La fille de Fantomas (Дочь Фантомаса) - Страница 36
Jupiter fut bousculé par la foule de ceux que ses cris avaient attirés. Les arrivants avaient aperçu Laetitia, couverte de sang, relevèrent la vieille femme, ils la questionnèrent :
— Mais qu’est-ce que c’est ?
— Que vous est-il arrivé ?
— Qui vous a fait cela ?
Et à moitié folle de douleur, Laetitia répondit :
— À l’assassin, c’est lui, lui, arrêtez-le.
Certes, Laetitia ne se rendait point compte de l’affreuse erreur qu’elle commettait.
Ceux qui la tenaient encore dans leurs bras se hâtaient, en effet, de la déposer sur le grand lit de sa chambre, puis, d’un même mouvement, sans avoir eu besoin de se concerter, ils se précipitaient dans la grande salle, où Jupiter, toujours affolé, hurlait…
Le noir vit arriver sur lui tous ces gens dont les traits respiraient la colère, et dont les uns hurlaient : « À l’assassin » et dont les autres criaient : « À mort. À mort. »
Et Jupiter, désireux avant tout d’éviter un sort qu’il ne devinait que trop, bondit hors de la pièce, claqua la porte sur lui, s’en fut, courant à perdre haleine, droit devant lui, sur la route de Durban.
Et derrière lui, les gens, fous de rage, épouvantés par l’horreur du drame qu’ils lui imputaient, haineux contre le noir par cela seulement qu’il était noir, prirent la chasse, hurlant :
— À l’assassin. À mort. Arrêtez-le.
15 – LE TRONC D’ARBRE MYSTÉRIEUX
Il n’était que huit heures du soir, mais tout déjà semblait dormir dans Diamond House. Aux deux larges fenêtres sans contrevents, aucune lumière ne brillait et le silence le plus complet régnait sur la maison comme dans le jardin.
La nuit aurait été profonde sans quelques rayons de lune qui, éclairant la façade et les massifs d’une lueur indécise, animaient de reflets d’argent la masse sombre des bosquets et semaient des perles brillantes dans la vasque d’un petit jet d’eau.
Ces jeux de lumière donnaient au jardin de Hans Elders, un peu triste d’habitude, un air de féerie. On aurait été surpris de ne pas voir, sur un des nombreux bancs installés aux pieds des arbres, un couple d’amoureux rêveurs.
Mais non, il n’y avait personne, le jardin était désert, silencieux, le sommeil avait déjà envahi au moins depuis quelque temps le cottage du riche chercheur de diamants.
Une ombre là-bas, au pied d’un arbre ? Une combinaison bizarre de feuilles qui dessinait ainsi sur le sol, dans cette large raie de lumière, un profil humain ? Non… on avait remué. C’était un homme.
L’ombre qui rampait sur l’herbe songeait :
« Hans Elders doit empiler des écus dans son coffre-fort et la belle Winie rêver à ses amours. La belle Winie, comme elle m’intrigue cette jeune fille. Si j’en croyais ses regards transparents et son sourire paisible, ce serait la personne la plus insouciante du monde. Mais hélas, c’est aussi la fille de son vieux coquin de père, et bon chien chasse de race. Alors je ne sais que croire. Elle a parfois des allures mystérieuses qui donnent à penser. Coûte que coûte, il faut que je sache ce qui en est. Quand je devrais rester sous ses fenêtres jusqu’à demain matin, je me rendrai compte de la façon dont elle va passer la nuit. Si je ne m’abuse, sa chambre est ici, au premier étage. Il va me suffire de monter jusqu’à la première branche de ce baobab et je me trouverai à une hauteur suffisante pour voir chez elle.
Et le promeneur nocturne se dirigea vers l’arbre qu’il avait désigné et qu’il s’apprêta à monter.
Mais tout à coup il étouffa dans sa gorge un juron prêt à s’échapper, il lâcha le tronc gigantesque pour se dissimuler entièrement derrière celui-ci.
De sa poche, il tira son revolver et un léger déclic indiqua qu’il venait d’en dégager le cran de sûreté.
Un homme avait surgi d’un bosquet voisin qui sans souci de se dissimuler marchait à grandes enjambées et se dirigeait vers l’espion de Winie. Entendant le déclic du revolver, il s’arrêta soudain et souffla :
— Au nom du ciel, Fandor, ne tirez pas.
— Quoi Teddy, c’est vous. Ah, vous pouvez vous vanter de m’avoir fait peur.
C’était en effet Teddy qui venait de survenir, le promeneur nocturne n’était autre que Fandor.
Teddy avait l’air furieux de la présence de Fandor en ce lieu, une moue rageuse lui crispait le visage, et c’est d’une voix acerbe qu’il interrogea :
— Que faites vous là ?
— Moi ? je me promène, la nuit est belle, la lune brille, il fait frais. Quel moment serait mieux choisi pour une promenade.
— Ne plaisantez pas.
— Mais je ne plaisante pas, je vous assure, je suis venu voir si le jardin de Hans Elders était aussi agréable la nuit que le jour.
— Vous ne voulez donc pas me répondre franchement ? Eh bien, je vais vous dire, moi, pourquoi vous êtes ici. Vous êtes venu voir Winie. Elle va paraître à la fenêtre tout à l’heure et vous lui chanterez la romance d’amour, comme vous savez le faire, vous autres Français.
— La romance d’amour, mais vous n’y songez pas. Un pauvre journaliste comme moi ne peut pas parler d’amour à la fille du roi des diamants.
— Mais alors pourquoi vous prépariez-vous à monter à cet arbre quand je suis arrivé ici ? Il est en face de sa chambre, cet arbre. Allons, n’essayez pas de nier l’évidence, c’est inutile.
— Eh bien non, mon cher Teddy, vous vous trompez complètement, je ne suis pas amoureux de Winie, et si elle soupçonnait seulement ma présence ici, elle songerait plutôt à me prendre pour un voleur que pour un amant. Sans doute je la trouve belle. J’ai beaucoup de plaisir à la voir, à causer avec elle, mais je ne l’aime pas, et si je suis ici, c’est pour les besoins de l’enquête que nous poursuivons tous deux. Ainsi donc, n’ayez aucune crainte, je ne vous enlèverai pas votre amoureuse.
— Mais je ne l’aime pas, moi non plus.
— Comment, vous ne l’aimez pas ?
— Mais non.
— Allons, allons, mon cher Teddy, c’est à moi de vous répéter ce que vous me disiez tout à l’heure, vous ne me parlez pas franchement. Avouez donc. Vous savez que je suis votre ami. Dame, elle est assez jolie, la fille de Hans, pour que vous en soyez épris et il n’y a pas de honte à avouer cet amour.
— Je n’aime pas Winie.
— Comment, ce n’était pas un petit brin de jalousie qui vous surexcitait tout à l’heure, ce n’est pas parce que vous me croyiez le « flirt » de Winie que vous étiez presque en colère ? Pourquoi étiez-vous en colère quand vous m’avez vu ici ?
— Mon cher Fandor, je n’étais pas en colère contre vous, j’étais un peu ému, sans doute, mais c’était… Je ne sais pas, la nuit, la lune peut être. Ne me demandez plus rien, je vous en prie, vous me torturez. Je ne peux pas vous répondre.
— Soit, parlons d’autre chose.
Teddy avait l’air si troublé durant toute la fin de cette conversation que Fandor crut comprendre qu’il avait de la répugnance à confesser ses sentiments et il n’insista pas.
— S’il veut garder son secret, qu’il le garde, se dit-il après tout, les amours de la belle Winie ne m’intéressent pas.
— J’ai des choses très sérieuses à vous dire, mon cher Teddy, mais je crois que dans ces conditions, il serait prudent de nous éloigner.
Ils se dirigèrent vers le labyrinthe qui était l’endroit le plus reculé du jardin. Il se composait d’un enclos assez vaste à circuits compliqués, mais où Teddy qui le connaissait parfaitement n’eut pas de peine à se diriger. Le centre était occupé par une charmille légèrement surélevée d’où l’on apercevait distinctement l’entrée, si bien qu’on pouvait y causer sans crainte d’être entendu ou surpris.
— Ici, dit Teddy, nous sommes complètement en sûreté.
— Eh bien, voilà ce dont il s’agit : Vous savez que je surveille attentivement toutes les démarches de Hans Elders et que je le prends en filature toutes les fois que je le vois s’éloigner de son usine. Donc, vendredi dernier, je l’ai vu sortir de Diamond House dans une tenue singulière. Il avait des bottes et un paletot de velours comme s’il allait à la chasse, mais il ne portait pas de fusil. Étonné, je me suis mis à le suivre, et il m’a conduit à la lisière de la forêt.