La livree du crime (Преступная ливрея) - Страница 9

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Juve ne tint aucun compte de l’attitude de la jeune femme de chambre qui se demandait évidemment à qui elle avait affaire. Il continuait son interrogatoire, le précisait, espérant surprendre par la vivacité de ses questions la jeune bonne qui se trouvait devant lui.

— Vous revenez de faire vos courses ? Lesquelles ?

— Mais, celles que Madame m’avait données. J’ai été chez sa couturière, puis chez la modiste, j’ai passé chez le fourreur.

— Bon, bon, et où est madame ?

— Madame ? mais je pense qu’elle est avec monsieur, ici.

Juve, pour le coup, tapa du pied. Est-ce que la jeune fille se moquait de lui ? Est-ce qu’elle ignorait ?

— Voyons, Mademoiselle, reprit Juve, entraînant la petite bonne dans le salon et fermant la porte au nez de M. Casimir, s’apprêtant à le suivre. Voyons Mademoiselle, savez-vous ce qui s’est passé ici ?

— Je n’y comprends rien du tout monsieur, on m’a dit que M. Sébastien avait eu des ennuis. Rien de grave j’espère ?

— Si, au contraire. Votre malheureux maître, a reçu le contenu d’un bol de vitriol à la figure. Il est probable qu’on le sauvera, mais il est probable aussi que ce crime aura de terribles conséquences pour lui. Mais il ne s’agit pas de cela, les soins à donner à M. Sébastien ne nous regardent ni l’un ni l’autre et n’intéressent que le médecin. Vous allez me dire exactement votre emploi du temps depuis hier soir huit heures ?

Juve tout en questionnant, ne perdait pas de vue le visage de son interlocutrice. Or, il crut la voir tressaillir.

— L’emploi de mon temps, monsieur, le voilà : je n’ai rien fait que ce qui m’a été commandé. Hier soir, à huit heures, je suis sortie pour quelques commissions et j’ai été causer dans la loge des concierges, puis, j’ai causé avec M me Thorin la directrice du bureau de placement qui m’a envoyée ici, et enfin vers les dix heures, je suis rentrée, après avoir mis à la poste les lettres que M. Sébastien et madame m’avaient données.

— Où avez-vous couché, mademoiselle ?

— Mais ici, monsieur.

— Bon. À quelle heure vous êtes-vous levée ?

— À sept heures, sept heures moins le quart, ainsi que madame me l’avait recommandé.

— Et vous n’avez rien vu de suspect ? rien entendu d’extraordinaire pendant la nuit ?

— Absolument rien.

— C’est très bien, mademoiselle. Et qu’avez-vous fait une fois levée ?

— Je me suis dépêchée de m’habiller, puis je suis sortie sans faire de bruit, comme madame me l’avait recommandé, pour me rendre, ainsi que je l’ai dit à monsieur, chez la teinturière, le couturier, la modiste, le fourreur…

— Pas si vite, pas si vite.

Il se leva, il alla dans un angle du salon, où, sur un petit meuble, se dressait un appareil téléphonique :

— Le nom et l’adresse des fournisseurs ?

Juve y consacra près de trois quarts d’heure. Avec une précision extrême, en effet, le policier vérifia l’itinéraire que la jeune bonne affirmait avait suivi. Il était parfaitement exact. Dans les différentes maisons où Adèle prétendait s’être présentée, Juve obtint confirmation de son passage. La bonne avait dit la vérité. Elle était bien partie le matin de bonne heure faire des courses urgentes pour sa patronne, elle était bien passée, aux heures où elle le disait, chez les fournisseurs qu’elle indiquait, et le temps même qu’elle avait mis à effectuer ces différentes courses était normal, raisonnable. Elle n’avait pas pu faire autre chose.

Juve, convaincu, raccrocha :

— Vous avez bien de la chance, déclara-t-il, à la jeune bonne, accompagnant cette fois ses paroles d’un sourire aimable, vous avez bien de la chance d’avoir été envoyée faire des courses ce matin, et qu’on puisse vérifier. Savez-vous que tout à l’heure encore, ne vous voyant pas ici, vous croyant disparue, je pensais… Mademoiselle, savez-vous où est votre patronne ?

— M me Rita ? Mais n’est-elle pas ici ?

— Non.

Elle est sortie alors ?

— Ce que je vous demande, c’est précisément si vous pouvez avoir une idée de l’endroit où M me d’Anrémont a pu aller ce matin, ou cette nuit ?

— Comment « ou cette nuit ? »

— Dame, mademoiselle, le crime a été commis cette nuit même. J’imagine que M me d’Anrémont devait être sortie avant, car, sans cela, il serait inadmissible qu’elle ait quitté M. Sébastien sans donner l’alarme, ou du moins, sans avertir de ce qui venait de se passer. De deux choses l’une, vous comprenez bien : ou M me d’Anrémont devrait être ici, ou elle doit ignorer ce qui s’est passé.

— Je n’ai vraiment pas de chance, moi qui ai si besoin de travailler, moi qui pensais avoir trouvé une bonne place, voici que dès le premier jour…

Mais Juve ne lui laissa pas le temps de se lamenter :

— Venez, mademoiselle.

Juve refit en compagnie de la camériste le tour des pièces situées au rez-de-chaussée. La jeune bonne fut formelle dans ses affirmations.

Juve et le concierge ne s’étaient pas trompés, de nombreux bibelots avaient disparu et même un petit meuble fracturé auquel ni Juve, ni Casimir n’avaient prêté attention, avait contenu une certaine somme d’argent.

— Quand je me suis présentée, disait Adèle, madame m’a donné le denier à Dieu, bien que ce ne soit pas l’usage, mais elle devait être très généreuse, et elle a pris des pièces d’or dans ce tiroir. Il y avait aussi des billets de banque.

Juve s’approcha du petit meuble, l’examina, claqua la langue, enchanté :

— Hé, hé, je vous crois… Cette petite table qui a l’air si légère, c’est tout simplement un véritable coffre-fort.

Et renseigné, édifié sur le cambriolage qui avait accompagné la tentative d’assassinat, qui l’avait motivée peut-être, Juve poursuivit son enquête :

— Enfin, en ce qui vous concerne, vous n’avez rien entendu du tout pendant la nuit ?

— Rien du tout, monsieur, en effet. C’est bien heureux tout de même, car enfin, si j’avais entendu du bruit, je serais descendue et bien probablement, les assassins se seraient jetés sur moi.

— Et maintenant, menez-moi au dernier étage, je suis curieux de voir la pièce où vous avez couché.

Juve monta l’escalier derrière la femme de chambre, il compta deux étages :

— Voici ma chambre, annonça Adèle.

Juve y pénétra, jeta un rapide coup d’œil à la malle de la jeune fille, qu’elle n’avait point encore défaite, ferma la porte. Puis, la porte une fois close, Juve brusquement :

— Monsieur Casimir.

— On m’appelle ? Qu’est-ce qui me demande ?

Juve était déjà sur le palier de l’escalier, il calma le concierge :

— Rien, rien, c’est une erreur, ne bougez pas… C’est extraordinaire, mademoiselle, vous avez vu, je n’ai pas crié bien fort, et M. Casimir, qui n’était pourtant pas prévenu, m’a parfaitement entendu. Comment se fait-il que vous, cette nuit, vous n’ayez rien entendu au premier étage, c’est-à-dire, exactement à quelques mètres de vous ?

— Mais, monsieur, je ne sais pas, moi. Je dormais.

— Évidemment, vous dormiez.

Juve et la petite bonne se tenaient toujours sur le palier. Or, à l’étage inférieur, il y eut un bruit de portes et une voix appela :

— C’est vous, monsieur Juve ?

— C’est moi, Docteur.

— Si vous voulez interroger le blessé, vous pouvez venir maintenant, je viens d’achever de le panser, je vais lui faire avaler une potion qui l’aidera à dormir, le mieux serait que vous veniez le voir avant qu’il ne repose.

Juve n’en demandait pas davantage.

Précipitamment, il descendait rejoindre le médecin non sans avoir donné l’ordre à Adèle de descendre au rez-de-chaussée et de l’attendre en compagnie de Casimir.

Les pansements étaient finis, la tête du jeune homme disparaissait sous des flocons de ouate, serrés par des bandes de tarlatane, on ne voyait rien de son visage. Il geignait continuellement, visiblement en proie à de terribles douleurs.

— Eh bien ? vous le sauverez ?

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