La fille de Fantomas (Дочь Фантомаса) - Страница 19

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— Dépêchez-vous, madame, dit le fossoyeur qui s’était écarté.

La grande dame s’était jetée à genoux près de la bière ouverte, et avant que le fossoyeur ne fût revenu de sa surprise, elle avait renversé le contenu d’une fiole dissimulée dans le creux de sa main, sur les lèvres du mort.

Le fossoyeur avait poussé un cri d’épouvante :

— Ah ! madame… que voulez-vous donc faire ?

Mais l’émotion, le cloua sur place, ému, hébété, évanoui, on ne savait pas.

Quelques secondes après, le mort revenait à la vie. Ses paupières remuaient, ses bras eurent quelques contractions. L’homme enfin se redressa.

Ses lèvres s’agitèrent, il parla :

— Lady Beltham, murmura-t-il, merci, je vous attendais.

Lady Beltham, car c’était elle, en effet qui avait assumé la redoutable tâche de venir ouvrir le cercueil de Tom Bob, eut un mouvement d’angoisse :

— Vous étiez donc réveillé ? fit-elle.

— Depuis une heure, répliqua le ressuscité, je vous entendais, mais je ne pouvais faire le moindre mouvement. Si mon esprit vivait, mon corps était encore plongé dans la catalepsie.

— Tom Bob, implora lady Beltham, partons… fuyons.

L’homme sur la bière duquel on avait écrit le nom célèbre de « Tom Bob » se leva lentement. Mais il avisa le fossoyeur évanoui.

— Celui-là, qu’est-ce qu’il fait ?

Lady Beltham expliqua le précieux concours que lui avait prêté le fossoyeur, elle insista sur le malheur irréparable qui aurait résulté de son refus de coopérer.

Tom Bob, cependant, qui sentait peu à peu renaître en lui son irréductible vigueur, son admirable robustesse, demeurait songeur, les sourcils froncés.

— Ce fossoyeur, articula-t-il enfin, lentement, est un témoin… fâcheux.

— Grâce pour lui, Tom Bob, dit lady Beltham.

Mais Tom Bob ne l’écoutait pas. Déjà il se penchait sur le corps inerte du fossoyeur. La commotion avait été violente, l’homme ne reprenait toujours pas connaissance. Tom Bob eut un sourire affreux, en considérant celui qui allait être sa victime. Ses mains musclées et vigoureuses se nouèrent autour du cou du fossoyeur, puis ses doigts serrèrent longuement, cependant que le pouce comprimait avec énergie les carotides et la trachée-artère. Le malheureux n’eut pas un mouvement de révolte, ne fit pas un geste.

À peine entendit-on un léger râle s’échapper de sa gorge, puis sa tête retomba en arrière, cependant que ses lèvres devenaient toutes blanches et que ses yeux se révulsaient.

Lady Beltham, épouvantée, s’était laissée tomber sur les dalles de pierre qui constituaient le sol du caveau.

De ses yeux fixes, agrandis par l’épouvante, désormais, elle regardait faire Tom Bob.

Tom Bob avait soulevé le cadavre du fossoyeur, sa force herculéenne lui était entièrement revenu, et Tom Bob prenait le mort à pleins bras, l’emportait pour le déposer ensuite dans le cercueil, dont lui-même venait de sortir quelques instants auparavant.

Tom Bob, cet acte horrible accompli, revissa le couvercle sur la bière avec une hâte fébrile, et quelques minutes plus tard, l’ordre était rétabli dans la crypte.

Dans les cercueils, rangés les uns contre les autres, il n’y avait plus désormais que des morts… que de véritables morts.

***

La nuit n’était pas encore achevée que Tom Bob et lady Beltham se retrouvaient dans une petite maison isolée de la banlieue de Londres.

Cependant, lady Beltham luttait encore pour réagir contre l’émotion qui l’avait torturée.

Tom Bob, lui, fit une toilette minutieuse, puis s’apprêta à partir.

— Tom Bob, dit lady Beltham, vous me quittez, vous m’abandonnez, moi qui vous ai sauvé ?

— Je vous ai sauvée aussi, répliqua Tom Bob, et je vous sauverai encore, mais un homme, même un homme comme moi, n’a qu’une parole. J’ai juré, je vais tenir mon serment.

Lady Beltham épouvantée, car sans doute elle comprenait la décision du mystérieux personnage qu’elle venait d’arracher à la mort la plus affreuse, interrogeait douloureusement :

— Mais que comptez-vous faire ?

— Voir Juve, déclara Tom Bob, voir Juve auquel j’ai promis de rendre Fandor, Juve à qui j’ai donné rendez-vous trois jours après mon enterrement.

Lady Beltham avait une exclamation de surprise :

— Vous rendrez Fandor à Juve, dit-elle, savez-vous donc où il se trouve ?

Gravement, Tom Bob affirma :

— Je sais où se trouve Fandor, madame, et je le rendrai à Juve, car en rendant Fandor j’obtiendrai de mes adversaires le répit dont j’ai besoin pour accomplir l’œuvre que je médite depuis quinze ans.

— Tom Bob, s’écria encore lady Beltham, est-ce possible ? c’était donc vrai ?

— C’était la vérité, madame… et, quoi qu’il arrive, n’oubliez jamais que l’amour le plus puissant est…

— Est ?

— L’amour paternel.

Tom Bob, qui venait d’échapper si miraculeusement à une mort horrible, n’était pas seulement le plus célèbre des détectives anglais, membre du Conseil des Cinq. C’était encore et surtout, Fantômas.

Fantômas dont les dernières paroles à son vieil adversaire, avaient été :

— Juve… à dans trois jours.

***

Juve, après avoir compté les jours, comptait les heures. Le soir venait. Avec la nuit toute proche, allait s’achever la troisième journée, allait se terminer le délai fixé par Fantômas. Juve reverrait-il le bandit ?

Certes, sa décision était prise : si Fantômas ne revenait pas, Juve, le soir même, serait au cimetière, il aurait vu le chef de la police anglaise et lui aurait tout raconté. Il ferait ouvrir le cercueil.

Mais Juve ne voulait rien dire, Juve ne voulait pas agir avant l’expiration du délai.

Il était environ sept heures. À huit heures, l’inspecteur de la Sûreté reprendrait sa liberté d’action.

Juve, dans la petite chambre qu’il occupait dans un hôtel du centre de Londres, en proie à une vive émotion, allait et venait, incapable de tenir en place.

Soudain il tressaillit.

Un coup discret venait d’être frappé a la porte.

- Entrez, fit Juve, d’une voix étranglée par l’émotion.

La porte s’ouvrit.

Fantômas apparut…

8 – LES PREMIÈRES CARTOUCHES

— Ma chère Winie, affirmait Teddy, vous avez absolument tort de vous désoler. D’abord, se faire du mauvais sang n’a jamais servi à rien, et, ensuite, vous verrez que tout s’arrangera… Tout s’arrange, d’ailleurs.

— Ah ! Teddy, on voit bien que vous n’êtes pas à ma place, vous ne comprenez pas toute l’horreur de la situation.

— Mais rien n’est définitif, Winie, voyons…

— Si, Teddy. Comment voulez-vous que son innocence éclate jamais ?

— Le jour où l’on découvrira le voleur…

— Est-ce qu’on le découvrira jamais ?

— Si, si, le voleur d’une somme pareille, Winie, doit fatalement commettre une imprudence, faire des dépenses exagérées, jouer aux cartes, attirer l’attention.

Winie, tristement, secoua la tête.

— Non, déclara-t-elle, vous vous trompez, ce misérable argent a été trop adroitement subtilisé, pour qu’il ne soit pas absolument certain que le coupable est un habile homme. Il sait maintenant, à coup sûr, que le lieutenant Wilson Drag passe pour coupable, il aura bien soin de ne rien faire qui puisse attirer les soupçons sur lui. Wilson Drag est bel et bien perdu…

— Perdu, mais non.

— Que voulez-vous qu’il fasse maintenant ? Si ses collègues, si ses chefs apprennent jamais pareille aventure, voyez le scandale, voyez le déshonneur qui rejaillit sur lui…

— Votre père ne dira rien, Winie…

— Papa, non, sans doute. Il ne voudrait pas avoir une pareille responsabilité, mais Jupiter parlera. Vous pensez bien…

Teddy ne répondit pas.

Ils se trouvaient dans la vaste pièce, formant salon, qui occupait presque tout le rez-de-chaussée de Diamond House.

Par les fenêtres, on apercevait les montagnes sauvages, encerclant de toutes parts la maison, et la nuit close, à peine éclairée par une lune indécise, prêtait des aspects fantastiques aux arbres torturés par le vent.

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