La livree du crime (Преступная ливрея) - Страница 8

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La Guêpe était chez Marie Bernard, la femme du terrassier, la brave mère de famille qui vaquait aux soins incessants du ménage où régnait un perpétuel désordre, provoqué par trois mioches, dont le plus jeune avait dix-huit mois, cependant que l’aîné, une jolie fillette, répondant au nom de Germaine, atteignait à peine sa cinquième année.

— Alors, Marie Bernard, fit la fleuriste, ça va ?

— Pas trop mal, en ce moment, oui.

— Et le terme ?

— Eh bien voilà, répliqua l’ouvrière, c’est justement le terme qui est le chiendent. Oh, j’ai bien trente francs de côté, mais il en faudrait quatre-vingts, et cinquante balles comme ça, du jour au lendemain, ça ne se trouve pas sous le pied d’un cheval.

— Sûrement, approuva la Guêpe.

— Heureusement, poursuivi Marie Bernard, que cette bonne M me Gauthier m’a annoncé sa visite. J’ai reçu d’elle un mot de billet me disant qu’elle allait venir cet après-midi.

— M me Gauthier ? interrogea-t-elle, comme si elle fouillait sa mémoire, qui est-ce donc ? Ah oui, cette dame du grand monde qui paie le supplément des loyers aux gens du quartier, histoire de faire la charité et de se réserver une place au Paradis.

— Tu peux toujours chiner, protesta Marie Bernard, c’est rudement agréable de connaître une personne comme ça.

— Possible, fit la Guêpe.

— Sans doute, poursuivit l’ouvrière, que tu n’en voudrais pas, la Guêpe, t’es bien trop fière, trop orgueilleuse, pour accepter un secours. Mais si t’avais, comme moi, des mioches et un ménage, tu ne ferais peut-être pas tant la difficile.

La fleuriste soupira :

— C’est possible, après tout. Vois-tu, Marie Bernard, le tort qu’on a dans la vie, c’est de juger les autres d’après soi. Avant de critiquer, faut se mettre dans la peau de ceux qu’on critique.

— Bien parlé, la Guêpe, fit une grosse voix. Quand j’aurai des rentes, je te prendrai pour maîtresse d’école, tu donneras des leçons à mes mignards.

Les deux femmes se retournèrent, quelqu’un entrait dans le logement. C’était l’époux de Marie Bernard, le terrassier Bernard.

— Je me sauve, dit la Guêpe, c’est l’heure de votre dîner, bon appétit.

Bernard, d’un geste lent, défit le sac qu’il portait sur le dos, il le lâcha, et du fardeau s’échappait un nuage de poussière blanche.

— C’était pas la peine que je fasse les carreaux ce matin, s’écria Marie Bernard, les voilà déjà sales ! Ah, les hommes, ça ne sait pas. Partout où ça passe, ça fait des dégâts.

Le terrassier, cependant, s’approchait de sa femme, la prenait par la taille, l’attirait près de lui :

— Bonjour, la Marie. Allons, fais pas la gueularde, j’y mettrai un coup ce soir à tes carreaux, il n’y paraîtra plus. Embrasse ton homme.

Mais à peine avait-elle effleuré sa joue velue, qu’elle s’écartait et le considérait d’une mine inquiète :

— D’où que tu viens, Bernard ? interrogea la Marie.

— Parbleu, de mon travail.

— Sans doute, mais après ?

— Après, on a pris la bleue avec les copains.

— Tu me montes le coup. C’est pas l’absinthe que tu sens.

— De quoi ? qu’est-ce que je sens, alors ?

— Bernard, tu sens la parfumerie.

— Imbécile, cria-t-il, tu ne sais pas ce que tu dis. Ah, nom de Dieu.

L’homme se montait, une colère subite empourprait ses pommettes.

— La parfumerie, répéta-t-il.

Puis, soudain, son visage devint sombre et terrible. Il fit deux pas en avant, il avait jeté en entrant sa casquette sur une chaise, il la reprit :

— Adieu, fit-il, à ce soir.

— Bernard où vas-tu ? Que fais-tu ? et manger ?

— Je n’ai pas faim, mais j’ai soif et je vais boire.

***

Fantômas, cependant, après avoir descendu la rue de la Liberté, rasant les murs, regardant sans cesse autour de lui comme s’il craignait d’être reconnu, était arrivé au haut de la rue de Belleville. Il avisa le funiculaire, monta dans le véhicule en partance. Quelques instants plus tard, il s’arrêta au boulevard de Ménilmontant et courut à l’entrée du métro.

À peine était-il là depuis quelques instants, que de la foule des voyageurs émergeant du sous-sol, se détachait une femme, jeune, jolie, enveloppée d’un grand manteau sombre et dont le visage se dissimulait sous une toque enfoncée sur la tête.

— Adèle, murmura Fantômas, qui, aussitôt, prenant la jeune femme par le bras, l’entraîna vers la station de voitures, l’aida à monter dans un taxi-auto et ordonna au mécanicien :

— Gare de l’Est.

Lorsque le véhicule s’arrêta dans la cour de la gare, Adèle, fort étonnée, glissait à l’intérieur de son gant un billet de banque que l’énigmatique bandit venait de lui remettre.

Celui-ci ajoutait :

— Ces mille francs sont pour toi, Adèle, maintenant tu vas prendre le train et te débiner à l’étranger. L’express part dans vingt minutes. Tu demanderas un billet jusqu’à Strasbourg.

Mais la femme de chambre protestait :

— Partir ? Jamais de la vie ! je ne veux rien savoir, et puis ce serait trop bête.

— Pourquoi donc ?

— Parce que si je me défile on me croira coupable, et je ne le suis pas. Vois-tu qu’on m’arrête, ou alors qu’il me faille vivre dans un patelin que je ne connais pas, aux cinq cents diables. Jamais de la vie, je ne marche pas. Rien à faire.

Fantômas, visiblement, hésitait à répéter son ordre.

— Adèle, demanda-t-il, au bout d’une seconde de réflexion, je ne demande pas mieux que de te garder ici, mais serais-tu capable de ne pas te démonter ?

— C’est-y que j’ai l’air d’avoir froid aux yeux ? interrogea-t-elle, tu ne te rappelles donc pas qu’Adèle a travaillé déjà et qu’elle a toujours su se défiler. On a de la pratique, voyons Fantômas.

— C’est vrai, fit Fantômas, je sais que tu es une brave fille et qu’on peut compter sur toi. Eh bien, écoute, changeons de plan. Puisque tu n’as pas peur, tu vas retourner là-bas, tu vas te montrer. Ne crains rien, tu possèdes assez d’alibis pour que nul ne te soupçonne. Seulement, il faut t’arranger pour ne pas rester longtemps dans la place. Ça sentirait mauvais à la longue.

Adèle interrompit :

— C’est compris, Fantômas, autrement dit, je vais m arranger pour qu’on me flanque à la porte.

— Bien, dit Fantômas.

— Mais que faudra-t-il faire ensuite ?

— Une belle fille comme toi n’est jamais en peine, et d’ailleurs, puisque tu fais les femmes de chambre, tu n’as qu’à retourner à ton bureau de placement. On te retrouveras du travail, tu as de si bons certificats.

— Et que tu sais si bien fabriquer, Fantômas.

— On est sûr de trouver des places de tout repos.

4 – LE RETOUR D’ADÈLE

Avec un « ah » de stupéfaction qui marquait son étonnement profond, M. Casimir s’était levé, au moment même où la porte du vestibule s’ouvrait :

— Ah, par exemple, continuait le concierge, voilà précisément Adèle, voilà la bonne.

Juve n’était pas moins surpris que M. Casimir.

Depuis quelques minutes, le policier nourrissait une série d’hypothèses relativement à l’affaire dont il étudiait en ce moment les côtés mystérieux, et ces hypothèses trouvaient précisément leur point de départ dans la disparition simultanée de Rita d’Anrémont et de la domestique qu’elle avait engagée. Or, cette domestique arrivait.

Juve, après avoir contemplé d’un rapide coup d’œil la mise simple, mais coquette, de la jeune femme de chambre, qui s’était arrêtée en apercevant le concierge et Juve qui était un inconnu pour elle, se précipita vers l’arrivante et l’interrogea :

— C’est vous M lle Adèle ?

— Mais oui, monsieur.

— La femme de chambre de M me d’Anrémont.

— Oui, monsieur.

— D’où revenez-vous ?

— De faire mes courses.

En répondant, la jeune bonne jetait des regards étonnés dans la direction de M. Casimir, qui, d’énervement, de stupéfaction, demeurait muet, la bouche ouverte, les yeux blancs.

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