La mort de Juve (Смерть Жюва) - Страница 50

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— Tu n’es pas libre du tout, faisait-il tranquillement, tu es toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt, ne l’oublie pas, un mandat d’arrêt signé par moi-même.

— Sans doute, Juve, mais enfin ?

— Stoppe, ordonna le policier.

Comme Fandor hésitait, Juve répéta :

— Arrête-toi donc, animal, fais entrer notre taxi-auto dans ce terrain vague que tu aperçois là-bas. Je connais l’endroit, n’aie pas peur, notre voiture peut passer. Bon, maintenant, va te ranger près de la champignonnière.

Fandor, intrigué, obéissait aux ordres de Juve, conduisait le véhicule près du monticule que le policier lui désignait. L’endroit était sinistre à souhait, désert comme il n’est pas possible. Fandor n’avait pas immobilisé son véhicule, qu’il questionnait à nouveau Juve.

— Mais, bon Dieu de bon Dieu, que prétendez-vous donc faire ?

— Tu vas le voir.

Juve avait sauté du fiacre, il faisait signe à Fandor de venir l’aider. Juve ouvrait la portière du taxi-auto. Blêmes, livides, décomposés, ligotés au point de ne pouvoir faire un geste, bâillonnés à ne pouvoir dire un mot, Pérouzin et Nalorgne s’y trouvaient, croyant leur dernière heure venue.

Juve regarda les deux agents, rit, puis :

— Crois-tu, Fandor, que tu as une belle revanche ? Crois-tu qu’ils ont l’air malheureux ?

La remarque faite, Juve ordonnait :

— Prends-moi Nalorgne par les épaules, pendant que je me charge de Pérouzin. Ah, tu peux ramasser le revolver de Pérouzin, c’est le modèle de la Sûreté, il est excellent.

Fandor, de plus en plus interloqué, se demandait quelles pouvaient être les intentions de Juve. Le policier venait de charger Pérouzin sur ses épaules, avec la même indifférence qu’il eût apportée à transporter un colis.

— Prends donc Nalorgne, répétait Juve, tu n’as pas l’air de te douter que je suis horriblement pressé.

Fandor empoigna Nalorgne et suivit Juve. Le policier se dirigeait alors vers un puits d’aération communiquant avec une champignonnière. Un grand panier était là, suspendu à une corde servant évidemment à descendre les outils de travail nécessaires à la culture des champignons.

— Voilà un ascenseur parfait.

Et, en même temps, il jetait Pérouzin dans le panier.

— Dépose Nalorgne.

Et quand Fandor se fut exécuté, quand Nalorgne eut rejoint dans le grand panier son complice Pérouzin, Juve laissa filer la benne, la fit descendre au fond de la champignonnière.

— À notre tour, dit Juve. Il y a une échelle.

Quelques secondes plus tard Juve et Fandor tiraient Nalorgne et Pérouzin du panier qui avait servi à les descendre, les accolaient à la muraille.

Juve était toujours d’excellente humeur, il se frottait les mains, il riait :

— Et maintenant, mon petit Fandor, déclarait le policier, tu vas me faire le plaisir de prendre ce revolver en main, de t’asseoir dans cette cave, bien en face de ces gaillards-là, et de monter la garde devant eux, jusqu’à ce que je sois revenu te prendre. J’ai à faire.

Mais véritablement, Juve était par trop énigmatique. Il ne donnait pas à Fandor suffisamment d’explications. Le journaliste protesta violemment :

— Non, je ne marche pas. J’aimerais mieux leur rendre la liberté pour vous suivre et savoir ce que vous allez faire. Juve, des explications !

Juve éclata de rire :

— Qu’il soit fait suivant ta volonté. Tu te demandes, Fandor, comment je suis là ? Peuh, c’est excessivement simple. Parce qu’après avoir arrêté Fantômas…

Mais Juve n’en dit pas plus long. À peine avait-il articulé ces deux mots extraordinaires, « arrêté Fantômas », que Fandor avait bondi vers lui :

— Vous avez arrêté Fantômas ? c’est vrai ? vous ne vous moquez pas de moi ? Vous avez arrêté Fantômas ?

— Mais, sans doute. Il est en ce moment proprement ligoté et gentiment cloué au sol, dans un appartement que tu connais, rue Bonaparte.

— Chez vous, Juve ?

— Oui.

Et, du ton dont il aurait annoncé les choses les plus ordinaires, les événements les plus indifférents, Juve, sans souci de Nalorgne et de Pérouzin, qui cependant écoutaient ses paroles, raconta à Fandor les événements survenus depuis son arrestation.

— Mon petit, déclarait Juve, tu penses bien que si j’ai pris le moyen désespéré qu’était ton arrestation pour t’empêcher d’aller recevoir chez moi cet excellent Fantômas, c’est que j’avais l’intention d’être là moi-même au rendez-vous. J’en avais d’autant plus l’intention que, n’étant nullement paralytique, il me paraissait très opportun de profiter de la venue de Fantômas pour, une bonne fois, lui mettre la main au collet. Toi, tu étais lié par un scrupule d’honneur ; moi, je n’étais tenu par rien de semblable. D’ailleurs, entre parenthèses, tu m’avoueras, Fandor, que les scrupules d’honneur sont déplacés avec Fantômas. Tu allais tenir ta parole, toi. Lui ne tenait pas la sienne, puisque sa lettre était blanche. Enfin… Maintenant, Fandor, j’imagine que tu devines la suite. Fantômas, ligoté chez moi, m’avouait, avec une belle tranquillité d’âme, que si j’avais la victoire sur lui, il l’avait sur toi. Je le tenais à ma merci, mais toi, tu revenais accompagné de Nalorgne et Pérouzin qui, dans une lettre chiffrée, avaient reçu les instructions nécessaires pour t’assassiner proprement. Tu vois mon émotion, Fandor ?

— Mon bon Juve !

— Naturellement, je courais au plus pressé. J’abandonnais Fantômas chez moi, à la garde d’un sergent de ville que je faisais monter d’urgence, je téléphonais à la Sûreté, j’apprenais ainsi que Fantômas devait envoyer à Clamart un fiacre conduit par Prosper. Prosper a dû trahir en ne venant pas t’attendre. En tout cas, pour ma part, je me suis emparé d’un taxi-auto, parce que, de la sorte, je facilitais beaucoup la lutte que je prévoyais entre Nalorgne, Pérouzin et nous, puis je suis venu t’attendre. Tu sais le reste.

Tandis que Fandor, ému au plus haut point, semblait prêt à sauter au cou de Juve, tandis que Nalorgne et Pérouzin, épouvantés, s’attendaient d’une minute à l’autre à être proprement expédiés dans l’autre monde, Juve reprenait :

— Donc, voici, en ce moment, où nous en sommes ; toi, tu es sous le coup d’un mandat d’arrêt. Nalorgne et Pérouzin, eux, sont considérés comme d’honnêtes gens. Fantômas, enfin, est immobilisé chez moi, sous la garde d’un agent. Eh bien, mon petit Fandor, je crois que tout cet imbroglio va se dénouer rapidement. Moi, Juve, je vais rentrer d’urgence rue Bonaparte et conduire Fantômas au Dépôt. Fantômas, une fois arrêté, je me débrouille, ce ne sera pas très difficile, pour obtenir que mon mandat d’arrêt te concernant soit rapporté. D’autre part, j’obtiens deux mandats contre Nalorgne et Pérouzin. En possession de ces paperasses, je reviens naturellement te tirer de cette champignonnière, et…

Fandor ne laissa même pas à son ami le temps d’achever.

— Dépêchez-vous, Juve, supplia-t-il, dépêchez-vous. Si vous saviez comme j’ai hâte que vous soyez parti et revenu ? J’ai bien pour trois ou quatre heures à vous attendre, cela va me sembler terriblement long. Mais tout de même, Fantômas est arrêté. Ah, Juve. Juve, je crois que cette fois nous avons enfin débarrassé le monde du Maître de l’Effroi, du Roi de l’Épouvante.

Juve, qui remontait l’échelle de la champignonnière, répondait simplement :

— Je le crois aussi, Fandor. Je l’espère.

25 – LE CHÂTIMENT

— Imbécile, triple imbécile.

À peine Juve avait-il quitté en hâte son appartement de la rue Bonaparte, que cette exclamation retentissait, s’échappait de la bouche en furie de Fantômas, cependant que le monstre, réduit à l’impuissance et cloué sur le plancher comme une chouette le long d’un mur, s’efforçait en vain d’arracher les liens qui le retenaient et l’immobilisaient ainsi, le laissant à la merci de son adversaire.

— Imbécile, répéta Fantômas, en écumant de rage.

Ces injures s’adressaient à l’agent de police que Juve avant de s’en aller avait posté dans son cabinet de travail, revolver au point, avec l’ordre de briser les membres de Fantômas si d’aventure le bandit s’efforçait de vouloir s’échapper.

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