise.

Au bout de vingt minutes, il s’arrêta net. Il était à proximité d’une roche qui surmontait la falaise ; il entendait un murmure confus de voix :

— Qui va là ? cria quelqu’un.

Jean-Marie répondit :

— C’est moi l’Équarisseur…

À peine avait-il donné ce nom étrange, que deux ou trois hommes surgissaient de derrière les rochers et s’approchèrent de lui :

— Alors, fit l’un d’eux, ça colle, mon poteau, tu as pu te débiner ?

— Et comment ! répliqua Jean-Marie, dont l’attitude et l’aspect devenaient tout autre, j’étais assez curieux de savoir ce que tu pouvais venir faire ici, mon vieux Bedeau avec toute la bande.

— C’est vrai qu’on est au complet. Montrez vos blairs, vous autres, ayez donc pas la trouille, c’est l’copain Jean-Marie, c’est l’Équarisseur qui vient de s’amener. Faut croire qu’il nous sera utile, c’est un gars du patelin, il doit connaître le nouveau métier que nous allons faire. Et toi, d’abord, sa payse, va-t’en lui donner un bécot.

Le Bedeau, qui paraissait être le chef de cette bande étrange, adressait ces dernières paroles à une fille très brune, au regard farouche, à l’allure décidée.

C’était une jeune pierreuse qui, depuis six mois seulement, fréquentait cette bande d’apaches à Paris. Elle avait été ramenée là et débauchée par Jean-Marie, c’était une fille d’Ouessant, qui répondait au sobriquet de « Fleur de Rogue ». Elle eut un regard singulier, dont on ne pouvait préciser la nature, s’approcha lentement, souple et lascive, de Jean-Marie, lui noua ses bras bronzés autour du cou et se laissa étreindre.

Mais Jean-Marie, dernier venu ce soir-là, avait encore d’autres politesses à faire. Il salua rapidement d’une poignée de main un grand diable efflanqué :

— Comment, Œil-de-Bœuf, tu en es aussi ? Tu n’as donc plus les foies tricolores ?

— Bon sang grommela l’individu, répondant à ce pittoresque sobriquet, je les ai jamais eus comme tu dis, les foies, mais il y aurait de quoi ma parole, dans ce sacré pays de malheur, ousqu’il n’y a seulement pas un bistro d’ouvert.

— Un bistro d’ouvert, voilà, s’écria d’une voix aigre une grosse femme à la face enluminée.

C’était la mère Toulouche, libérée le mois précédent, qui était aussitôt rentrée dans la bande et plus serviable que jamais, s’en était constituée la cantinière.

La mère Toulouche tendit alors à Œil-de-Bœuf une petite gourde remplie d’alcool, sur laquelle l’apache se précipita.

Cependant, il s’arrêta, Œil-de-Bœuf connaissait les usages, savait qu’il lui restait une présentation à faire :

— Écoute voir, Jean-Marie, disait-il, voilà au moins une saison qu’on ne t’a pas vu, que je te présente ma famille.

Œil-de-Bœuf empoigna par l’épaule une petite blonde, frêle et menue, sordidement vêtue, qui esquissait en regardant l’équarrisseur une vilaine grimace.

Œil-de-Bœuf, d’un coup de pied dans les reins la redressa. Il la lançait à Jean-Marie :

— Voilà ma nouvelle femme, c’est Loulou Planche-à-Pain, et comme tu vois elle n’a pas volé son surnom.

Le Bedeau, cependant, avait attiré Jean-Marie à l’écart :

— Alors, ça t’épate, fit-il, de nous voir par ici. Tu y es bien toi-même.

— Moi, déclara Jean-Marie, je suis domestique dans un château, et puis tu sais bien qu’après ma dernière affaire il valait mieux que je quitte un peu Paris. Mais vous autres ?

— Nous autres, déclara le Bedeau, on a reçu des ordres.

— Des ordres, de qui ?

— Des ordres de quelqu’un, faut croire, et de quelqu’un de bien, il y avait du pèze à la clef. On nous a dit de venir une douzaine de costauds jusqu’ici en s’amenant par le grand frère, séparément ou par couple ne dépassant pas deux, histoire de ne pas se faire remarquer. Paraît qu’on n’a plus qu’à attendre maintenant, que c’est pour cette nuit.

— Mais quoi donc ? fit Jean-Marie.

— Mon pauvre Équarisseur, fit le Bedeau, d’un ton de commisération profonde, on voit que ça t’abrutit de faire le larbin à la campagne, tu es plus innocent que l’enfant qui vient de naître. Si l’on est ici sur la côte, il faut croire qu’on va avoir du turbin dans ce voisinage. On m’a expliqué comme ça tout à l’heure qu’il y a un certain navire dont on entend gueuler la sirène, qui va venir se foutre le nez dans les cailloux, juste en dessous de nous, alors on va pouvoir s’occuper, paraît qu’il y en a pour de l’argent dans ce machin-là. Enfin si tu comprends tant mieux, et si tu comprends pas, tant pis. Toujours est-il que nous autres on se contente d’obéir, il y en a d’autres dont c’est le métier, qui s’occupent un peu plus loin de faire tromper de route à la coquille de noix en baladant des lanternes au bout de leurs bâtons sur la falaise ; ceux-là, c’est des spécialistes de par ici qui avaient certainement le mot d’ordre, quand on est arrivés, ils nous ont reconnus sans qu’on se connaisse. On les laisse donc faire, on se contente, nous autres, de jouer à cache-cache avec les douaniers, rapport à ce que ces gars-là sont curieux et qu’ils ont toujours de la mitraille dans la culasse de leur flingot.

Jean-Marie approuva, il comprenait vaguement ce qui avait dû se passer.

Un chef, un chef de bande quelconque, un de ces chefs mystérieux, comme il en est, qui donnent des ordres, qui paient, et que l’on voit rarement, avait fait venir la Bande du Bedeau à la pointe Saint-Mathieu, pour prêter main-forte à une de ces cohortes de naufrageurs qui, quoi qu’on dise, sont encore très fréquentes et merveilleusement organisées sur les côtes inhospitalières de la Bretagne.

Jean-Marie, breton d’origine, les connaissait, ces bandes, il savait comment elles procédaient.

Et le sinistre équarisseur se réjouissait à l’idée que dans quelques instants peut-être, il allait pouvoir s’occuper, s’occuper à une besogne sanguinaire, dont son imagination bestiale et cruelle goûtait à l’avance l’âpre volupté.

5 – DÉFI POUR DÉFI

Dans l’infirmerie du Skobeleff, la sœur préposée à la garde des malades du cuirassé, s’affairait, douce et patiente, auprès des deux lits de repos dressés au centre même de la pièce.

— Petit père, disait la brave femme, il faut que tu boives cela. Ne refuse pas, tu me ferais de la peine.

— Mais je ne suis pas malade du tout, que diable.

— Si, si. Tu es fatigué, et après l’effroyable aventure que tu as vécue ce matin, il importe, je t’assure, que tu fasses attention. Tiens, bois. Qu’est-ce que cela te fait, petit père. C’est du rhum et du tilleul.

— Oui, un drôle de mélange.

— Quelque chose qui te fera fort et solide, petit père. D’ailleurs, regarde, tu aurais tort de refuser ce breuvage : ton ami en a pris et tu vois que maintenant il repose très calme et parfaitement bien portant. Plus pieux que toi, sais-tu, petit père ? Il n’a pas refusé de saluer les Saintes Images.

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