La mort de Juve (Смерть Жюва) - Страница 34

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Une heure plus tard, l’amiral s’entretenait de nouveau avec le lieutenant de Kervalac, Minutieusement, le chef de l’escadre avait interrogé les hommes de l’équipage de L’Œuf, convoqués d’urgence à bord du vaisseau-amiral. Minutieusement, il avait examiné, avec le jeune commandant, les charges pesant contre Fandor, et maintenant la conviction de l’amiral Achard était faite. Très pâle, les yeux jetant des éclairs, l’amiral Achard déclara :

— Vous avez raison, lieutenant, Jérôme Fandor, qui doit être un traître à la solde de quelque puissance étrangère, a bien voulu la perte de L’Œuf, c’est bien Jérôme Fandor qui pilotait la barque à bord de laquelle la jeune fille s’est enfuie. Nous allons porter plainte contre Jérôme Fandor, il faut, coûte que coûte, que ce misérable soit pris.

Au moment de sortir de son salon, l’amiral Achard posa sa main sur l’épaule du lieutenant de Kervalac :

— Lieutenant, vous avez eu tort d’accepter d’embarquer quelqu’un sur un ordre du ministère sans m’en référer. Vous avez eu tort surtout d’embarquer une femme alors que le permis de rester à bord de L’Œufétait libellé au nom d’un homme. Commandant, vous méritez d’être puni, je vous inflige trente jours d’arrêt.

L’amiral Achard se tut une seconde, puis brusquement, avec des larmes dans les yeux, il ouvrit ses bras au jeune officier, il serra sur son cœur le vaillant commandant de L’Œuf :

— Ah, mon enfant, mon enfant, murmurait le supérieur, vous avez été d’une vaillance que rien n’égale, votre présence d’esprit a sauvé votre navire et vos hommes, votre sang-froid vient de nous faire découvrir une épouvantable trahison. Ce soir-même, j’écrirai à notre ministre. Il y a en France une petite chose qui n’est rien et qui récompense cependant les hommes qui vous ressemblent. Mon enfant, c’est la croix des braves, je la demanderai pour vous, on ne pourra me la refuser.

***

Tandis que le lieutenant de Kervalac portait contre lui, auprès de l’amiral Achard, les plus terribles accusations, Fandor errait dans Cherbourg, en proie au désespoir.

Le jeune homme, certes, n’avait pu avoir la moindre idée tout d’abord des effroyables dangers courus par L’Œufau cours de son voyage de plongée. Il avait été pris d’une inquiétude grandissante au fur et à mesure que, les heures s’écoulant, le sous-marin n’avait pas regagné son port d’attache, le point des quais où il s’amarrait d’ordinaire. Fandor avait passé une nuit terrifiante à attendre le retour du submersible.

En désespoir de cause, il s’était rendu au sémaphore. Il interrogeait l’un des hommes de garde, demandait si rien d’anormal n’avait été aperçu du côté du ponton de renflouement.

Non.

Vers onze heures du soir, une barque à voiles s’était détachée des pontons, avait paru manœuvrer bizarrement, puis s’était éloignée vers le large. C’était tout ce que l’on savait, car la nuit avait empêché d’observer exactement quelle avait été la manœuvre.

Résigné, Fandor revint vers le port, espérant enfin apprendre le retour du submersible, puis il erra dans la ville, il retourna au sémaphore, il redescendit encore au petit matin vers les jetées. Et soudain, une rumeur sinistre éclatait. Une catastrophe s’était produite, le sous-marin avait failli couler, torpillé mystérieusement, puis il était parti à la dérive, un torpilleur l’avait rencontré heureusement, l’avait ramené en grande rade. On parlait d’un drame, d’une femme qui s’était tuée, d’une barque montée par un inconnu qui l’avait emportée au lointain. Bouleversé, Fandor se précipita vers le port militaire. Là, les rumeurs étaient plus précises. Et c’est d’un quartier-maître embarqué sur Le Couragequ’il apprit cette chose invraisemblable :

— Ah, pour sûr qu’il y a du raffut à bord de L’Œuf. Une donzelle qui se tue à moitié, qu’un de ses amants vient sauver. Le submersible qui manque de recevoir une torpille. Mais on connaît l’auteur de tous ces trucs-là… Paraît que c’est un journaliste, un certain Fandor, et l’on est sur sa piste. Ah malheur, si c’est jamais quelqu’un de la flotte qui lui met la main au collet, il y a des chances pour qu’il soit emporté en morceaux au poste.

Fandor questionna encore. Il apprit ainsi qu’Hélène n’était pas morte. Il crut comprendre que c’était son père, Fantômas, qui avait dû la sauver. Puis, se rendant compte du terrible danger qu’il y avait pour lui à demeurer plus longtemps près de l’arsenal, et terrifié des accusations portées contre sa personne, sans qu’il pût rien actuellement pour s’en défendre, il se décida à s’éloigner, la mort dans rame.

17 – À MORT FANDOR

Tandis que ces événements se déroulaient avec une étourdissante rapidité à Cherbourg et dans ses environs, Juve, péniblement installé dans sa villa de Saint-Germain, avalait sa camomille.

Il buvait sa tisane un peu trop chaude à petites gorgées, et pendant ce temps-là, alors qu’il s’interrompait pour souffler sur le liquide brûlant, d’un regard en coulisse, légèrement narquois, il surveillait une personne attentive à ce qu’il faisait, à côté de son lit. La personne en question, qui venait d’apporter à Juve sa tasse de camomille, paraissait prendre le plus vif intérêt au policier. Juve avait désormais une compagne, et celle-ci n’était autre que la demi-mondaine qui lui avait été adressée par Nalorgne et Pérouzin, Irma de Steinkerque, venue au lieu et place d’Hélène.

Et cette femme, excellente au fond, s’était instituée avec ardeur la garde-malade de celui dont elle rêvait de devenir la femme.

— Vous ai-je bien préparé cette camomille, monsieur Ronier ?

— Elle est excellente.

— Alors, monsieur Ronier, cela ne vous a pas attristé d’apprendre que je ne m’appelais pas Irma de Steinkerque ?

— Mais pas le moins du monde, chère madame, il est de ces noblesses qu’il faut acquérir parfois par nécessité, je ne suis pas bien instruit, toutefois, je sais encore que Steinkerque est le nom d’une ville, d’une bataille, et même d’une rue à Montmartre, et je sais aussi qu’il n’est porté par aucune famille figurant au Gotha, ni même au Bottin.

— Au Bottin, mon nom y figure. C’est celui de mes parents qui, comme je vous l’ai déjà dit, possèdent un petit commerce en Normandie, à Saint-Martin. Alors, ça ne vous offusque pas que je m’appelle Irma Pié ?

— Non, tous les noms, même les plus roturiers sont honorables du moment qu’ils sont bien portés.

— Vous vous moquez de moi ?

— Mais jamais de la vie. J’aurais mauvaise grâce, d’ailleurs, à railler une personne aussi affable que vous, aussi dévouée.

— Dites aussi aimante, monsieur Ronier.

Le vieux domestique parut :

— Ce sont ces messieurs, MM. Nalorgne et Pérouzin.

— Faites-les monter.

Jean se retira, non sans avoir jeté à la demi-mondaine un regard de mépris courroucé, car le vieux domestique voyait d’un mauvais œil l’intrusion de cette femme au chevet de son maître.

Irma, de son côté, toutefois, aussitôt qu’elle avait entendu annoncer les visiteurs, se levait, traversait la pièce :

— Je ne veux pas être importune, dit-elle, je passe dans le salon voisin.

Juve l’approuva. Quelques instants après, il recevait Nalorgne et Pérouzin. Les deux associés arrivaient avec l’air grave, important. On eût dit les témoins d’un duel ou des croque-morts.

— Monsieur Ronier, déclara Nalorgne, nous venons vous faire nos adieux. D’importantes affaires nous contraignent à partir en voyage et il se passera quelque temps avant que nous n’ayons le plaisir de vous revoir.

— L’ennui sera pour moi, fit Juve poliment.

— Nous venons, mon associé et moi, d’être l’objet, de la part du gouvernement, d’une haute distinction.

— Vous a-t-on nommés chevaliers de la Légion d’honneur ? demanda Juve, ou ambassadeurs en Chine ?

— Pas encore, déclara Pérouzin, mais nous sommes nommés inspecteurs auxiliaires du service de la Sûreté.

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