La fille de Fantomas (Дочь Фантомаса) - Страница 34
Si quelque observateur se fût alors trouvé dans le parc qui entourait Diamond House, il aurait vu en ce moment, la fenêtre du cabinet de travail de Hans Elders s’entrebâiller lentement… une ombre enjamber la barre d’appui de cette fenêtre.
La silhouette d’un homme se profilait un instant sur les murailles de la maison. Cet homme rabattit les volets de fer, puis, se penchant, rampant presque, se dissimula derrière les massifs, traversa tout le jardin en sautant la clôture, et partit dans la même direction où, quelques instants auparavant, la vieille Laetitia s’en était allée à pas menus.
14 – ON NE RIT PAS DE « LUI »
Comme cela lui arrivait souvent, le jeune garçon, ce soir-là, n’était pas rentré à la ferme. Où était-il ? Où vagabondait-il ?
En quel endroit du veld cet intrépide cavalier errait-il encore dans la nuit mauvaise ?
Soudain, un pas d’homme, un pas précis, appuyé, le pas de quelqu’un qui rentre chez lui ou qui, du moins, est certain de recevoir bon accueil.
La porte de la grande salle où se trouvait la vieille femme s’ouvrit. Entra un homme vêtu d’un long manteau, coiffé d’un chapeau boer, dont les bords, exagérément longs, étaient rabattus sur le visage. Laetitia s’était levée :
— Qui demandez-vous ?
L’homme, très calme, s’approcha de la vieille femme, la regarda avant de répondre.
Il articula enfin, d’une voix basse et richement timbrée :
— Bonsoir, c’est moi.
L’étranger insistait :
— Oui, c’est moi. Vous me reconnaissez maintenant ?
Et comme Laetitia, les mains jointes, se taisait encore, il insistait :
— Allons ! sotte que vous êtes, ne pouvez-vous me souhaitez la bienvenue ? pensiez-vous donc, comme Hans Elders, que j’étais mort ?
Laetitia fit « non » de la tête…
— Dans ce cas, reprit l’étranger, vous voyez que vous étiez mieux inspirée que lui : j’aurais plutôt cru le contraire. Je me serais davantage fié à l’intelligence de Hans Elders qu’à la vôtre, Laetitia… bah, peu importe, après tout. Mais nous ne sommes pas ici pour prononcer des paroles oiseuses. Voyons, vous me reconnaissez bien, n’est-ce pas ? Répondez ? Allons, dites-le donc.
Laetitia parla enfin :
— Fantômas, vous êtes Fantômas.
L’étranger sourit :
— Parfaitement, dit-il : Fantômas, je suis Fantômas. C’est quelqu’un, n’est-ce pas, Fantômas ? J’ai tenu parole, Laetitia ? On sait qui je suis dans le monde.
La vieille femme, d’un signe de tête approuva : La bonne Laetitia rassembla suffisamment de force pour demander au Maître de l’Épouvante :
— Que voulez-vous ? que me voulez-vous ?
Fantômas se prit à rire :
— Je viens, dit-il simplement, vous réclamer ma fille, Laetitia, ma petite fille, que je vous ai confiée il y a bien quatorze ans de cela. Où est-elle ? Rendez-la-moi. Je n’ai plus d’autre but dans l’existence que de la rendre heureuse.
La vieille femme ne répondit pas. Elle réfléchissait, éperdue.
Fantômas, brutalement, la rappela à la réalité des choses :
— Allons, ordonna-t-il, quand vous aurez fini, vieille femme, de réfléchir ainsi, vous songerez peut-être que je vous attends ? et que je suis impatient ? Où est ma fille ?
La vieille Laetitia enfin se décida à desserrer les lèvres. Et c’est d’une voix tremblante, d’une voix cassée, discordante, qu’elle répondit :
— Votre fille, Fantômas ? je ne sais pas où elle est. Je ne sais pas, même, si elle est morte ou si elle est vivante.
Laetitia n’en dit pas plus.
À peine avait-elle articulé ces mots, que Fantômas, soudain s’était levé, s’était précipité vers elle. Maintenant il la tenait aux épaules, il l’étreignait, la secouait :
— Tu mens, tu ne sais pas si elle est morte ou vivante ? Ah ! Laetitia, prends garde. Ne dis pas de pareilles choses. Tu ne sais pas ce qu’il en coûte à vouloir me tromper.
Mais il semblait que l’attaque brutale de Fantômas ait eu pour premier résultat de rappeler Laetitia à une parfaite maîtrise d’elle-même :
La vieille femme, maintenant, était à nouveau prête à la lutte.
Comme elle avait résisté à Hans Elders, elle tenterait de résister à Fantômas.
— Je ne mens pas, je ne sais pas où est ta fille. Écoute, maître, roi du crime, je n’oserai pas te mentir à toi. Et si tu me demandes quelque chose, un renseignement, une indication, cette indication, ce renseignement, il n’y a qu’un homme au monde qui puisse te le donner.
— Qui ?
— Hans Elders.
— Pourquoi ?
— Parce que ton lieutenant est seul à avoir pu te trahir. Seul à avoir pu s’emparer de ton enfant. Non, ne dis pas non. Fantômas, je te jure que c’est vrai, et je te jure aussi que si j’ai perdu ta fille, si ta fille n’est plus avec moi, si je ne puis pas te rendre ce dépôt, il n’y a pas de ma faute. C’est Hans Elders qui a voulu être le maître de ton enfant afin de pouvoir t’imposer sa loi, qui a dû voler cet enfant.
— Mais quand l’aurait-il volé ?
— Il y a très longtemps. Je ne sais plus combien d’années.
Fantômas, rageusement, se promenait maintenant dans la grande pièce.
— Laetitia, reprit-il, tu ne mens pas ? tu me jures que tu ne sais pas ce qu’Hélène est devenue ?
— Je te le jure.
— Que tu ne vois pas qui, en dehors de Hans Elders, pourrait me renseigner ?
— Je te le jure encore.
— Ma fille, ce n’est pas Winifred ?
— Winifred ?
— Oui, Hélène n’est pas devenue Winifred ?…
— Non ! mon Dieu non.
— Et ton fils ? cet enfant que tu élèves ? Teddy ne se doute pas non plus de ce qu’est devenue Hélène ?
— J’ai recueilli Teddy après le départ d’Hélène.
Pendant quelques instants Fantômas continuait sa promenade de fauve pris à un piège.
Il marchait d’un pas saccadé, nerveux, torturé. Il tenait à la main une cravache, dont à la volée il brisait la hampe sur les meubles.
On le sentait pris d’un désir de destruction, d’un besoin de massacre, d’une rage d’anéantissement.
Et soudain Fantômas, brusquement, s’arrêta :
Il était maintenant en face de Laetitia, près d’elle, à la frôler…
De nouveau il la prit par les épaules, il la secoua :
— Laetitia, Laetitia, comment crois-tu que je vais te punir ? comment crois-tu que je vais me venger pour ton épouvantable légèreté ? Comment crois-tu que Fantômas va te faire payer la douleur que tu lui imposes ?
— Je suis innocente.
— Non, tu n’es pas innocente et rien ne peut excuser ta faute, dont les conséquences risquent d’être irréparables. Comment ! je t’avais confié ma fille, mon enfant, ma petite Hélène, avant de partir à la conquête du monde. Et tu m’annonces froidement aujourd’hui que cette enfant a disparu, que tu ne peux pas me la rendre. Laetitia, tu m’annonces cela alors qu’après dix années de lutte, dix années de dangers, dix années d’horreur, je suis devenu, moi, le pauvre bougre d’alors, le Roi du meurtre, le Maître de la Mort, le Crime Insaisissable. Et tu t’imagines que je te crois ? Et tu t’imagines qu’il va te suffire de me répondre : « Fantômas, je ne sais pas où est votre fille », pour que je renonce à l’espoir de la retrouver ? Ah ! vieille femme, on voit que tu ignores qui est Fantômas, et ce dont Fantômas est capable.
Laetitia ne répondit rien, elle était plus morte que vive…
— Écoute, reprit Fantômas, d’une voix encore plus grave, en pesant sur les mots d’une façon encore plus impérieuse, tu vas me dire où est Hélène ?
— Mais je ne le sais pas.
— Ou tu vas mourir au milieu d’abominables tortures…
— Tue-moi, Fantômas, torture-moi si tu veux. J’ignore où est ta fille.
***
Quel était donc le secret que détenaient à la fois Laetitia, Hans Elders et Fantômas ?
Jadis, le monstre insaisissable avait été un honnête homme. Il avait vécu au Transvaal puis, lors de la guerre, s’était engagé dans l’armée anglaise, trahissant les Boers.
Cependant il tenait à ces derniers par des liens indestructibles. D’une femme de Pretoria, il avait eu un enfant, une fille qu’il adorait.