La mort de Juve (Смерть Жюва) - Страница 49

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Les deux agents hâtaient le pas, entraînaient Fandor jusqu’à la hauteur du taxi-auto. Il avait le drapeau levé la voiture était libre, mais on ne voyait pas le chauffeur.

Pour le coup, Nalorgne s’emporta.

— Je parie qu’il a été boire. Ah sapristi !

Pérouzin cependant appelait à tous les échos :

— Mécano, mécano, le mécanicien du taxi-auto !

— Eh ben, quoi, me voilà, c’est pas la peine de faire tant de potin, les bourgeois, montez dans la bagnole, j’en ai pour deux minutes de réparation.

Le conducteur du taxi-auto était tout bonnement étendu sous sa voiture, invisible. Nalorgne se pencha :

— Ah vous êtes là ? C’est vous, Pros…

Mais le nom qu’il allait dire, le nom que Fandor guettait, Nalorgne ne le prononça pas.

Il se redressa rapidement, il ouvrit la portière du véhicule, y poussa Fandor :

— Embarquez et rapidement, ou sans ça…

La gueule d’un revolver brilla dans l’obscurité, Fandor haussa les épaules, monta.

— C’était Prosper qu’ils attendaient, se disait Fandor et ce n’est pas Prosper qui est là. Est-ce un complice ou un honnête conducteur de taxi-auto ?

Fandor n’eut guère le temps de réfléchir plus avant. Nalorgne venait de souffler quelque chose à l’oreille de Pérouzin, et celui-ci après avoir grimpé à son tour dans le fiacre, s’asseyait à côté de Fandor, refermait la portière.

Nalorgne disait tranquillement au chauffeur :

— Dépêchez-vous, mon ami, nous sommes des agents de la Sûreté, et vous avez pu voir que l’individu que nous emmenons porte des menottes. C’est un criminel dangereux. Il s’agit de ne pas perdre de temps. Je vais monter à côté de vous sur le siège. Je vous indique le chemin.

Tandis que Fandor, tout yeux et tout oreilles, s’efforçait de saisir les moindres indices susceptibles de le renseigner sur la destination du taximètre, qui venait de démarrer, tandis qu’il se faisait cette réflexion que Nalorgne guidait le taxi-auto, non point dans la direction de Paris, mais vers les terrains déserts du Petit-Bicêtre, Pérouzin, à l’improviste, tirait son revolver et le braquait sur le jeune homme :

— Maintenant, avait-il dit, tâchez de comprendre, Fandor, si vous vous permettez de faire un geste, de dire un mot, d’essayer d’attirer l’attention, je vous brûle la cervelle. C’est l’ordre de Fantômas. Si au contraire vous êtes sage, et vous laissez mener là où nous vous conduisons, il ne vous sera fait aucun mal. Pour l’instant du moins.

Pérouzin, sans doute, s’attendait à quelque geste apeuré du journaliste, à ce que le prisonnier, au moins, manifestât une surprise. Ce fut lui, en réalité, qui demeura stupide sous le coup d’une stupéfaction sans bornes. En réponse à sa menace, Fandor avait éclaté de rire. Et Fandor riait, riait si fort, semblait s’amuser à un tel point qu’une peur subite s’emparait de Pérouzin.

— Mais que diable avez-vous ? demandait l’agent, qui pour mieux le regarder dans les yeux, s’avançait sur sa banquette, tournait le dos au siège sur lequel était assis Nalorgne et le conducteur.

Et alors dans la voiture il se déroula une scène étrange. À peine Pérouzin avait-il menacé Fandor de son revolver que, brusquement, le journaliste levait ses deux mains attachées par les menottes aux poignets, les passait avec une rapidité folle derrière la tête de Pérouzin pris ainsi dans une sorte de collier, et Fandor attirait l’agent sur sa poitrine, lui serrait la tête sur ses vêtements avec une force que décuplait la rage, il l’étouffait à moitié. Pérouzin, pris à l’improviste, laissait échapper son revolver sur lequel Fandor s’empressait de mettre le pied, puis le journaliste hurlait :

— C’est fait, Juve, vous pouvez arrêter.

Qu’est-ce que tout cela voulait donc dire ? Pourquoi avec une brusquerie soudaine le taxi-auto stoppait-il ? Pourquoi le conducteur sautait-il à bas de son siège cependant que Nalorgne demeurait lui, immobile sur ce même siège ? Le conducteur après avoir immobilisé son véhicule, avoir arrêté le moteur, –  c’était visiblement un homme précautionneux —, courait à la portière voisine de Fandor. Il ouvrait cette portière, il avait dans ses mains, de longues courroies, en une seconde, il avait lié, de main de maître, les pieds de Pérouzin, en une seconde, il lui avait ligoté les bras :

— Tu peux lâcher, Fandor. La bête enragée est hors d’état de nuire.

Alors Fandor lâcha la tête du malheureux Pérouzin, tendit ses bras encore pris par les menottes au conducteur :

— Si ça ne vous fait rien, mon cher Juve, j’aurais un certain plaisir à ce que vous me débarrassiez de ces affaires-là. C’est incommode en diable.

Que s’était-il donc passé ?

***

— Mon petit Fandor, je suis content de te voir.

— Mon cher Juve, vous êtes la plus détestable rosse que j’aie jamais rencontrée.

— Vraiment ? et pourquoi cela ?

— D’abord, vous n’êtes pas paralytique.

— Tu me le reproches, Fandor ?

— J’en aurais presque envie. Quand je pense que depuis six mois, vous vous faites soigner, dorloter, plaindre, par tout le monde, alors que vous vous portez comme le Pont-Neuf.

— Je t’expliquerai.

— Ensuite, je vous en veux pour la façon dont vous m’avez fait arrêter.

— Je n’avais pas d’autres moyens, Fandor, pour te faire tenir tranquille.

— Possible, mais tout de même.

— Il n’y a pas de tout de même.

Depuis dix minutes, Jérôme Fandor était libre. Nalorgne, immobilisé par des poucettes, que Juve lui avait passées à l’improviste, tout en conduisant de l’autre main le taxi-auto, avait été transporté à l’intérieur de la voiture où il avait rejoint Pérouzin, atterré lui aussi. Et maintenant, Juve et Fandor, assis sur le siège, causaient, cependant que le véhicule expertement guidé par Fandor allait bon train.

— Juve, continuait le journaliste, je ne comprends rien du tout à ce qui se passe. D’abord, où me menez-vous ? Ensuite, comment êtes-vous là ? Enfin qu’allons-nous faire de Nalorgne et de Pérouzin ?

— Procédons par ordre. Dis-moi d’abord ce qui t’es arrivé depuis le moment où tu as si gentiment embarqué Pérouzin, et je te dirai ensuite…

En peu de mots, Jérôme Fandor fit le récit de ses propres aventures depuis le moment où Juve l’avait fait arrêter à Saint-Martin, jusqu’au moment où, en compagnie de Nalorgne et Pérouzin, il était arrivé à Clamart.

— Ma parole, continuait Fandor, quand nous avons aperçu votre taxi-auto, quand Nalorgne s’est penché en demandant : « C’est vous, Pros… ? » je n’aurais pas donné cher de ma vie, je me croyais bel et bien fichu.

— Et alors ?

— Et alors, bien entendu, je ne vous ai pas reconnu, mon bon Juve, car vous étiez sous votre voiture.

— Précisément pour que l’on ne me reconnaisse pas.

— Je suis donc monté docilement dans cette auto, et je m’attendais aux pires événements, lorsque j’ai vu votre main, votre main droite qui, avec ostentation, frappait contre la vitre. Donc, votre signe de la main a attiré mon attention sur la vitre du fiacre. J’y ai lu tout naturellement l’avis que vous aviez gravé :

T’inquiète pas, Fandor, c’est moi, Juve, qui mène ce taxi-auto, tâche d’immobiliser Pérouzin, je me charge de Nalorgne.

Je me suis acquitté de ma partie de concert. Pérouzin, qui ne s’attendait à rien, a très gentiment accepté de venir dans mes bras, et ma foi, c’est tout. Mais comment diable êtes-vous ici ?

Le taxi-auto filait toujours dans la nuit noire. De temps à autre, Juve, d’un signe de la main, indiquait à Fandor la direction qu’il importait de prendre, une direction bizarre qui rapprochait certainement le véhicule de Paris, mais qui, cependant, n’était pas le chemin le plus court pour gagner la Préfecture.

— Ah çà, faisait-il, vas-tu me reprocher d’avoir remplacé Prosper, car c’était Prosper qu’ils attendaient, sur la présence duquel ils comptaient, ces bandits. Aimerais-tu mieux…

— Ne plaisantez donc pas, Juve, vous devriez comprendre mon impatience. Je vous quitte paralytique, je vous retrouve agile comme un zèbre. J’arrive prisonnier et cinq minutes après je suis libre, il y a bien de quoi…

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