La mort de Juve (Смерть Жюва) - Страница 52

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— Eh bien, si tu les trouves ?

— Eh bien, nous verrons si l’on peut s’entendre, répliqua le faux gardien de la paix, et dès lors, je te libérerai peut-être.

Prosper lentement se mit au travail. Il tira de sa poche tout un jeu de fausses clés, les essaya dans les serrures, réussit sans grande difficulté à ouvrir des tiroirs dont il vida le contenu au hasard sur le plancher.

Fantômas suivait des yeux son complice, mais, soudain les deux hommes qui parlaient s’arrêtèrent, prêtèrent l’oreille :

— Entends-tu ? fit Prosper…

— Non, déclara fermement Fantômas, dissimulant ses appréhensions…

Prosper reprit le travail, mais, au bout d’un instant, il s’arrêta encore.

— Pour sûr, fit l’ancien cocher, qu’il se passe quelque chose de pas ordinaire, j’ai entendu comme des craquements, des bruits de pas.

— Il n’y a personne qui puisse venir nous déranger, te dis-je, affirma Fantômas. Néanmoins, par prudence, va fermer à clé la porte d’entrée.

— Oui, reconnut Prosper.

Le cocher, quelques instants après, revint.

— C’est égal, fit-il, si jamais quelqu’un s’amenait par l’escalier, j’ai eu beau boucler la porte, on ne tarderait pas à l’enfoncer.

— Cela retiendrait tout de même nos agresseurs pendant quelques instants, on pourrait en profiter alors pour s’en aller par la fenêtre.

— La fenêtre, déclara Prosper, elle est fermée, j’ai bien envie de l’ouvrir.

— Pourquoi ?

Depuis quelques instants, Prosper avait cessé son inventaire et ses recherches dans les tiroirs de Juve, mais il allait et venait dans le cabinet de travail du policier, les bras ballants, tournant la tête dans tous les sens, levant le nez, respirant profondément.

— Qu’est-ce qu’il y a ? interrogea Fantômas, inquiété sans doute par l’attitude bizarre de son énigmatique complice.

Prosper poussa un long soupir :

— Il y a, fit-il, qu’il fait chaud ici.

— Chaud ?

— Oui, chaud, très chaud.

Fantômas, impatienté, gourmandait l’ancien cocher :

— Tu es en train de devenir fou. Allons, dépêche-toi. Fouille encore ces armoires. Il faut faire vite. Tiens, j’ai la conviction que c’est dans ce petit bureau que tu trouveras les papiers qui nous intéressent tellement.

Prosper obéit, défonça le meuble et, pendant qu’il procédait à ce travail, il tournait le dos à Fantômas.

Cela était fort heureux, évidemment, sans quoi l’ancien cocher aurait été terrifié s’il avait pu contempler, ne fût-ce qu’un instant, le visage du captif.

Fantômas, en effet, faisait des grimaces et presque des contractions horribles. Le bandit, depuis quelques instants, paraissait souffrir, souffrir de plus en plus, ses yeux se révulsaient, il se mordait les lèvres jusqu’au sang, cependant qu’il faisait des efforts inouïs comme s’il s’efforçait de s’arracher du plancher auquel il était cloué.

Qu’arrivait-il donc à Fantômas, et s’il endurait désormais un nouveau supplice, quelle était la nature de ce supplice ?

Mais Prosper, soudain, quitta le meuble qu’il cambriolait, se pencha à moitié sur le sol regarda attentivement.

Par les interstices du plancher semblait monter un tout petit nuage de poussière, une très légère fumée.

Il se retourna interloqué, regarda Fantômas. Le bandit, faisant un extraordinaire effort sur lui-même, avait repris son masque impassible, mais, chose archi surprenante, tout autour de lui s’élevaient par moments, par intervalles irréguliers, de petits nuages bleuâtres qui se fondaient dans l’air, qui semblaient surgir de dessous le plancher.

— Drôle d’odeur, murmura Prosper, qui, spontanément, courut à la porte d’entrée.

Il l’ouvrit.

Mais il poussa un cri terrible :

Prosper, après l’avoir ouverte, referma brutalement la porte, puis revenait en courant dans le cabinet de travail :

— Nous sommes foutus, nous sommes foutus !

— Qu’est-ce qu’il y a ? interrogea Fantômas, qui avait toutes les peines du monde à conserver à sa voix une intonation naturelle.

Prosper ne pouvait répondre : il était pris d’une effroyable quinte de toux et la chose était compréhensible :

Derrière l’ancien cocher, par la porte un instant entrouverte, était entrée une vague noire, une épaisse bouffée de fumée qui l’avait poursuivi jusqu’au milieu de l’appartement.

C’était une fumée âcre et desséchée, une fumée noire.

Prosper, enfin, lorsqu’il put dire un mot, haleta :

— C’est le feu.

— Parbleu, hurla Fantômas, c’est maintenant que tu t’en aperçois.

Prosper écarquillait des yeux terrifiés. De tous côtés, dans la pièce, par les interstices du plancher, s’élevaient en effet des nuages semblables à celui qu’il avait introduit quelques instants auparavant en ouvrant la porte du palier.

Maintenant, on percevait nettement les craquements sinistres. C’étaient soudain des lames du parquet qui se recroquevillaient, craquaient, ouvrant des abîmes béants par lesquels surgissaient les flammes bleues, rouges, qui lentement, mais sûrement, venaient lécher les tapis, les meubles, s’attaquaient aux rideaux.

— Fantômas, hurla Prosper, la maison brûle. Nous allons être étouffés. Je me débine. Tant pis pour toi.

— Attends donc, hurla Fantômas, cherche encore, Prosper, il est impossible que tu partes avant d’avoir sauvé les papiers de ma fille. Lorsque tu les auras trouvés, tu seras possesseur d’une fortune immense et je mourrai tranquille si je sais que tu te contentes d’en donner une part infime à mon enfant.

En parlant ainsi, Fantômas savait qu’il surexcitait la cupidité de l’infâme voleur.

Et d’ailleurs, Prosper, malgré ses inquiétudes, ne résistait pas au désir de fouiller encore, de fouiller toujours dans les papiers, dans les documents épars qui se trouvaient dans le cabinet de Juve.

Car, à chaque incursion qu’il faisait dans les tiroirs ou les coffrets, il découvrait des choses excellentes à prendre, à défaut des papiers de la fille de Fantômas.

C’étaient en effet, çà et là, des billets de banque, des pièces d’or, quelques bijoux, dont il se bourrait les poches.

Cependant l’incendie gagnait ; Prosper eut une idée :

Un broc d’eau se trouvait à proximité, dans l’angle de la pièce. Il s’en saisit, renversa le contenu sur le meuble que, précisément, il était en train de visiter et qui menaçait de s’enflammer : les pieds du petit bureau étaient déjà calcinés par les flammes.

L’eau qui coulait, ruisselait sur le fauteuil où Prosper avait déposé son revolver, elle noyait l’arme, puis elle tombait ensuite en cascades irrégulières sur le plancher, juste à côté de Fantômas qui, sans laisser échapper un cri, afin de ne point montrer à Prosper les angoisses par lesquelles il passait, souffrait un véritable martyr, car, plus le temps s’écoulait, plus l’incendie faisait de progrès, plus les flammes consumaient de tous côtés le plancher et les meubles.

— Prosper, hurla Fantômas, délivre-moi, je n’en puis plus. Il faut que je sorte d’ici.

Mais Prosper haussait les épaules :

— Débrouille-toi, fit-il, chacun pour soi, dans ces affaires-là.

— Lâche, traître, misérable, hurla le bandit.

— Au revoir, à dimanche, cria ironiquement Prosper qui, ayant enfin cessé de vider les tiroirs de Juve et ayant bourré ses poches d’or et de billets de banque, décidait de s’en aller.

Au moment où Prosper s’approchait de la fenêtre, les vitres, avec un cliquetis sinistre, volaient en éclats et une énorme langue de feu pénétra dans la pièce.

Mais on ne pouvait plus s’échapper par les toits et, comme l’escalier depuis longtemps était consumé, Prosper se rendit compte que toute fuite était désormais impossible.

— Foutu, je suis foutu, hurla-t-il en se tordant les bras.

Il revint vers Fantômas qui, léché de plus en plus par les flammes, poussait d’épouvantables hurlements.

— Canaille, s’écria Prosper, c’est toi qui m’as fourré dans cette histoire-là.

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