La mort de Juve (Смерть Жюва) - Страница 36

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— Ah bah, comment savez-vous cela ?

— Simple déduction. On a présenté une lettre recommandée chez M. Fandor. Il était absent. La concierge a dit qu’il serait certainement là pour la seconde levée. Le facteur a promis de revenir à seize heures. Nous serons sur place.

— Vous nous ferez visiter Cherbourg une fois l’arrestation opérée ? demanda Nalorgne, cependant que Pérouzin précisait :

— Vous qui êtes de la police et sur place, vous devez connaître les endroits où l’on s’amuse, les cafés où l’on trouve des petites dames ?

— Je crois bien, je ne connais que ça. Autre chose. Voulez-vous me permettre d’émettre une opinion ?

— Parlez.

— Tout d’abord, est-ce que vous possédez le signalement de Jérôme Fandor ?

— Bien sûr, répondit Nalorgne, c’est un garçon ni grand ni petit, tenez, à peu près votre taille. Mais les cheveux aussi blonds et le teint aussi clair que votre peau est basanée et vos cheveux noirs.

— Bien, Vous seriez donc capables de le reconnaître dans une foule ?

— Mais naturellement.

— Dans ces conditions, je vais vous dire ce qu’il faut faire. Parfaitement inutile que vous alliez rue de la Marine, au domicile de ce journaliste. Il se sait traqué, ça je vous jure qu’il le sait, ne reparaîtra pas chez lui. Il va faire tout son possible pour quitter Cherbourg, voyons. Or, il y a trois moyens de s’en aller de Cherbourg.

— Lesquels ?

— Primo, s’embarquer à bord d’un des navires qui font escale à Cherbourg. (Fandor n’emploiera pas ce procédé de fuite car il sait par expérience que l’on est toujours pincé, lorsqu’on s’évade de cette façon). Rappelez-vous seulement que Fantômas lui-même, Fantômas fut pris à bord d’un transatlantique entre Liverpool et le Canada.

— C’est exact.

— Reste deux autres moyens. Secundo, partir par le train. Je vous conseille vivement d’aller l’un et l’autre vous poster à la gare et d’y exercer une surveillance active. Méfiez-vous des gens à grande barbe, des voyageurs porteurs de lunettes bleues. Ces physionomies-là doivent toujours être suspectes aux policiers subtils, car elles cachent un déguisement le plus souvent.

— Mais vous avez absolument raison, s’écria Pérouzin enthousiasmé.

— Et le troisième moyen ? demanda l’autre.

— Le troisième, partir à pied dans la campagne, fournir des réponses trop nombreuses pour qu’on puisse suivre la piste. Donc, il faut s’occuper du deux.

— Ne perdons pas une minute. Allez à la gare et restez-y jusqu’à ce que je vous rejoigne. Moi, je m’en vais pendant ce temps-là dans les rues, interroger les passants, questionner les agents de police, confesser les cochers de fiacre. Et ce soir, à nous les petites dames.

Deux minutes plus tard, le faux policier, en effet, se retrouvait bien dans la rue. Le journaliste consultait sa montre :

— Quatre heures moins dix, et le facteur qui doit venir à quatre heures, je n’ai que le temps.

Fandor approchait du numéro cent cinquante de la rue de la Marine, lorsqu’il s’arrêta soudain :

— Bougre de bougre, j’allais faire une jolie gaffe, rentrer chez moi, méconnaissable comme je suis, mais la logeuse ne me recevrait pas.

Fandor n’hésita pas. Il entra chez le pharmacien :

— Monsieur, lui dit-il, j’ai une terrible rage de dents et des migraines épouvantables.

— Il faut, déclara l’apothicaire, vous protéger la figure contre le vent et le froid.

— Voulez-vous me donner de l’ouate, des bandes de toile fine ?

Le pharmacien déféra au désir du client.

Ne laissant passer que les yeux, Fandor paya rapidement et disparut de la boutique, laissant le pharmacien tout ahuri par la fébrile activité de ce client. Puis, hardiment, il se présenta au bureau de l’hôtel modeste où il avait loué une chambre meublée. En présence de la logeuse il poussa des soupirs à fendre l’âme :

— Que je souffre ! que je souffre, vite, donnez-moi ma clef, madame, le vingt-cinq, que je monte me coucher.

— C’est-y possible, mon Dieu, d’avoir des douleurs pareilles voulez-vous que je vous prépare quelque chose, mon bon monsieur ?

— Non, non, merci, madame, avec du repos, ça ira mieux. Au fait, disait-il, je n’y suis pour personne, si l’on venait me demander, sauf toutefois pour le facteur qui doit m’apporter une lettre.

La recommandation faite, Fandor gagna la chambre qu’il occupait au premier étage, se débarrassa de son pansement, puis, s’asseyant sur une chaise, il attendit.

Un bon quart d’heure passa. Soudain, un coup discret retentit à la porte.

Le journaliste ouvrit :

— Donnez-vous donc la peine d’entrer.

— Monsieur Jérôme Fandor, n’est-ce pas ? interrogea l’employé des postes, qui ayant tiré de son grand sac une lettre ainsi qu’un livre à signer, tendait les deux objets à Fandor.

Le journaliste trempait sa plume dans l’encre.

« C’est amusant pensa-t-il, de signer de mon nom sur ce livre, alors que la police entière semble être à mes trousses. On ne dira pas que je cherche à me cacher ».

Le facteur était prêt à partir, Fandor le rappela :

— Une minute, mon brave, prenez donc ce petit pourboire.

Le journaliste tendit cinquante centimes au brave homme, mais la pièce lui glissa des doigts, roula sur le plancher, jusqu’auprès de la fenêtre, tout à l’opposé de la porte. Le facteur se précipita.

Comme l’excellent employé cherchait à retrouver cette petite gratification, Fandor, décidément en gaieté, tout à coup, changea d’idée :

— Après tout, fit-il, il est bon que je fasse connaître à mes poursuivants mon intention de ne plus demeurer ici.

Il prit son chapeau et jeta sur la table une pièce de vingt francs, en criant au facteur :

— Vous paierez ma note et garderez la différence, je n’en ai pas pour quatorze francs.

Puis, prestement, il disparut, enfermant l’homme des P.T.T. à double tour. Lorsqu’il passa devant la loge, il lança à la logeuse cet étrange adieu :

— Je vous souhaite bien le bonsoir, madame, mais je vous conseille de monter délivrer un prisonnier, si vous ne voulez pas avoir d’histoires avec l’administration.

Parvenu dans une rue déserte, Fandor tira enfin de sa poche la lettre recommandée qu’il avait reçue. L’adresse était rédigée d’une écriture de femme dont la seule vue fit tressaillir le journaliste : l’enveloppe portait le cachet de Saint-Martin (Manche).

La lettre disait :

Mon cher Fandor,

C’est une mourante qui vous adresse son suprême adieu. Vous savez que j’ai voulu en finir avec la vie, je n’ai pas complètement réussi, mais le Ciel va exaucer mes vœux. On m’a transportée dans ce château, non loin de vous, je mourrais contente, si je pouvais une fois encore vous voir, vous dire combien je vous aimais, oui, aimais.

Hélène.

18 – CONCERT AU VILLAGE

Saint-Martin compte trois cents habitants.

La mère et le père Pié habitaient à la sortie du village, une maisonnette si modeste, si petite, qu’elle n’attirait point le regard. On l’eût volontiers ignorée derrière les grands arbres qui la séparaient du chemin, si perpétuellement, elle ne s’était emplie de criaillements, de bruits de disputes, de jurons, de courses précipitées. Deux vieillards qui habitaient là, qui s’aimaient tendrement et se le prouvaient en se disputant du matin au soir.

Des paysans, des paysans de vieille souche, attachés à leur sol, amoureux de leurs terres, avares de leurs biens, voilà ce qu’étaient les Pié, dont le mari, jadis, avait été charron, dont la femme avait été mercière et qui maintenant, retirés des affaires, étaient persuadés avoir fait fortune parce qu’ils pouvaient sans trop de mal joindre les deux bouts, alors même que les blés étaient mauvais ou que l’avoine n’avait pas donné.

Le père Pié immobilisé sur le seuil, criait :

— T’as toujours peur de tout, la mère. T’as peur, et l’on ne peut pas tant savoir seulement pourquoi ? Des idées que tu te fais.

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