La livree du crime (Преступная ливрея) - Страница 58

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Et enfin, un troisième personnage était un petit homme gros, court, trapu, aux épaules courbées et dont le visage indéfinissable semblait, pour ainsi dire, dissimulé sous une chevelure mystérieusement longue, et une barbe anormalement épaisse.

La jeune fille demeura un instant immobile, puis, elle esquissa un geste de recul, mais Juve à son tour, s’était approché d’elle, et la reprenait par le bras. Fandor l’avait lâchée, mais il était devenu terriblement pâle. Juve la considéra un instant, puis, brutalement, lui ordonna :

— Allons, avouez. Inutile de jouer plus longtemps la comédie. Je vous reconnais. Nous savons qui vous êtes et vous n’échapperez pas.

La Guêpe leva les yeux vers le policier et une vive rougeur empourpra son visage, un sanglot lui monta à la gorge. Elle eut une révolte soudaine.

Juve laissa tomber au milieu du silence ces étranges paroles :

— La Guêpe, membre de la bande des Ténébreux, la fleuriste de nuit, la femme qui rôde dans les bouges de Belleville, celle que courtisent depuis si longtemps les apaches Bec-de-Gaz et Œil-de-Bœuf, celle que Bébé dénonce comme traître et parjure, c’est vous, et cela n’étonnera personne que vous ayez à la fois cette réputation d’honnêteté et de culpabilité. Allons, la Guêpe, ne nous dissimulez pas plus longtemps que vous êtes Hélène Gurn, la fille de Fantômas.

— Juve, s’était écrié Fandor.

Mais le policier, d’un geste brusque, intimait à Fandor l’ordre de se taire.

L’inspecteur de la Sûreté, avec une profonde ironie, se tournant du côté du personnage qui avait assisté muet à cette scène, et le regardant fixement, lui déclarait :

— Oui, monsieur Thorin, permettez-moi de vous présenter, en la personne de mademoiselle, la fille du plus sinistre bandit qui soit au monde, la fille de Fantômas. Soyez, du reste, assuré que cette découverte ne me surprend pas. Il y a déjà longtemps que je soupçonnais qui était la Guêpe, en réalité. Je suis heureux de l’avoir percée à jour, d’autant plus que la présence de la fille me rassure. Du moment qu’elle se trouve ici, c’est que le père n’est pas loin.

Juve, tout en prononçant ces paroles, se livrait à une mimique étrange et surprenante. Sur une table toute voisine de lui et bien en évidence, il venait de placer un couteau-poignard ouvert. Une lame longue, épaisse, effilée, étincela dans la pénombre de la pièce. Juve qui avait fait ce geste machinal, semblait oublier volontairement cette arme et se rapprocha tout en parlant de M. Thorin.

Il répéta avec une surprenante insistance :

— C’est que Fantômas n’est pas loin.

Et après avoir prononcé ces paroles qui ne diminuaient en aucune façon le trouble du tenancier du bureau de placement, le policier jetait un coup d’œil furtif par la porte entrebâillée, qui donnait sur le couloir, en même temps qu’il regardait, par la porte voisine qui communiquait avec l’extérieur, dans la direction du jardin. Le policier était perplexe, il semblait chercher quelque chose. Fandor s’était reculé au fond de la pièce avant que Juve eût parlé, il avait reconnu la Guêpe.

Certes, elle était merveilleusement changée, grimée ; sur ses cheveux blonds et bouffants, elle avait disposé avec une adresse remarquable une perruque de cheveux noirs de jais, mais il était impossible pour quelqu’un qui la connaissait comme Fandor, et qui cette fois la voyait en face, de ne point la reconnaître. Et malgré les tragiques circonstances dans lesquelles il se trouvait, malgré le mystère angoissant qui régnait autour d’eux, Fandor oubliait les gens qui l’entouraient, les choses qui se passaient, pour ne plus avoir d’yeux et de pensées que pour la fille de Fantômas.

Brusquement, le journaliste poussa un hurlement sauvage et se précipita. Trop tard. L’espace d’une seconde avait suffi.

Alors que Juve s’était approché de la porte donnant sur le jardin, M. Thorin, avec une extraordinaire agilité, s’était élancé dans la direction de la table où Juve avait oublié, comme par négligence, le couteau-poignard. Redressant son dos courbé, bondissant comme un tigre, M. Thorin s’était saisi de l’arme, et, levant un bras meurtrier, il l’abaissa avec une féroce violence entre les épaules du policier.

Mais M. Thorin, en même temps qu’il frappait recula, abasourdi de ce qui se produisait. Il semblait que la lame du poignard n’avait pas pénétré dans le corps de la victime. Instinctivement, Thorin regardait l’arme avec laquelle il venait de frapper. Il poussa un cri de dépit : le poignard, en effet, était une arme truquée et à la moindre pression la lame rentrait dans l’intérieur du manche creux.

Juve, cependant, qui avait chancelé sous la violence du coup, se retourna et, revolver au poing, hurla, l’air ravi :

— Ah cette fois je vous y prends, Thorin et Fantômas ne font qu’un. J’attendais cette agression pour me convaincre. Ne bougez…

Juve n’acheva pas. Plus vif que l’éclair, le faux Thorin n’avait pas hésité une seconde, il avait bondi sur Juve, et cette fois, avec le manche du poignard il le frappait à la tête : Juve tomba inerte sur le plancher, en poussant un sourd gémissement. Sans s’attarder pour achever son plus redoutable ennemi, Fantômas sauta dans le jardin. L’arrêterait-on dans sa fuite ? Fandor avait emboîté le pas. Mais, entre Fantômas et lui se dressait qui ? La Guêpe, la fille de Fantômas, parbleu.

— Fandor, supplia-t-elle, tuez-moi si vous voulez, mais moi vivante, vous ne le poursuivrez pas.

Des cris, cependant, de tous côtés. Ils venaient du sous-sol. Aux imprécations des apaches se mêlaient les appels des policiers. De part et d’autre, on criait au secours et de temps en temps, on entendait des coups de revolver auxquels succédaient des cris de douleur, des gémissements.

— Hélène, disait Fandor, c’est infâme, je ne puis consentir.

— Pour l’amour de Dieu, écoutez-moi, Fandor. Écoutez celle qui veut vous sauver, vous et votre ami Juve. Écoutez celle qui vous aime.

Fandor eut une seconde d’hésitation. La fille de Fantômas lui prit le bras. Elle le fit se retourner.

— Regardez, il vit mais il souffre.

Et la jeune fille désignait Juve étendu sur le sol, à demi évanoui, mais dont le visage crispé grimaçait. Fandor eut un regard de désespoir pour son plus cher ami. mais que pouvait-il faire ? Son devoir ne rappelait-il pas sur les traces de Fantômas, qui, assurément, allait pouvoir être pris si Fandor le rejoignait dans le jardin, s’il avait le temps d’informer la police qui en gardait les issues de ne pas laisser s’échapper M. Thorin. Un mot suffisait. Fandor allait mettre son projet à exécution, mais encore une fois la fille de Fantômas l’en empêcha :

— Écoutez, dit-elle.

Un grand bruit de portes brisées venait de retentir. Puis des pas sonores dans l’escalier.

— Les voilà qui montent, souffla la fille de Fantômas, nous sommes perdus, et Juve dans une seconde sera mort si vous l’abandonnez.

— Hélène, je vous comprends, vous faites l’impossible pour sauver votre père. Erreur, ceux qui remontent sont les inspecteurs de la Sûreté. Ils sont descendus tout à l’heure pour arrêter les membres de la bande des Ténébreux.

— Mais ils auront été les moins forts, croyez-moi, Fandor, restez-là et préparez-vous à vous défendre contre les agresseurs si vous voulez qu’ils épargnent Juve, pas un mouvement.

Fandor venait d’apercevoir du fond du couloir ceux qui s’approchaient, referma la porte d’un geste brusque :

— Vous avez raison Hélène, et je vous remercie.

En effet, Fandor venait d’apercevoir en tête de ceux qui s’approchaient, le sinistre Bébé suivi de Bec-de-Gaz, derrière lequel marchait Œil-de-Bœuf. Fandor l’arme au poing attendit malgré l’ébranlement des coups de poing contre le bois.

— Ouvrez, hurlaient les voix terribles et coléreuses, pas la peine de résister, nous vous aurons.

La fille de Fantômas, très pâle, s’était agenouillée auprès de Juve qui venait d’ouvrir les yeux.

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