La livree du crime (Преступная ливрея) - Страница 55

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Le médecin parut scandalisé.

— Mais, commença-t-il, je ne vous comprends pas. Que voulez-vous dire ?

— Eh bien, cela n’a aucune importance.

Le policier tapa sur l’épaule du commissaire :

— Dites-moi, mon cher ami, et M. Thorin ? le mari de la victime, où est-il ?

— Dans sa chambre, m’a-t-on dit. Le pauvre homme est dans un état effrayant.

— Si vous alliez le consoler ?

— Vous voulez que je monte, vers M. Thorin ?… Mais pourquoi ?

— On ne sait pas. Ce malheureux est terriblement frappé. Il conviendrait de ne pas le laisser seul. Et puis, monsieur le Commissaire, songez-y, il y a des choses si inexplicables… Si jamais ce malheureux M. Thorin allait éclater comme sa femme, quel remords pour nous de ne pas y avoir songé. Allons, croyez-moi, monsieur le Commissaire, montez près de lui.

Juve parlait avec une telle autorité, une si tranquille assurance, que cette fois le magistrat se laissa convaincre.

— C’est bon, murmura-t-il, j’y vais. Mais expliquez-moi, Juve…

— Je n’ai rien à vous expliquer, j’ai une simple recommandation à vous faire : ayez donc l’obligeance de ne point perdre de vue le malheureux, je le ferai demander tout à l’heure, nous l’entendrons ensemble.

Le Commissaire, très surpris, s’éloigna.

Juve, immédiatement, quitta ses façons énigmatiques pour prendre avec une cordialité qui n’était point feinte le bras du médecin, de plus en plus troublé, et de moins en moins renseigné.

— Docteur, repartit Juve, nous voici seuls. Et si je dis des bêtises, il n’y aura que vous à les entendre. Voyons, connaissez-vous un seul cas pathologique qui puisse amener un homme à éclater ?

— Ma foi, non. Mais, une bombe ?

— Une bombe, docteur, n’a jamais réduit un cadavre en mille morceaux. Si c’était une bombe, qui avait fait explosion sur M me Thorin, il est absolument sûr que nous retrouverions au moins quelques os intacts, des fragments du crâne, un membre, peut-être. Or, dans le cas présent, veuillez le remarquer, Docteur, non seulement nous ne retrouvons rien ayant un aspect caractéristique, mais encore, et c’est là le plus curieux, je vous prie d’observer que rien n’a été cassé dans cette pièce. Ni l’encrier de porcelaine, très fragile, ni la glace, ni les vitres de la fenêtre, ni le bureau, ni la chaise, sur laquelle était assise M me Thorin. Concevez-vous cela, Docteur ? Une bombe qui aveugle avec de l’eau et du poivre une première personne, et qui, cependant, a l’intelligence de ne point abîmer un seul meuble. Enfin, Docteur, il y a quelque chose que je ne m’explique pas non plus, c’est qu’en réalité, si le sol, les murs, le plafond sont couverts de sang, on peut se pencher sous les chaises, sous la table, sous le bureau, là, à l’envers, il n’y a aucune trace de sang. C’est vraiment bizarre.

— Monsieur, qui êtes-vous donc pour voir ce que personne n’avait vu ? Et où voulez-vous en venir ?

— Mon nom ne vous apprendrait rien, vous ne me connaissez probablement pas. Je suis Juve. Mais si vous vous intéressez à savoir où je veux en venir, je m’en vais vous l’expliquer. Une vessie remplie de débris de chair, remplie de sang, jetée au plafond où elle crève, peut très bien transformer une pièce en charnier et donner l’impression qu’un être humain vient d’éclater. On aveugle le seul témoin et le tour est joué. Mais l’idée d’un truc de ce genre ne peut venir qu’à une personne…

Modeste avant tout, Juve n’ajoutait pas que si le génie Fantômas était seul capable d’inventer une ruse pareille pour faire croire à un crime inexistant, le génie de Juve était seul de taille à démasquer la fraude, à en trouver l’explication.

— Docteur, ajouta Juve, vous allez me rendre un service inestimable. Prenez quelques fragments de cette chair éparpillée, recueillez une gouttelette de ce sang et courez au bout de la rue Perronet. Il y a là un pharmacien. Vous lui emprunterez son microscope et j’imagine que vous n’aurez pas grande difficulté à reconnaître que ces débris n’ont rien d’humain.

Et sur ce, Juve tourna le dos au médecin. Dans le petit corridor, il rencontra Fandor :

— Fandor, tout s’explique.

— Bougre, et comment ?

— Une vessie remplie de sang.

Tout autre que Fandor eût sursauté, n’eût pas compris :

— Hé, hé, ça n’est pas mal. Vous êtes certain, Juve ?

— Absolument certain.

— Alors, où est passée M me Thorin ? Ce n’est pas elle qui a éclaté ?

— Laisse M me Thorin où elle est, faisait-il, tu as vu Léon et Michel ?

— Bien entendu.

— Tu leur as donné mes ordres ?

— Oui.

— Où sont-ils ?

— Ils suivent quelqu’un.

— Qui ?

— Bébé.

— Allons, c’est parfait. Je crois que cette fois, non seulement la bande des Ventres-Blancs aura vécu, mais encore…

— Que quoi ?

— Que Fantômas paiera sa dette à la société.

Juve, en cet instant, semblait véritablement quelque général en chef établissant un plan de bataille.

— Toi, Fandor, commanda-t-il, tu vas rester dans ce couloir, tu entreras dans le cabinet fatal, derrière M. Thorin. Pas avant.

— Vous allez interroger M. Thorin ?

— Naturellement, répliquait Juve.

Et comme Fandor étonné du ton dont Juve venait de lui parler allait insister, le policier répéta :

— Naturellement Fandor, je vais interroger M. Thorin. Quand ce ne serait que pour savoir exactement qui était M me Thorin. Tout s’explique, tout s’explique, faisait-il, Tu avais raison, Fandor, quand tu accusais les Ventres-Blancs d’être les auteurs de toutes les affaires qui nous ont intrigués ces temps derniers. Les Ventres-Blancs, oui, voilà les coupables, mais ils n’agissaient pas seuls en vérité, ils avaient un chef redoutable.

— Fantômas ?

— Je vais interroger M. Thorin.

Il appela un gardien, demanda que l’on aille immédiatement chercher le directeur du bureau de placement.

— Dites au Commissaire, pendant ce temps, de faire cerner la maison, je l’appellerai dans quelques instants.

Le gardien partit, Fandor se précipita sur Juve.

— Mais enfin, demandait le journaliste, qui croyez-vous donc que peut être M. Thorin ?

— Je t’ai dit d’aller là-bas, d’entrer dans cette pièce derrière ce malheureux veuf inconsolable. Tu m’as compris j’imagine ?

Deux minutes plus tard, M. Thorin faisait son apparition dans le cabinet directorial où Juve l’avait fait mander. Le malheureux homme apparaissait dans un état lamentable, éperdu de douleur, sanglotant.

— Hélas, monsieur, commença Juve.

Mais, dans le corridor voisin, dans le corridor où Jérôme Fandor se trouvait, un vacarme venait de naître, un juron avait retenti. Un cri, un cri de femme lui avait répondu.

26 – LIBRE ENCORE UNE FOIS

— Encore un vin blanc, Bec-de-Gaz.

— Encore un, Œil-de-Bœuf. Et toi, ma vieille branche ?

— Ça n’est pas de refus, Bec-de-Gaz. À nous deux, on peut encore s’enfiler une bouteille.

— Toujours au même prix, pas vrai, Œil-de-Bœuf ?

— Sûr alors, c’est rien chouette, de bouffer et de licher aux frais de la princesse.

— C’est pas pour dire, mais voilà bien la première fois que ça m’arrive. Aussi mon vieux, faut savoir en profiter.

Les deux apaches, confortablement installés, débouchaient une seconde bouteille de vin blanc, attaquèrent un énorme pâté de lièvre qui se trouvait placé entre eux sur la table d’une cuisine.

Un troisième couvert attendait.

Bec-de-Gaz, la bouche pleine, s’arrêta un instant de mastiquer :

— Et la Guêpe, qu’est-ce qu’elle devient ? Comment que cela se fait qu’elle n’est pas encore venue manger avec nous ?

— Bah, probable qu’elle n’est pas loin. La poule n’est pas encore sortie de son poulailler.

— Pourvu qu’elle ne se soit pas débinée. Qu’est-ce que nous prendrions avec Fantômas.

— Débinée ? sourit Œil-de-Bœuf, ça c’est comme des dattes. Il la connaît Fantômas, pour savoir ousqu’il faut boucler les gens et avec des gardiens de prison comme nous, qui sont à la coule de tous les trucs.

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