La fille de Fantomas (Дочь Фантомаса) - Страница 21
Teddy venait de faire feu, un peu au jugé, sur quelque chose, homme ou bête, qu’il avait aperçu assez loin de lui, dans l’obscurité.
Après le claquement brutal du coup de fusil, le jardin redevint silencieux.
— Sapristi, se dit Teddy, je l’ai manqué.
Instinctivement, le jeune homme bascula encore le canon de son arme pour remplacer la cartouche qu’il venait de tirer.
La main dans sa poche, il prit un nouveau chargement, s’apprêta à l’introduire dans la culasse de son fusil… et tandis qu’il opérait, machinalement, sans regarder ce qu’il faisait, Teddy continuait à surveiller le jardin…
Or, la cartouche qu’il s’efforçait d’introduire dans son fusil devait être mal calibrée, car il ne pouvait réussir à la glisser dans l’âme du canon.
Teddy baissa les yeux et, revenant en courant vers les fenêtres éclairées, vérifia ce qui gênait sa manœuvre.
— Ah ! nom d’un chien ! jura-t-il.
La cartouche qui refusait d’entrer dans son fusil, c’était la cartouche rose, la cartouche qui avait détoné, sans éclater, quelques instants avant…
Or, cette cartouche, Teddy la regardait avec des yeux stupéfaits…
Il la considérait une minute, puis, comme ne se souciant plus de poursuivre dans le jardin l’être sur lequel il venait de tirer, Teddy, rebroussant chemin en courant, se précipita vers le cabinet de travail de Hans Elders et déjà il avait le pied sur les marches qui faisaient communiquer le jardin avec la chambre, lorsque, brusquement, il s’arrêta net, poussant pour la seconde fois un jurement sourd…
Qu’avait-il donc vu ?
***
Depuis trois jours, Jérôme Fandor avait été embauché par Hans Elders.
Le jeune homme qui, de sa vie, n’avait jamais vu une chercherie de diamants, n’avait même jamais lu aucun détail sur la façon dont on exploite pareille industrie, n’avait pu être affecté à des travaux bien compliqués.
Il servait aux usines en qualité de manœuvre, charriant des terres, portant des outils, aidant les uns, aidant les autres, et gagnant péniblement un maigre salaire.
Fandor pourtant était ravi de son sort.
Après la conversation qu’il avait eue avec Teddy, lorsque ce dernier l’avait fait évader de Lunatic Hospital, Fandor était tombé d’accord avec le jeune homme, qu’il importait avant tout de surveiller de très près les agissements compromettants de Hans Elders.
Certes, Fandor s’était fait embaucher à l’usine avec l’intention bien arrêtée de trouver ainsi le moyen de gagner sa vie, mais de plus, il n’était pas fâché de surveiller son patron.
Fandor, toutefois, était trop fin, et pour tout dire, trop habitué aux recherches de police, pour avoir accepté sans défiance et comme absolument certaines les paroles de Teddy.
— Hans Elders, avait affirmé Teddy, m’a volé une première fois le crâne mystérieux, c’est lui qui a dû vous le reprendre à l’asile, c’est lui le coupable…
Vingt-quatre heures après qu’il eut été engagé à la chercherie, Fandor pourtant avait une opinion bien arrêtée : il se passait à l’usine des choses bizarres.
Quoi ? Fandor n’aurait pas su le dire au juste, mais il lui semblait qu’on employait à la chercherie un personnel étrange.
Certains ouvriers avaient de véritables figures de forbans, de bandits, que faisaient-ils, si tant est qu’ils faisaient quelque chose ?
Et puis, autre chose surprenait encore Fandor : l’abondance des diamants, qui, certains jours, étaient découverts dans les terres lavées et le plus souvent par les mêmes ouvriers…
Hans Elders, d’ailleurs, paraissait le plus honnête, le moins inquiétant de tous ceux qui vivaient à Diamond City.
Mais le proverbe : tel maître, tel valet est souvent juste, Fandor n’était pas éloigné d’admettre la réciproque et de dire : tel valet tel maître. Aussi, chaque soir, après la fin du travail, Fandor en homme habitué à toutes les ruses, s’efforçait de rester soit dans les bâtiments de l’usine, soit dans les jardins de Diamond House. Il rôdait là de longs moments, surveillant les allées et venues, guettant les agissements des propriétaires, épiant, enquêtant…
Fandor, d’ailleurs, ne se faisait point d’illusion. Il savait que sa surveillance était dangereuse et que si jamais on venait à le découvrir, demeuré dans les environs de la chercherie sans motif plausible, on ne manquerait pas de l’accuser d’avoir voulu voler les pierres précieuses. Mais un danger n’avait jamais été pour empêcher Fandor de faire ce qu’il jugeait utile, et il se proposait bien de continuer à épier jusqu’à ce qu’il fut certain, ou de l’honnêteté de Hans Elders, ou de son caractère de bandit.
Or, ce soir-là, Fandor devait aller de stupéfaction en stupéfaction…
Il avait vu Teddy arriver à cheval, saluer Winie et monter avec elle au salon.
— Tiens ! tiens ! s’était dit Fandor, toujours prêt à rire un peu, M. Père étant parti, il me semble que Mlle Fille ne refuse pas de recevoir des visites.
Mais n’était-il pas intéressant de savoir exactement quel degré d’intimité existait entre Teddy et Winie, cela alors que Teddy avait assuré qu’il tenait Hans Elders pour un misérable ?
Fandor, très habilement, s’était approché des fenêtres, avait collé le visage aux carreaux pour épier les jeunes gens. Mais les choses s’étaient gâtées, Fandor avait à peine le temps de disparaître, s’étant rendu compte qu’on venait de l’entrevoir, que Teddy s’élançait à la fenêtre.
— Bigre de bigre, songea le journaliste, je ferai bien de ne pas moisir dans le jardin.
Fandor prit sa course, voulut s’enfuir.
L’intrépide jeune homme, malheureusement, connaissait fort inexactement encore les massifs de Diamond House. Dans sa précipitation, Fandor se trompa de chemin. Il pensait marcher vers la grille qu’il était aisé de franchir, lorsque, après trois minutes de course rapide, il se heurta au mur élevé qui ceinturait le parc.
— Boum, s’était dit Fandor, si je continue comme cela, je vais me faire prendre dans une souricière.
Fandor retourna sur ses pas. Aussi bien il n’entendait plus rien… Teddy peut-être avait pensé qu’il se trompait ?
Mais, quelques instants après, comme Fandor arrivait devant la maison et hésitait sur le chemin à suivre, Fandor sursauta d’effroi. Une détonation venait de retentir, une grêle de plomb crépitait, trouant les feuilles, tout près de lui.
— Oh ! oh ! murmura Fandor qui, instinctivement, venait de se jeter à plat ventre, voilà que je me fais canarder maintenant. Et canarder par Teddy encore. Le jeune homme apercevait en effet la silhouette du tireur, et la reconnaissait parfaitement. Que faire ?
— Je ne peux pas, songeait Fandor, révéler mon identité… Que dirait Teddy ?
Fandor resta, immobile, sur le sol…
— Il va s’en aller, pensait-il… Mais il fronçait les sourcils bientôt :
— Diable, il recharge son arme !…
Et puis Fandor ne comprit plus du tout ce qui arrivait…
Alors qu’il glissait une cartouche dans le magasin de son fusil, Teddy sursauta, puis couru au cabinet de travail de Hans Elders :
— Qu’est-ce qu’il fait se demandait Fandor ?
À ce moment, parvenu sur le seuil, Teddy s’arrêta brusquement…
— Pourquoi n’entre-t-il pas ?
Fandor n’était pas au bout de ses stupéfactions !
Il vit Teddy s’éloigner à pas précautionneux du cabinet de Hans Elders.
Le jeune homme gagna l’un des bouts du jardin, puis, épaulant à peine son arme, lâchait au hasard en l’air, sans viser quoi que ce soit, deux coups de fusil.
Les détonations éveillaient encore des échos que Fandor entendit Teddy appeler à pleins poumons :
— Au secours, Hans, à l’aide, par ici.
— Il est fou ! murmura Fandor, qu’est-ce qui lui prend ? Il tire en l’air et il appelle au secours…
Cependant, brusquement, affolé, Hans Elders venait de sortir de son cabinet de travail.
Hans Elders, attiré par les cris de Teddy, s’était précipité dans la direction du jeune homme.