La guepe rouge (Красная оса) - Страница 63

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Et puis, brusquement, elle tressaillit.

Cette femme qui, pendant de longues minutes avait paru incapable d’action, sur le point de s’évanouir, se redressait. Le masque de son visage devenait à nouveau volontaire, impérieux. À nouveau, dans ses yeux, la volonté mettait une colère, un éclat brutal.

— Est-ce lui encore ? se demandait-elle.

Elle avait une main fine et délicate, la main soignée d’une grande dame, elle leva son revolver, et rapide, habile, fit sauter les cartouches tirées qu’elle remplaça par d’autres cartouches.

— Si c’est lui, murmurait-elle, je le tuerai.

Elle attendit longtemps. Les bruits qui venaient de la faire tressaillir se répétèrent dans l’ombre, c’étaient des bruits de pas.

Bientôt, des chuchotements les accompagnèrent. La femme mystérieuse descendit alors dans le jardin. Elle se mêla à la nuit, et, frissonnante, farouche, l’arme au poing, s’avança dans les massifs.

Or, elle avait à peine fait quelques pas, qu’une inexprimable expression de douceur passait sur son visage.

Il semblait que cette femme qui, un instant avant parlait de tuer, eût été soudainement émue, attendrie.

— Pauvres enfants, murmurait-elle.

Elle s’était arrêtée, elle reprit sa marche, hâtant le pas.

— Monsieur Jacques, appelait-elle bientôt.

À quelques pas d’elle, un couple passait, enlacé. Jacques Faramont et Brigitte, qui de nouveau s’étaient rendus dans le jardin de la villa mystérieuse pour, en échappant à toute surveillance, tenir des propos d’amour.

Les deux jeunes gens n’avaient même pas entendu le bruit des détonations qui venaient de retentir quelques minutes avant, ils allaient, perdus dans un rêve, et tout ce qui les entourait leur était à ce point étranger, que cet appel même ne les fit pas se retourner tout d’abord.

— Monsieur Jacques, appela encore la mystérieuse femme aux cheveux blancs.

Cette fois, le fils du bâtonnier tressaillit.

— Qui va là ?

Devant lui, la silhouette de la grande dame se dessina soudain.

— Monsieur, dit-elle, je vous avais prié de ne pas revenir chez moi et vous me l’aviez promis.

À la minute, la petite Brigitte perdait la tête :

— C’est la dame d’à côté, souffla-t-elle. Ah, Jésus-Marie, ça va faire encore des histoires. Venez-vous-en, Jacques. Partons. Faut lui demander pardon et ne plus revenir.

Mais Jacques Faramont avait mis le chapeau à la main, et saluant fort aimablement.

— Madame, répondit-il, il faut que je vous demande, en effet, mille fois pardon, pour la nouvelle indélicatesse dont je viens de me rendre coupable. Il est exact, en effet, que je vous avais promis de ne point revenir ici, mais votre jardin est si calme, si tranquille, si attirant, que je me suis laissé entraîner…

Il allait continuer à parler, reprenant un peu d’assurance au fur et à mesure qu’il s’écoutait, lorsqu’il fut brusquement interrompu par un éclat de rire de la vieille dame :

— Vous trouvez que mon jardin est calme ? En vérité, monsieur, vous vous trompez étrangement.

— Monsieur Jacques, il faudrait partir, répétait Brigitte, cette dame n’est pas contente et elle a raison, ça va faire des histoires.

Brigitte préoccupée avant tout de ne pas perdre sa place, et par conséquent de ne pas s’exposer à des « histoires » comme elle le disait, n’avait qu’une préoccupation : s’enfuir.

Plus poli, Jacques Faramont tenait à s’excuser encore. Le fils du bâtonnier d’ailleurs, se souvenait à cet instant, des interrogations dont l’avait un jour accablé Fandor relativement à la femme mystérieuse qu’il avait un instant devant lui. Qui était-elle, cette personne ? Avait-elle été mêlée d’une façon ou d’une autre à l’extraordinaire attentat qui avait, sans nul doute, failli coûter la vie à son propre père ? D’où venait-elle ? D’où revenait-elle plutôt, puisqu’elle se trouvait à nouveau dans cette maison, après s’en être absentée au lendemain du crime avorté ?

— Madame, recommença le jeune homme, je vais vous demander la permission de me retirer, sans chercher à comprendre pourquoi il vous apparaît si bizarre que votre jardin passe à mes yeux pour parfaitement tranquille. Toutefois, je ne voudrais pas m’en aller, avant d’obtenir de vous que vous me pardonniez. Vous nous serez indulgente, n’est-ce pas ?

La dame de la villa vide souriait toujours. À la demande du jeune avocat, cependant, elle retrouva son sérieux. Le rire, mêlé de sanglots s’arrêta net, comme brisé.

Toutefois, Jacques Faramont sentait que la mystérieuse personne, à cet instant, le regardait fixement. Elle paraissait agir en somnambule, c’était en hallucinée qu’elle s’avançait vers lui, les mains frémissantes et jointes dans un geste de prière :

— Monsieur, disait-elle lentement, si vous êtes un homme d’honneur, et je veux le croire, il faut que j’obtienne de vous un serment. Ce n’est pas pour moi que je le demande, c’est pour vous. C’est à cause de vous qu’il est nécessaire, il faut vous en aller d’ici, mais il faut me jurer que vous n’y reviendrez jamais.

— Madame, nous allons nous retirer, puisque vous nous le demandez. Ne pourrais-je, contrairement à la prière que vous m’adressez, vous demander l’autorisation de revenir quelquefois rêver sous vos arbres ?

— Jamais, monsieur, jamais je ne vous accorderai pareille chose. Fuyez, partez. C’est épouvantable ce que vous me demandez là. Oh, je ne peux pas vous expliquer, mais il faut me croire. Venir ici, chez moi, dans mon jardin, c’est courir d’épouvantables dangers, c’est risquer la mort à toute minute. Non, non, jurez-moi, au contraire, que vous ne reviendrez jamais. Il faut me le jurer ! Tenez, vous voyez bien que je suis armée, oh, c’est épouvantable, ne revenez pas, monsieur, ne revenez pas !

Recommandations étranges en vérité, menaces étranges aussi que faisait cette grande dame à la fois si douce et si impérieuse.

Jacques Faramont fut très troublé par l’apostrophe violente et douce à la fois de la mystérieuse personne. Pourquoi parlait-elle de dangers ? Pourquoi brandissait-elle un revolver ? N’était-elle pas un peu folle ?

— Madame, murmura le jeune homme, je ne pensais pas vous importuner si gravement, mais il suffit. Je comprends que j’ai été indiscret, je vous fais toutes mes excuses, vous avez ma parole d’honneur que je ne reviendrai pas chez vous.

— Merci, monsieur.

À l’instant, la dame aux cheveux blancs s’éloigna. Elle revint soudain avec violence sur ses pas :

— Il faut encore me jurer de ne rien dire de tout cela.

— J’allais vous adresser la même prière, madame.

À la réponse de Jacques Faramont, elle se remit à rire, de son rire de folle.

— Oh, moi, faisait-elle, je me tairai. Moi, il faut bien que je me taise, vous n’avez pas à être inquiet !

Dans la nuit, sans se retourner, la vieille dame était repartie.

Mais quelle était donc cette femme ?

Si Fantômas, sur qui elle venait de tirer, l’avait bien vue, si Juve, si Fandor, avaient pu l’apercevoir, si Dick Valgrand l’avait contemplée en face, ils eussent crié son nom avec quelle stupeur !

Cette femme, c’était une morte.

C’était lady Beltham !

Lorsque lady Beltham, deux mois auparavant, avait été trouver Juve et lui avait dit : « Sauvez-moi, car Fantômas veut me tuer, car il a assez de sa maîtresse, car il songe à se débarrasser de moi, car j’ai peur », lady Beltham s’était trompée.

Jamais Fantômas n’avait pensé à se détacher de celle qu’il aimait, de celle qui, au début de sa vie, l’avait arraché au couteau de la guillotine.

Les menaces qui épouvantaient alors lady Beltham n’émanaient nullement du tortionnaire. Elles venaient de Dick, de Dick Valgrand, qui se faisait passer pour un autre Fantômas, cela précisément pour approcher de lady Beltham, pour venger la mort de son père, la mort de sa mère aussi.

Juve, tout comme lady Beltham, et parce qu’il n’était renseigné que par lady Beltham, s’était trompé. Lui aussi, avait cru que c’était Fantômas qui menaçait la grande dame, et Juve croyait toujours que c’était lui qui avait tué lady Beltham, comme lady Beltham pensait que c’était Fantômas qui avait voulu l’asphyxier dans son appartement.

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